Fiche du document numéro 24017

Num
24017
Date
Jeudi 22 septembre 1994
Amj
Fichier
Taille
646880
Pages
5
Urlorg
Titre
Fiche particulière n° 19404/N - Rwanda : Hypothèse du service sur les responsabilités de l'attentat contre l'avion du Président Habyarimana
Nom cité
Nom cité
Nom cité
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Mot-clé
Cote
No 19404/N
Résumé
The most plausible hypothesis tends to designate Colonels Bagosora and Serubuga as the main sponsors of the attack. Originally from Karago like Habyarimana, they considered themselves legitimate heirs. They did not support their retirement. They approached Agathe Habyarimana, one of the main brains of the radical tendency.
Source
Type
Note
Langue
FR
Citation
Le 22 septembre 1994
N° 19404/N

FICHE PARTICULIÈRE
RWANDA



HYPOTHESE DU SERVICE SUR LES RESPONSABILITES DE L'ATTENTAT
CONTRE L'AVION DU PRESIDENT HABYARIMANA




Le 12 juillet 1994, le Service avait déjà émis une hypothèse qui, deux
mois plus tard, lui semble toujours la plus plausible. Cette
hypothèse, appuyée sur les témoignages d'une personnalité politique
hutu modérée, tendrait à désigner les colonels Bagosora, ancien
directeur de cabinet du ministre de la Défense, et Serubuga, ancien
chef d'état-major des Forces Armées Rwandaises (FAR), comme les
principaux commanditaires de l'attentat du 6 avril 1994.

Tous deux natifs de Karago, à l'instar du défunt président
Habyarimana, ils se sont longtemps considérés comme les héritiers
légitimes du régime. Leur mise à la retraite, prononcée en 1992 par le
président Habyarimana, alors qu'ils espéraient obtenir le grade de
général, avec les privilèges afférents, a été à l'origine d'un lourd
ressentiment et d'un rapprochement remarqué auprès de Mme Agathe
Habyarimana, veuve du président et considérée souvent comme l'un des
principaux cerveaux de la tendance radicale de l'ancien régime.footnote{Mme Habyarimana se distinguait essentiellement de son mari par une
opposition viscérale à l'esprit des accords d'Arusha et à tout partage
du pouvoir avec le Front Patriotique Rwandais (FPR).



I- ROLE DU COLONEL BAGOSORA AU MOMENT DE L'ATTENTAT


Selon un officier des anciennes Forces Armées Rwandaises (FAR), une
activité inhabituelle était perceptible, au début du mois d'avril
1994, peu avant l'attentat, dans les garnisons de la capitale. Par
ailleurs, le colonel Bagosora, directeur de cabinet du ministre de la
Défense, aurait, dès l'annonce du drame, tenté, mais en vain, de
prendre les affaires en main.



Le 1er avril 1994, aurait été signée une note autorisant le transfert
logistique de carburant, d'armes collectives et de munitions, en
quantités bien supérieures à la moyenne, depuis le camp militaire de
Kanombe vers le camp de Kimihurura occupé par la Garde Présidentielle
(GP). Deux compagnies de parachutistes (environ 300 hommes) ont été,
dans le même temps, transférées de Kanombe à Kimihurura. Les
déplacements se sont déroulés en toute discrétion, afin d'éviter les
contrôles de la Mission d'Assistance des Nations Unies au Rwanda
(MINUAR). Selon cet officier, ce renforcement exceptionnel était
destiné à permettre à la GP, désormais seule au camp de Kanombe,
d'exécuter son oeuvre, le 6 avril, tout en laissant son camp de
Kimihurura sous la protection des parachutistes. Le camp de Kimihurura
était, en effet, situé à proximité immédiate du Conseil National de
Développement (CND-Parlement), où se trouvaient les 600 hommes du
bataillon de protection du Front Patriotique Rwandais (FPR).


.../...




