Fiche du document numéro 2319

Num
2319
Date
Samedi 30 avril 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
107211
Pages
2
Urlorg
Titre
Prier pour les massacreurs
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
no 15461
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial.

L'ABBE Jean Léonard Nkurunziza est prêtre de la paroisse de Zaza. Je l'ai rencontré à l'hôpital de Gahini, où il est venu trouver refuge auprès des forces du FPR. Il dénonce la programmation de longue date des massacres et accuse les autorité officielles du pays.

« Avant même que les événements ne commencent, pendant au moins quatre mois, les groupes dépendant de la dictature recevaient des entraînements paramilitaires. On les emmenait par exemple au parc: là, dans la forêt, ils apprenaient le maniement des armes à feu et à se servir d'une grenade. »

Le capitaine FPR, Eugène Karemera, qui assiste à l'entretien, précise: « Ils utilisent des fusils R4 provenant d'Afrique du Sud, d'Egypte et de France. D'Egypte aussi viennent leurs kalachnikov. Quant à leurs grenades, elles sont de tous types et viennent d'un peu partout. »

« Les plus gros contingents de miliciens venaient, dans ma région, de la commune voisine de Sake, reprend le curé. Au moins quatre cents, conduits par le député Sylvain Mutaruka. Ils paradaient, leurs grenades à la ceinture. Ils dressaient les listes des gens promis à l'exécution. Le massacre a débuté le 7 avril au matin. A partir de midi, nous avons accueilli les premiers rescapés de Sake. Le soir, un petit groupe de réfugiés burundais, conduit par le député Jean Bosio Jyamubandi, commença à tuer chez nous. Un homme de la garde présidentielle est passé partout pour déclencher le feu. »

« Tous les rescapés fuyaient vers la paroisse. Samedi, ils étaient un millier. A partir de quatre heures, l'encerclement de la paroisse commence. Dimanche midi, les assiégés cèdent. Les autres entrent avec des machettes, des massues, des haches. Le massacre a commencé tout de suite. Il y a eu au moins 600 morts à ce moment-là. »

« Ceux qui arrivent une nouvelle fois à s'enfuir se réfugient au petit séminaire. Lundi, il y avait là huit cents personnes. Le second massacre a commencé mardi à midi. De toutes les personnes regroupées au petit séminaire, nous sommes six à nous en être échappés: quatre prêtres et deux jeunes garçons. »

« Auparavant, nous avions essayé de contacter les autorités. Le préfet nous a répondu: ``Nous sommes débordés.'' Le colonel Nkuriyekubuna, de Kibungo, nous a envoyé trois gendarmes. Ils se sont retirés dès que les assaillants ont pénétré dans le petit séminaire. Après j'ai revu les gendarmes: ils tiraient sur nous, ainsi que le bourgmestre de Sake, Ernest Rutayisike. Celui-là, il était venu me voir avant, me demandant le chiffre des réfugiés. Maintenant, je sais qu'il cherchait à déterminer l'effectif nécessaire pour les exterminer. »

Les prêtres présents au petit séminaire sont finalement épargnés. L'un des tueurs s'adresse à l'abbé Jean Léonard: « Ce sont nos ennemis. Priez pour que notre massacre soit réussi... »

J. C.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024