Fiche du document numéro 22587

Num
22587
Date
Mai 1998
Amj
Fichier
Taille
87967
Pages
10
Titre
Billets d'Afrique No. 58
Nom cité
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Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
BILLETS D’AFRIQUE N° 58 - MAI 1998

FRÉMISSEMENTS...
Bien sûr, la Françafrique n’a pas cessé de s’agiter, de manigancer, de nuire : on le lira au long de ces Billets. L’on sent pourtant
comme une brise annonciatrice de changement.
D’un côté, sur certains dossiers profondément politiques, tels la Nouvelle-Calédonie ou la Corse, l’exécutif semble vouloir
s’inspirer des principes républicains et accorder ses actes à son discours. Renversant...
De l’autre, la mission d’information parlementaire sur le Rwanda a réveillé le désir de vérité. Celle-ci, trop longtemps
oppressée, déborde de partout. Des paroles se libèrent. Ça soulage, comme quand on cesse de se cogner la tête contre les murs.
La mission elle-même, selon certains de ses membres, est scindée en deux « blocs », aspirant chacun à servir l’honneur et
l’intérêt de la France. « Pour notre "bloc", déclare l’un des deux rapporteurs, Pierre Brana, la vérité sur la tragédie rwandaise
relève de l’intérêt de la France. La France, si elle a été impliquée dans cette tragédie et si elle le reconnaît, en sortira grandie. Ce
sera tout à son honneur » (La Croix, 09/04/1998).
L’autre « bloc » continue de penser que verrouillage et bétonnage sont les deux mamelles de la grandeur nationale. Il n’est plus
hégémonique. Ni le syndrome de Fachoda (la hantise du complot africain des Anglo-Saxons).
Certes, ça coince encore côté justice - intérieure (la levée des freins à la lutte contre la corruption) ou internationale (la sanction
des crimes contre l’humanité). On va entrevoir, à propos du Rwanda, des abîmes d’irresponsabilité. Comprendra-t-on qu’ils sont
creusés par l’impunité ? L’irresponsabilité non sanctionnée ouvre un boulevard à la propagande et la stratégie du Front
national. Leurs succès ont de quoi modérer notre fragile optimisme...
SALVES
Déby, la fin ?
Trop souvent ivre, sujet à des pulsions meurtrières, Idriss Déby est de plus en plus méprisé au Nord du Tchad et haï au Sud - où
sa Garde multiplie les tueries ethniques. En France, ceux qui ont fabriqué Déby et se sont échinés pendant sept ans à lui tailler un
costume démocratique oscillent entre le découragement et la colère. L’armée française, si proche des militaires tchadiens, risque
d’être une fois encore impliquée dans un engrenage de crimes de guerre, voire contre l’humanité.
Le régime serait déjà tombé si la France avait cessé de le soutenir. Elle ne l’a pas encore fait, car elle croit devoir conserver la
maîtrise du Tchad, donc de l’alternative à Déby. Dans son schéma « géopolitique », le successeur doit être agréé par la Libye et,
surtout, par le Soudan : ces pays risqueraient sinon de déclencher des manœuvres hostiles. Prévenir ces manœuvres est d’ailleurs
l’une des raisons de l’alliance Paris-Khartoum.
Et si, simplement, on laissait le problème du Tchad aux Tchadiens, comme ils le réclament presque unanimement ? Après avoir
formulé ce message poliment, mais vainement, certains en sont venus à un langage plus brutal : la prise d’otages français, en
février et en mars.
Attendra-t-on que ça dégénère ? Certes, changer de politique française au Tchad signifierait une « révision stratégique
déchirante ». Mais il vaut mieux quelques blessures conceptuelles ou d’amour-propre qu’une sanglante impasse.
Double France
Un quarteron ministériel s’est invité le 21 mars devant la mission d’information sur le Rwanda. Consigne : le cadenassage, le
catenaccio comme on disait dans le football italien. Pour MM. Balladur, Juppé, Léotard et Roussin, la « France » n’a rien fait que
d’honorable. Le problème, c’est que cette France-là, officielle, n’existe guère en Afrique : par rapport aux pratiques occultes, elle
pèse beaucoup moins que les 10 % émergés d’un iceberg. Au Rwanda, un Paul Barril et les douteux amis des Mitterrand père et
fils, par exemple, comptaient beaucoup plus que le Quai d’Orsay ou Matignon.
À quoi rime le déni de livraisons d’armes officielles quand les officieuses sont directement branchées sur le pouvoir (voir À fleur de
presse) ? Que signifie le démenti d’un engagement au combat quand il y a presque autant de militaires camouflés, de barbouzes et
de mercenaires que de soldats déclarés ?
En faisant semblant de ne pas le voir ou le savoir, leurs excellences ont pris leurs interlocuteurs pour des billes. Les députés
n’ont pas tous apprécié. Certains, au fil des auditions, posent des questions de plus en plus pointues. La presse, nombreuse, n’a pas
été dupe. Quant aux citoyens, ils peuvent bénéficier d’un exceptionnel cours d’éducation civique en regardant les auditions sur la
chaîne câblée LCI. À condition qu’on ne multiplie pas les huis clos...
Missiles
Un mois de mission d’information a plus stimulé l’investigation sur l’attentat du 6 avril 1994 (contre l’avion du président
rwandais Habyarimana) que quatre années de black out et d’indifférence. Les faits se précisent : les SAM 16 Gimlet ont été
récupérés en Irak, par la France (ou les USA, affirme l’ancien ministre Bernard Debré). Le marchand d’armes belgo-burundais
Mathias Hitimana les aurait acquis et revendus, en lien avec un fils de Mobutu, Kongolo.
Hitimana est un protégé de l’ancien ambassadeur zaïrois à Paris, Mokolo, grande figure françafricaine. Mais il trafique avec tout
le monde dans la région des Grands Lacs, ce qui brouille les pistes. L’on reparle de la bande à Barril.
Si l’on suit les services de renseignement belges, Mobutu lui-même est dans le coup. Les missiles ont transité par Bruxelles,
Ostende, Kinshasa, Goma. Un témoin affirme avoir vu passer le 4 avril 1994, dans la ville frontalière de Gisenyi, 2 camions bâchés
venant de Goma, convoyés par la garde présidentielle rwandaise (Le Figaro, 31/3 ; Le Soir, 7 et 21/04/1998).
Il est hautement probable que des Blancs, aperçus par plusieurs témoins, aient participé au tir. Il est certain que l’Élysée connaît,
depuis longtemps, les tenants et aboutissants de cet attentat. Qu’y a-t-il à cacher ?
Second degré
Au terme d’une obscure bataille, la mission d’information n’est pas devenue commission d’enquête, mais s’est ouvert la
possibilité de demander à bénéficier, sur certains sujets, « des prérogatives attachées aux commissions d’enquête ». Bref, une porte
entr’ouverte