% USAGE STRICTEMENT NATIONAL
% CONFIDENTIEL DÉFENSE





Outre les réunions officielles de la hiérarchie des FAR, des réunions
restreintes se sont déroulées, à Kanombe, peu après l'attentat. Le
colonel Bagosora, absent à ce moment-là, aurait alors tenté de
réclamer sa place au sein du ``comité de crise'', mis en place dès le 7
avril 1994. Assisté d'une dizaine de jeunes officiers récemment
promus, le général Rusatira, commandant de l'Ecole Supérieure
Militaire de Kigali, qui a ensuite pris ses distances avec l'ancien
gouvernement, l'en aurait empêché. Le colonel Bagosora, à la suite de
ce revers, aurait rappelé tous les officiers en retraite sous les
drapeaux, afin d'obtenir leur soutien. Des membres de la délégation
présidentielle, restés à Dar-es-Salam après l'annonce de l'attentat,
ont également témoigné que le colonel Bagosora avait tenté de
s'imposer comme le nouvel homme fort au Rwanda.



II - ELEMENTS SUR LE RESEAU ZERO



Constitué de radicaux hutu, originaires du nord, civils et militaires,
proches de la famille présidentielle et opposés à toute évolution
démocratique au Rwanda, le ``réseau Zéro'', ou ``Akazu'', est soupçonné
d'être au centre du complot qui a abouti à l'attentat du 6 avril 1994
et d'être responsable de la planification systématique des exactions.

La plupart des témoignages permettant de révéler l'existence d'une
telle organisation clandestine reposent sur les déclarations de
l'ancien procureur de Kigali M. Alphonse Nkubito, devenu ministre de
la Justice du nouveau régime. Ce dernier, par ses révélations à une
délégation de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme
(FIDH), au début de l'année 1993, est le principal responsable de la
mise à jour de cette structure parallèle, évoluant au plus haut niveau
de l'Etat et bénéficiant autant de sa protection que de ses
infrastructures. À la suite de ses dénonciations, M. Nkubito avait été
désigné par M. Habyarimana comme l'un des principaux ennemis du
régime. Sans que des preuves formelles aient jamais pu être apportées,
d'autres personnalités dignes de foi ont fait état des implications du
``réseau Zéro''.

Ce dernier se serait constitué en 1991, lors d'une réunion à laquelle
participaient des officiers et les membres du directoire du Mouvement
Républicain National pour la Démocratie (MRND). Invités à se prononcer
sur les conséquences de la démocratisation, les participants auraient
conclu que si le président Habyarimana acceptait le partage du
pouvoir, celui-ci reviendrait aux Hutu du sud. La possibilité d'un
coup d'Etat visant à renverser M. Habyarimana, pour lui substituer un
autre officier originaire de Gisenyi, aurait alors été évoquée.

Une liste recensant les noms des principaux commanditaires des
exactions a circulé, durant ces derniers mois, au Rwanda. Elle aurait
été élaborée, essentiellement, sur les indications de M. Alphonse
Nkubito. Plusieurs officiers figurant sur cette liste bénéficieraient
de la protection de Mme Agathe Habyarimana et de son frère, Protée
Zigiranyirazo, alias ``monsieur Z'', tous deux désignés comme étant
les véritables cerveaux de l'organisation. Ce groupe, surnommé les
``colonels de Madame'',footnote{Il s'agit des colonels Bagosora,
Serubuga, Nkundiye et Anatole Nsengiyumva.} est parfois désigné
comme le principal commanditaire de l'attentat ayant coûté la vie au
président Habyarimana le 6 avril 1994.





Cette opération aurait été préméditée de longue date par les
extrémistes hutu. L'assassinat de ministres de l'opposition modérée
et de Tutsi moins d'une demi-heure après l'explosion du Falcon
présidentiel, confirmerait le haut degré de préparation de cette
opération.





L'assassinat, en 1991, du colonel Mayuya, communément présenté comme
le dauphin de l'ex-président, lui serait également imputé. Mme
Habyarimana détestait cet officier favorable à la démocratisation.

Dans les années qui ont précédé l'attentat contre le président
Habyarimana, les opérations généralement menées par les ``escadrons de
la mort'', véritable bras armé du ``réseau Zéro'', ont visé à
déstabiliser les principaux partis d'opposition, à provoquer des
désordres, voire même des affrontements sanglants, dans le but
principal de saboter le processus de démocratisation et l'application
des accords d'Arusha.

