Fiche du document numéro 2421

Num
2421
Date
Samedi 30 janvier 1999
Amj
Auteur
Fichier
Taille
140515
Pages
2
Surtitre
France-Rwanda
Titre
Et après les travaux de la mission d'information ?
Soustitre
Le récent rapport de la mission parlementaire appelle à aller plus loin, souligne le Comité vérité sur le Rwanda. Réaffirmant l'exigence d'une commission d'enquête dotée des pouvoirs requis.
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Mot-clé
BNP
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
DES « avancées réelles sur le chemin de la vérité » et confirmation de
zones d'ombre persistantes, voire émergence d'interrogations
nouvelles... Ainsi peut se résumer l'opinion émise par le Comité vérité
sur le Rwanda, un mois après la publication du rapport de la mission
d'information parlementaire « sur les opérations militaires menées par la
France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 ». Au cours
d'une conférence de presse animée par Jean-Pierre Chrétien (auteur
notamment du « Défi de l'ethnisme »), Jean-François Dupaquier (« la Justice
internationale face au drame rwandais »), Dominique Franche (« Généalogie
d'un génocide ») et François-Xavier Verschave (« la Françafrique »).

Des conclusions gardées secrètes



Comparant le rapport antérieur de la commission sénatoriale belge à
celui de la mission parlementaire française, Dominique Franche souligne
que le premier a fait montre d'une « volonté de précision, de recherche
des responsabilités et d'investigation » plus systématique que le second.
En particulier en ce qui concerne le massacre des casques bleus belges
au début avril 1994, alors que l'enquête sur les Français tués au Rwanda
(notamment les trois passagers de l'avion présidentiel) durant la même
période n'a jamais été officiellement effectuée. Certaines rumeurs
laissent entendre le contraire, auquel cas une question évidente se
pose : pourquoi les conclusions en sont-elles gardées sous le coude ?
Le champ d'investigation de la mission, se limitant aux domaines
institutionnels, ignore des dimensions aussi essentielles que celui des
« cercles parallèles » dits encore des « bandes noires » ; en clair des
réseaux, lobbies et intermédiaires officieux. Un exemple : un récent
rapport de l'ONU se fait l'écho de sources suisses confirmant un achat
massif d'armes légères à la mi-juin 1994 (donc en plein génocide)
négociées par le colonel Bagosora, l'un des principaux organisateurs des
tueries, aux Seychelles, précisant que les fonds utilisés émanaient de
la BNP Paris. Vrai ? Faux ? La mission ne s'étant pas intéressée à cette
enquête conduite sous l'estampille des Nations unies, aucune réponse ne
peut être donnée avec certitude.

Inertie des autorités françaises



Autre fait illustrant une certaine inertie des autorités françaises,
la présence d'acteurs du génocide à l'intérieur de nos frontières. On
parle d'au moins deux ministres de l'ancien gouvernement intérimaire et
de l'ex-préfet de Gikongoro résidant actuellement en France.

Jean-François Dupaquier évoque également l'affaire du prêtre Wenceslas
Munyeshyaka, mis en examen pour sa participation au génocide de 1994 et
qui, bénéficiant jusqu'à ce jour d'un traitement particulier des
autorités judiciaires françaises (motif déclaré : nécessité d'attendre
de connaître officiellement les intentions du Tribunal pénal
international), coule des jours paisibles comme diacre de la paroisse
Notre-Dame des Andelys (Eure)... « Près de cinq ans après le génocide,
quatre ans et demi après l'accueil en France du père Wenceslas
Munyeshyaka -- observe Jean-François Dupaquier -- il est permis de
s'interroger sur la volonté réelle du gouvernement français d'appliquer
le droit pénal français et de se soumettre aux traités, résolutions et
conventions internationales signées par notre pays ».

Revenant au document produit par la mission, Jean-Pierre Chrétien
apprécie « l'effort d'honnêteté des rapporteurs. Il s'agit d'un travail
qui va dans le bon sens, d'une étape importante. Mais ce n'est qu'une
étape, ce que, à maintes reprises, les rapporteurs ont eux-mêmes
souligné (NDLR : notamment en ce qui concerne l'attentat du 6 avril 94
contre l'avion d'Habyarimana et les trafics d'armes). Comme ils ont
dénoncé des erreurs de la politique française ; il reste donc à
chercher les décisions ayant abouti à ces erreurs , à en faire
apparaître les motivations. La constitution d'une commission d'enquête
parlementaire s'impose comme la conclusion logique du rapport de la
mission d'information ». Une exigence partagée par François-Xavier
Verschave : « Si une telle commission d'enquête n'est pas instaurée,
toutes ces dimensions occultes affleurant dans le rapport se
retrouveront inévitablement prochainement dans d'autres endroits du
continent africain (...). Une des raisons pour lesquelles d'aucuns
s'opposent à toute enquête sur les trafics d'armes est que ceux-ci sont
toujours à l'oeuvre. »

JEAN CHATAIN
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