Fiche du document numéro 2416

Num
2416
Date
Mardi 7 avril 1998
Amj
Fichier
Taille
5650
Pages
2
Titre
La "surdité" de la cellule élyséenne
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
'L'ETABLISSEMENT de l'exacte vérité sur le génocide rwandais ainsi que le
jugement de responsables nécessitent l'effort de tous. Je m'engage pour ma
part à ce que la France fasse tout ce qui est en son pouvoir pour y
contribuer...' Pétition formulée par Jacques Chirac, alors candidat à la
présidentielle, dans les colonnes du 'Monde' en date du 7 avril 1995,
premier anniversaire du début des massacres des opposants hutu à la
dictature et des familles tutsi. Dans ce domaine comme dans les autres,
Jacques Chirac, élu président, consacrera ses efforts à oublier ses
engagements de candidat.
Pourtant les révélations filtrant à travers la presse française n'ont pas
manqué, qui soulignaient chaque fois plus l'exigence d'enquête et de vérité.
Deux exemples à ce propos.
19 novembre 1996, 'l'Humanité' reproduit des documents relatifs à des
livraisons d'armes aux forces génocidaires par deux entreprises françaises,
la SOFREMAS et la société Luchaire. Documents retrouvés à Goma, au Zaïre,
dans l'enceinte d'un camp de réfugiés rwandais (nous sommes alors au début
de l'insurrection dirigée par Kabila contre le maréchal-gangster Mobutu).
Ils laissent apparaître notamment que la SOFREMAS (société d'exploitation de
matériels et systèmes d'armement contrôlée par l'Etat) a rompu l'embargo des
Nations unies sur les livraisons d'armes, décrété le 17 mai 1994 (plus d'un
mois après le début du génocide) et entré en vigueur le 26 juin 1994. Le
lendemain, 20 novembre, 'l'Humanité' évoque les livraisons d'armes
effectuées au profit des ex-FAR (Forces armées rwandaises) et miliciens
interahamwe encadrant les camps de réfugiés rwandais au Zaïre par une
entreprise du groupe Herstal installée au Kenya. Précision: groupe liégeois
propriétaire des armes de chasse Browning et Winchester aux Etats-Unis,
Herstal est, depuis 1990, filiale majoritaire du groupe français
GIAT-Industries. Lequel est également propriétaire de la société Luchaire...
Ces derniers jours, très exactement le mercredi 1er avril 1998, Patrick de
Saint-Exupéry reproduit dans 'le Figaro' plusieurs dépêches 'confidentiel
défense' envoyées par l'ambassade de France à Kigali dès octobre 1990, soit
au moment où se décidait l'opération Noroît (voir ci-contre).
Quelques extraits révélateurs:
* 8 octobre 1990. 'La répression continue à Kigali. De très nombreux
suspects sont arrêtés, emprisonnés, interrogés, parfois fusillés (...).
Cette chasse pourrait, en cas d'aggravation, dégénérer en tueries.'
* 13 octobre 1990. 'Des massacres sont signalés dans la région de Kibisira,
à 20 kilomètres au nord-ouest de Gitarama. Le risque de généralisation -
déjà signalé - de cette confrontation pourrait ainsi se généraliser.'
* 19 octobre 1990. 'Il existe des possibilités de déclenchement de graves
exactions à l'encontre des populations tutsi de l'intérieur qui seraient
soit spontanées, soit encouragées par les plus durs du régime actuel jouant
ainsi leur va-tout.'
Patrick de Saint-Exupéry conclut sur deux autres citations, beaucoup plus
récentes puisque tirées de l'audition de deux universitaires (24 mars 1998)
par la mission d'information parlementaire sur le Rwanda. Claudine Vidal
(CNRS) parle de ces responsables politiques français qui 'reproduisaient
purement et simplement la propagande des extrémistes hutu'... André
Guichaoua (professeur à l'université de Lille), lui, évoque une 'soumission
française aux stratégies des clans ou familles rwandais au pouvoir. (...)
Dans ce type de relations, qui utilise qui? Quels intérêts nationaux majeurs
ont motivé l'engagement de la France au Rwanda?'
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