Outre la perturbation organisée de nombreuses réunions politiques de
l'opposition, le ``réseau zéro'' est fortement suspecté d'avoir
encouragé, à plusieurs reprises, le développement des haines
interethniques, dans le seul but de suspendre toute évolution
politique susceptible de retirer une partie du pouvoir des mains des
Hutu du nord. Les exactions, perpétrées au mois de janvier 1993, dans
l'est du pays, par les milices armées hutu du Mouvement Républicain
National pour la Démocratie (MRND) et de la Coalition pour la Défense
de la République (CDR), avec la complicité de certaines autorités
locales, ont été, pour une grande part, à l'origine de la reprise des
combats par le Front Patriotique Rwandais (FPR), au mois de février
1993.

Les personnes concernées par ces accusations (Cf. Annexe) ont toujours
nié toute implication personnelle et dénoncé jusqu'à l'existence même
des ``escadrons de la mort'' qui opèrent dans la
clandestinité. Toutefois, un fort faisceau de présomptions et de faits
troublants permet d'accorder un certain crédit à ces accusations. Par
ailleurs, la prestation télévisée du colonel Bagosora, membre du
réseau ``Zéro'', interrogé par les journalistes de l'émission ``La marche
du siècle : Etats d'urgence'' (France 3, le 21 septembre 1994), devenu
particulièrement menaçant à la suite de questions directes concernant
sa responsabilité dans l'origine des massacres, en dit long sur le
personnage et ses motivations.


% USAGE STRICTEMENT NATIONAL
% CONFIDENTIEL DÉFENSE










% Déclassifié par décision
% du ministre de la Défense
% N° 009560 du 09 0CT2015



ANNEXE

PRINCIPAUX MEMBRES DU ``RESEAU ZERO''

Selon divers témoignages recoupés, la liste (non exhaustive) de ses
membres, arrêtée au début de l'année 1993, serait la suivante :

- M. Joseph Nzirorera, ancien ministre, ancien député de Ruhengeri ;

- M. Protée Zigiranyirazo, alias monsieur ``Z'', ancien préfet de
Ruhengeri, beau-frère du président. Expulsé du Canada au mois de mars
1993, après avoir proféré des menaces de mort à l'encontre d'expatriés
tutsi, M. Zigiranyirazo a également été mis en cause par le quotidien
``La libre Belgique'' pour avoir été l'instigateur d'un réseau de
contrebande de gorilles. A ce titre, M. Nick Gordon, journaliste
britannique, auteur de l'ouvrage ``Meurtres dans la brume'', n'avait pas
hésité à soutenir et à démontrer que monsieur ``Z'' était à l'origine du
meurtre mystérieux de Diane Fossey, reporter de la fondation National
Geographic Society, dans les volcans du nord-ouest ;

- M. Séraphin Rwabukumba directeur de la société ``la Centrale'', beau-frère du
président ;



CONFIDENTIEL DÉFENSE



Déclassifié par décision
du ministre de la Défense
N° 009560 du 9 OCT 2015



CONFIDENTIEL DÉFENSE





- Colonel Laurent Serubuga, ancien chef d'état-major adjoint des forces
gouvernementales ;

- Colonel Elie Sagatwa, chef de l'état-major particulier du président
Habyarimana, beau-frère du président, décédé le 6 avril 1994, lors de
l'accident du Falcon présidentiel ;

- Mme Chantal Rushingabigwi ;

- M. Alphonse Ntirivamunda, directeur des Ponts et Chaussées ;

- Capitaine Pascal Simbikangwa, fonctionnaire de la Présidence, beau-frère du
colonel Sagatwa, suspecté d'avoir torturé de nombreuses personnes ;

- Colonel Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la Défense ;

- M. Boniface Rucagu, député de Ruhengeri ;

- Major Léonard Nkundiye, commandant de la Garde Présidentielle ;

- Colonel Anatole Nsengiyumva, chef des Renseignements militaires.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024