Fiche du document numéro 2311

Num
2311
Date
Mercredi 20 avril 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
116598
Pages
2
Urlorg
Titre
Rwanda : un complot exécuté par des mercenaires ?
Soustitre
La justice belge lance un mandat d'amener contre Georges Ruggiu, accusé d'incitation au meurtre. Une puissance occidentale le protégerait-elle ?
Page
11
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Cote
no 15452
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre correspondant particulier à Bruxelles

« SI chacun tue son Belge, tout ira bien. » Ces mots terribles, les
rapatriés du Rwanda arrivés à Bruxelles les ont encore dans
l'oreille. Ce sont ceux prononcés par un certain Georges Ruggiu, au
micro de Radio-Mille-Collines, émetteur des extrémistes hutus. Le même
Ruggiu expliquait comment entrer dans la maison des Tutsis et comment
les tuer. A la machette, avec un gourdin, une lance, un arc, une
grenade, un fusil. Il incitait « Interarhwmye », les milices, à
éliminer les Tutsis jusqu'au dernier pour que, en cas de victoire, le
FPR ne trouve plus personne.

Georges Ruggiu habitait à Kigali, dans le camp de la garde
présidentielle dont on se souvient qu'elle eut des instructeurs
français...

Qui est Ruggiu ? Verviétois de trente-six ans, d'origine italienne,
devenu belge par option, célibataire, il aurait quitté Liège où il
vivait, l'été dernier, à la demande d'amis hutus. Ses parents
affirment ignorer où il se trouve. Selon un industriel belge rapatrié
de Kigali, Gérard Liesse, que nous avons interrogé, Ruggiu aurait été
évacué dans un Transall par des Français en compagnie de proches du
président assassiné, Habyarimana. Serait-il à Paris ? La question est
posée. Elle demande réponse.

A la requête de Melchior Whatelet, ministre belge de la Justice, une
information judiciaire a été ouverte par le parquet de Liège. Ruggiu
faisait déjà l'objet d'un dossier ouvert par le premier substitut de
l'auditeur militaire Peraer en mission avec le détachement belge au
Rwanda, selon les informations recueillies par René Haquin du « Soir
». Au terme de l'instruction, Georges Ruggiu est appelé à répondre à
incitation au meurtre sur base des articles prévus à cet effet par le
Code pénal.

Le cas Ruggiu pose en outre le fond du problème : « Qui et pourquoi
a-t-on tué l'ancien président du Rwanda ? »

C'est Ruggiu, toujours lui, qui au micro de Radio-Mille-Collines,
inlassablement, a répété que l'avion présidentiel avait été abattu par
les Belges. Comme l'indique « le Soir », cette accusation lancée par
Radio-Mille-Collines, rebaptisée « Radio-Mille-Mensonges », est
considérée comme liée directement au meurtre des dix paras belges.
Plusieurs observateurs estiment qu'il y a eu complot. La thèse a été
reprise par Willy Claes, ministre belge des Affaires étrangères : « Il
est remarquable, a-t-il dit, que dans un pays qui n'est pas des mieux
organisés, comme le Rwanda, toutes les voies d'accès à l'aéroport
aient été bouclées dans les dix minutes après l'attentat contre
l'avion de Habyarimana et que les massacres aient commencé jusqu'à 100
kilomètres de Kigali une heure plus tard à peine. On aurait dit la
phase numéro un d'un plan soigneusement préparé. »

Selon Simone Reumont, de la RTBF (Radio-Télévision belge de langue
française), qui se trouvait avec les paras à Kigali, les FAR (Forces
armées rwandaises) ne disposaient ni du matériel ni du
professionnalisme pour abattre l'avion présidentiel. Elles auraient
bénéficié de l'appui d'« un pays étranger ». Chacun s'abstient de le
citer.

L'auditeur général près la cour militaire Fritz Gorlé a fermement fait
savoir au gouvernement belge qu'il se doit d'exiger des Nations unies
« des mesures pour provoquer la mise en jugement des responsables de
nos casques bleus ».

On veut croire, en Belgique, que ces propos ne demeureront pas lettre morte.
Plusieurs des paras belges revenus de Kigali ont dit leur écoeurement
d'avoir eu à demeurer l'arme au pied devant les massacres. Ils ont
lacéré et brûlé leur béret bleu, symbole, à leurs yeux, de la
paralysie de l'ONU...

Selon des informations dignes de foi, Georges Ruggiu aurait été localisé dans un hôtel parisien. Le ministre belge de la Justice étudie les bases possibles d'une inculpation pouvant déboucher sur l'extradition de l'intéressé.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024