Fiche du document numéro 2284

Num
2284
Date
Mercredi 21 novembre 1990
Amj
Auteur
Fichier
Taille
128043
Pages
2
Titre
Désaveu pour le ministre
Soustitre
Fait pratiquement sans précédent, les représentants du personnel ont refusé de siéger au conseil de discipline faute de communication du rapport de la police des polices sur le Groupe des Enquêtes Réservées
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LES trois policiers des Renseignements Généraux de la Préfecture de
police de Paris (RGPP) qui surveillaient le pasteur Joseph Doucé,
disparu le 19 juillet et dont le corps fut retrouvé en forêt de
Rambouillet le 18 octobre, ont comparu lundi devant le conseil de
discipline de la police. Celui-ci a proposé la révocation attendue de
l'inspecteur Jean-Marc Dufourg - qui a refusé de comparaître - pour «
manquement grave au code de déontologie de la police ».

Son chef de groupe au Groupe des enquêtes réservées (GER),
l'inspecteur principal Gilles Azéma, se voit proposer six mois de
suspension sans traitement. Quant à l'enquêteur Pascal Passamonti, la
sanction proposée est de six mois de suspension dont trois avec
sursis. La décision appartient désormais à Pierre Joxe.

Mais le ministre sort affaibli de ce conseil où il n'a pas obtenu la
belle unanimité qu'il souhaitait pour chasser de la « grande maison »
la « brebis galeuse » Dufourg et clore ainsi policièrement l'affaire
Doucé : l'ensemble des propositions disciplinaires ont été prises en
l'absence des élus des policiers. Fait pratiquement sans précédent qui
en dit long sur le malaise croissant de la police.

Alain Brillet, secrétaire général, a expliqué le refus de siéger du
Syndicat National Autonome des Policiers en Civil, imité par FO : les
représentants du ministère ont refusé que soit joint au dossier le
rapport (très sévère) de l'Inspection générale de la police nationale
(IGPN, la « police des polices ») sur le Groupe des enquêtes réservées
(GER), le service de l'inspecteur Dufourg aux RG parisiens, tout comme
ils ont refusé l'audition, du commissaire Didier Adam, chef du GER,
patron de Dufourg, responsable de « l'opération Doucé » décidée par la
direction des RGPP, et dont le pasteur devait finalement mourir.

Au demeurant, le Préfet de police de Paris -c'est plus simple- va
jusqu'à nier l'existence de ce rapport dont on se demande s'il sera
transmis à la commission de contrôle parlementaire sur les RG que
Pierre Joxe a du concéder après l'avoir refusée.

Pascal Passamonti, enquêteur du Groupe des Enquêtes Réservées (GER)
est inculpé de complicité pour avoir été en compagnie de Jean-Marc
Dufourg dans la nuit du 3 au 4 juillet dernier, quand ce dernier,
inculpé de voie de fait avec arme, tira un coup de feu contre la porte
du dessinateur industriel de Sèvres, Pierre Didier, qui refusait de
devenir son indicateur auprès du pasteur assassiné. M. Passamonti se
voyait reprocher d'avoir caché cet épisode à ses chefs, de même que
l'inspecteur principal Gilles Azéma responsable du groupe et niveau de
la hiérarchie auquel le ministère a décidé de limiter les mises en
cause, ce qui ne passe pas chez les inspecteurs.

Jean-Marc Dufourg, témoins numéro un dans l'enlèvement et la mort du
pasteur est arrivé avec son avocat Me Vergès qui déclarait : « Nous
allons récuser le conseil de discipline », invoquant « une décision
prise à l'avance ». Il ajoutait : « Nous allons dire que Jean-Marc
Dufourg a été témoin d'infractions beaucoup plus graves depuis dix ans
(...) Les sanctions (...) pour M. Dufourg sont des contre-feux
(...) destinés à faire oublier l'assassinat du pasteur Doucé
». Dans lequel, on le sait, Dufourg nie toute implication.

Parmi les « infractions beaucoup plus graves » évoquées par Me Vergès
on trouve le cas du commissaire Tousier toujours suspendu avec
traitement alors qu'il a livré des explosifs à des terroristes.

Politiquement, on le voit, rien n'est gagné par Pierre Joxe et de ce
point de vue ce conseil de discipline est un coup pour rien : la mort
du pasteur continue à poser une terrible question quant au
fonctionnement de la police en France.

Côté aggravation du malaise, Ferdinand Le Dain, président du Syndicat
des gradés de la police nationale (SGPN, 52 \% des voix dans la
catégorie), dénonce le « dysfonctionnement » de la police lors de la
manifestation des lycéens à Paris : « Il n'est pas normal que la
police reste passive et spectatrice devant des pilleurs de
magasins. La police doit protéger les lycéens et les biens des
concitoyens, ce qui n'a pas été fait ». Evoquant d'autre part la
récente inculpation de quatre fonctionnaires de police à Lyon, le
président du SGPN s'est étonné du fait que ces personnes aient pu
poursuivre impunément leurs agissements durant trois ans. « Il y a
quelque chose de cassé dans la police (...) Si c'est une volonté
politique de laisser les choses se dégrader, cela nous inquiète », a
conclu M. Le Dain.

Dans ce gang de lyonnais dirigé par des policiers, figure Jean-Jacques
Zartarian, candidat sur la liste RPR aux dernières municipales à
Décines, une commune moyenne de l'agglomération lyonnaise.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024