Fiche du document numéro 24252

Num
24252
Date
Mardi 16 avril 2019
Amj
Fichier
Taille
293939
Pages
2
Urlorg
Titre
Archives sur le génocide au Rwanda. « L’accès aux sources secrètes doit être étendu aux juges »
Sous titre
Alors qu’une commission d’historiens va pouvoir examiner des documents, jusque­ là inaccessibles, sur le rôle de la France au Rwanda de 1990 à 1994, les avocats des parties civiles dans le dossier du massacre de Bisesero réclament que cet accès soit élargi aux magistrats
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le chef de l’Etat vient de décider de réunir une commission d’historiens et de spécialistes pour faire la lumière sur l’attitude de la France pendant la préparation, la commission et les suites du génocide contre les Tutsi au Rwanda. Cette commission, si l’on en croit son président, aura accès à toutes les informations utiles et donc aux archives qui, à ce jour, n’ont été ouvertes que de manière très parcellaire.

Au­ delà des procédures actuellement en cours contre des personnes accusées d’avoir participé au génocide, d’autres procédures ont été engagées à raison de l’attitude observée par l’armée française lors de l’opération annoncée comme humanitaire et dénommée « Turquoise ».

Rappelons brièvement les faits. Le génocide contre les Tutsi est en cours depuis deux mois et demi lorsque les autorités françaises déclenchent, le 22 juin 1994, l’opération « Turquoise », avec l’objectif officiel de mettre fin aux massacres. Les troupes du Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion majoritairement tutsi, sont alors en passe d’infliger une défaite militaire aux forces gouvernementales, largement impliquées dans les tueries.

Le 27 juin, à Bisesero, une hauteur surplombant le lac Kivu, des survivants tutsi réfugiés dans les montagnes, traqués quotidiennement, reprennent espoir lorsqu’ils voient arriver un petit détachement de militaires français conduit par un officier. Celui­ ci conseille aux survivants, qui implorent la protection française, de retourner se cacher, mais promet de revenir. Trois jours s’écouleront avant que des militaires français ne reviennent. Entre­temps, des centaines de Tutsi réfugiés dans ces collines auront été massacrés par les génocidaires.

Que s’est­ il passé du 27 au 30 juin 1994 dans la chaîne de commandement militaire et politique française ? Y a­ t­ il eu une terrible erreur d’appréciation ou ce délai traduisait­ il la volonté délibérée de ne pas intervenir, au risque de faciliter l’extermination des Tutsi de Bisesero ? C’est tout l’enjeu d’une instruction ouverte à la suite d’une plainte contre X déposée par six rescapés tutsi devant le tribunal aux armées de Paris, et transmise en 2012 au pôle « Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre » du tribunal de Paris et dans laquelle les organisations que nous représentons sont aussi parties civiles.

Manifestation de la vérité



Les parties civiles dans ce dossier ont, de manière répétée, demandé à ce que les archives soient accessibles pour la manifestation de la vérité. Chaque fois, l’accès général et inconditionnel aux documents militaires a été refusé au nom du secret­ défense : certains documents essentiels n’ont pas été communiqués aux magistrats instructeurs ou ne l’ont été que partiellement. Cela empêche les juges de mener leur instruction jusqu’au bout et alimente les soupçons qui pèsent sur de hauts gradés français et la chaîne politique de commandement.

En permettant l’accès d’une commission d’historiens, le chef de l’Etat, garant du fonctionnement des institutions et notamment de celui de la justice, lève les obstacles jusque­-là opposés aux magistrats : on ne comprendrait pas que les historiens aient un accès total aux archives, mais pas les juges.

Au moment où les magistrats responsables du dossier Bisesero envisagent de clôturer leur instruction, il est indispensable que la décision d’accès aux sources secrètes soit, vingt-­cinq ans après les faits, étendue immédiatement aux juges qui ont la charge de la manifestation de la vérité.



Signataires : Mes Laure Heinich et Karine Bourdié, avocates des rescapés tutsi de Bisesero ; Mes Eric Plouvier et Olivier Foks, avocats de l’association Survie ; Me Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) ; Me Michel Tubiana, avocat de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)
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