Fiche du document numéro 2385

Num
2385
Date
Vendredi 15 juillet 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
113986
Pages
2
Urlorg
Titre
Une nouvelle catastrophe se prépare
Sous titre
Les miliciens et l'armée rwandaise fuient devant l'avance des forces du Front patriotique, dans le nord-ouest du pays entraînant avec eux des centaines de milliers de personnes. Dans le Sud-Ouest sous contrôle français la situation humanitaire devient aussi tragique.
Cote
no 15526
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
APRES la chute, mercredi soir, de Ruhengeri, leur dernière place forte
dans le nord-ouest du Rwanda, les résidus de l'armée gouvernementale
et des milices fuient vers Goma, la ville zaïroise située à la
frontière et servant de base arrière à l'expédition française.

Les fuyards entraînent avec eux des centaines de milliers de civils
rwandais, parmi lesquels nombre de ceux qui ont été frappés par la
folie meurtrière des massacres de la communauté tutsie et des
opposants au régime défunt. La propagande des massacreurs qui avaient
poussé ces personnes au meurtre les a lancées sur les routes en leur
faisant croire qu'à leur tour elles allaient être massacrées par les
combattants du FPR.

En vingt-quatre heures, près de deux cent mille personnes ont franchi,
dans un désordre effroyable, la frontière zaïroise. De l'autre côté, à
Goma, une ville de 150.000 habitants, les réfugiés sont à leur tour
victimes, tout à la fois, des milices du maréchal-président Mobutu, de
sa « garde civile » et de ses gendarmes. Ces hommes de main de la
dictature zaïroise, laissent passer ces camions transportant des
militaires et des miliciens rwandais armés. En revanche ils pillent
systématiquement les maigres biens des réfugiés. Ceux-ci, n'ayant plus
aucune réserve de vivres, se répandent dans les champs et les jardin
des habitants de Goma pour y trouver de la nourriture, provoquant, en
retour, la colère de la population zaïroise.

« On risque d'assister à un désastre auquel on ne pourra faire face
que difficilement », a déclaré jeudi Tony Burgener, l'un des
porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le
Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) de son côté, tente
d'ouvrir des camps mais affirme que « la situation pourra très vite
tourner au cauchemar ». Cet exode pourrait, selon les derniers bilans,
dépasser celui qui avait conduit 250.000 réfugiés en Tanzanie.

Dans le sud-ouest du pays, la région sous contrôle du corps
expéditionnaire français devient aussi un cauchemar pour les 500.000
Rwandais qui s'y sont réfugiés. « Où que l'on regarde, il y a des
gens, des gens. La situation se résume en quelques mots : un désastre
humain et écologique potentiel dans quelques semaines », a déclaré le
directeur du Programme alimentaire mondial au Burundi, Gemmo Lodesani,
de retour d'une tournée dans les régions rwandaises de Gikongoro et
Cyangugu.

Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères français,
Paris a demandé jeudi aux chefs d'Etat des pays voisins du Rwanda -
Zaïre, Ouganda, Tanzanie, Burundi et Kenya - d'organiser « sans délai
un sommet destiné à trouver les conditions d'un règlement politique
tant il apparaît évident qu'aucune solution militaire ne permettra une
réconciliation durable au Rwanda ». Dans le même temps, le
gouvernement français a demandé une région d'urgence du Conseil de
sécurité « pour mobiliser l'aide humanitaire indispensable et
accélérer la mise en place d'un cessez-le-feu ».

Les autorités françaises, qui ont largement contribué à cette nouvelle
catastrophe annoncée en intervenant d'une manière intempestive -
l'arrivée du corps expéditionnaire français ayant provoqué un
formidable exode de rwandais vers la zone dite de sécurité - tentent
ainsi une fois de plus de dégager leurs responsabilités. Dans le même
temps elles poursuivent leur tentatives d'imposer une solution dont
l'objectif est d'empêcher, par les moyens les plus détestables, les
forces démocratiques rwandaises de reprendre en main, pacifiquement,
les destinées du pays pour le reconstruire, comme l'a déclaré le
premier ministre désigné par les accords d'Arusha, Faustin
Twagiramungu, à son arrivée hier à Kigali.
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