Fiche du document numéro 2376

Num
2376
Date
Mardi 5 juillet 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
137635
Pages
2
Urlorg
Sur titre
Rwanda
Titre
Kigali et Butare aux mains du FPR
Sous titre
Le Front patriotique est entré hier dans le centre de la capitale. Il s'est également emparé de Butare dans le Sud. L'armée française, présente à une trentaine de kilomètres de là, menace : « Si le FPR vient, nous tirerons sans hésitation. »
Nom cité
Nom cité
Cote
no 15517
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LES combattants du Front patriotique rwandais sont entrés, hier, dans
le centre de Kigali et ont pris Butare, deuxième ville du pays, selon
les envoyés spéciaux de l'AFP. De source militaire française, on se
montre moins catégorique, mais on confirme que « des éléments du FPR
contrôlent des points de la route qui mène de Butare à la frontière
avec le Zaïre. Il y a une semaine, le FPR était à l'est de Butare, il
est aujourd'hui à l'ouest ».

Ces conditionnels des communiqués militaires français étaient démentis
en cours de journée. L'AFP confirmait le contrôle de la ville de
Butare par les troupes du FPR, précisant que plusieurs centaines de
soldats du Front sont entrés dans la ville au petit matin. Leur entrée
avait été précédée, depuis la veille, de violents échanges de tirs.
En fin de matinée, la ville était calme, a constaté l'envoyé spécial
qui a qualifié de « décontractée » l'attitude des soldats du FPR qui
poursuivaient cependant, en début d'après-midi, des opérations à la
recherche de tireurs isolés retranchés dans des maisons.

Une confirmation identique était donnée un peu plus tard concernant la
capitale. « Il y a encore quelques poches de résistance avec surtout
des miliciens, mais pour l'essentiel nous tenons la ville », a déclaré
à la presse un officier du FPR. Les principales positions que les FAR
(Forces armées rwandaises) tenaient encore dans la ville - le camp de
la gendarmerie et le camp de la garde présidentielle - avaient été
abandonnées dans les heures précédentes. « Je suis si heureux, j'ai
rêvé pendant tellement longtemps de marcher dans les rues de Kigali »,
s'est exclamé le colonel FPR Frank Mugambe, alors qu'il faisait
visiter l'ancien bastion des forces gouvernementales à un groupe de
journalistes.

Les centaines de réfugiés qui, depuis trois mois, vivaient reclus dans
l'église de la Sainte-Famille, au centre de la capitale, ont su dès
dimanche soir que « c'était la fin ». Hier matin, ils étaient dehors,
ovationnant les combattants du Front patriotique. « En fin
d'après-midi, on a entendu beaucoup de véhicules de l'armée
gouvernementale. On se demandait ce qui se passait, en fait ils
s'enfuyaient, mais on ne l'a appris que plus tard », a raconté Lin
Hiyonzima, étudiant de vingt-six ans, qui a passé une dizaine de
semaines dans l'église.

Quittant la zone de Butare, les soldats français se sont repliés sur
Gikongoro, ville située à faible distance de là (une trentaine de
kilomètres), à l'est de la forêt de Nyugwe. Ils ont reçu l'ordre d'y
rester et de stopper toute éventuelle avancée du FPR vers l'ouest. Le
colonel Didier Thibaut, en position à Gikongoro, a reçu consigne du
colonel Jacques Rosier, commandant de l'opération « Turquoise »,
« d'arrêter le mouvement des rebelles à Gikongoro et au-delà ». Une
expression, « rebelles », que les événements sont en train de rendre
caduque. Ce qu'exprimait à sa façon un officier FPR parlant depuis
Kigali : « Les rebelles, maintenant, ce sont les autres. »

Cet ordre transforme la nature de l'intervention française telle
qu'elle avait été présentée à l'origine. Ce n'est pas une surprise
pour qui se souvient qu'entre 1990 et 1993, la dictature rwandaise n'a
dû son salut qu'au soutien militaire accordé par Paris. Cette fois,
l'Elysée et le Quai d'Orsay avaient pris la précaution d'insister sur
le fait que l'intervention était une mission purement humanitaire et
que toute confrontation avec le FPR serait évitée dans la mesure du
possible. Comment concilier cela avec cette brutale déclaration du
colonel Thibaut : « Si le FPR vient à Gikonjoro,Gikongoro nous tirerons sans
hésitation. Nous avons les moyens de le faire et nous en aurons
bientôt encore plus » ?

Il faut souligner également une expression employée par Richard Duqué,
porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Dans sa bouche, le
retrait des FAR de Kigali et leur défaite à Butare s'appellent une
« dégradation de la situation ». Un aveu peut-être involontaire mais à
coup sûr significatif des sympathies de Paris.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024