Billets d’Afrique

N° 58 – Mai 1998

Si l’on mène vraiment l’enquête, on ne trouvera pas un responsable de l’implication de la France dans le génocide rwandais,
mais une bande d’irresponsables. Dès lors, la vraie responsabilité est celle des protecteurs d’un tel laxisme, à commencer par
François Mitterrand, qui s’intéressait beaucoup plus à la jouissance du pouvoir qu’à son exercice.
Jacques Chirac aussi apparaîtra au premier plan, lui à qui ont servi d’escabeaux le système Elf et le réseau Foccart démultiplicateurs de clandestinité incontrôlée (ici, l’ombre !).
Les députés eux-mêmes sont responsables, qui n’ont pas voulu plus tôt mettre le nez dans cette pétaudière. Et les Français, qui
ne le leur ont guère demandé...
La fin et les moyens
Fort nombreux sont ceux qui ont protesté contre les exécutions, le 24 mars au Rwanda, de 22 personnes condamnées pour
génocide. Sincèrement, nous les invitons à se battre pour que l’État rwandais ait les moyens d’agir autrement : qu’il ne soit pas
seul à combattre les assauts des forces génocidaires, reconstituées et réarmées (par qui ? 1) ; qu’il soit moins seul à dénoncer les
ressorts politiques et idéologiques du génocide, moins seul face à la détresse matérielle et morale des victimes ; qu’on cesse de le
garrotter avec une dette issue, en grande partie, de l’armement et l’équipement du camp génocidaire.
Comment donner des leçons de justice à un pays brûlé, si, en même temps, on accepte qu’il reste aussi pénalisé, accablé, par
l’indéfectible insouciance de la « communauté internationale » ?
Insistons : cette invite et cette question sont émises sans intention polémique, par une association, Survie, très majoritairement
hostile à la peine de mort.
1. C’est le moment de réactiver la commission de l’ONU chargée d’enquêter sur les trafics d’armes dans la région - souvent organisés depuis l’Afrique du Sud (cf.
L’Afrique du Sud, plaque tournante de tous les trafics, in Le Figaro du 04/04/1998).

Le Monde dégaine
Jean-Paul Gouteux, un chercheur dont la belle-famille a été quasi exterminée par le génocide rwandais, en a exploré les
connexions françaises. Il vient de publier Un génocide secret d’État (Éd. sociales, cf. Billets n° 56). Côté presse, il relève les incroyables
biais et défaillances du quotidien Le Monde, particulièrement sensibles durant le trimestre du génocide 1.
Il attribue cette faillite, qui ne fut pas sans influence sur le comportement de l’exécutif parisien, aux passerelles trop établies avec
le système de renseignements français (la DGSE notamment). Passerelles inévitables, et souvent signalées par le quotidien luimême.
Mais Jean-Marie Colombani et Jacques Isnard n’ont pas du tout aimé la critique de Jean-Paul Gouteux. Ils l’ont assigné en justice
et lui réclament, solidairement avec son éditeur, 200 000 FF de dommages et intérêts.
En termes de puissance médiatique et financière, c’est le pot de fer contre le pot de terre. Mais la puissance du Monde s’appuie
sur sa crédibilité. Il n’a pas intérêt à s’engager dans la voie glissante de la négation de ses erreurs. D’autant que, pour le coup,
toutes les pièces du dossier sont, en temps réel, accessibles aux historiens - déjà au travail.
Plus puissant que Le Monde, même Bill Clinton a fait son mea culpa (voir Ils ont dit). Le problème n’est pas d’obtenir et d’utiliser,
directement ou indirectement, des informations de la DGSE. C’est de les passer au détecteur de désinformation...
Le 31 mars, Le Monde invitait dans son éditorial à Tout dire sur le Rwanda : « Silence et précautions ne sont plus de mise ». Il ne
peut dès lors instaurer, à propos de son propre fonctionnement, une sorte de secret-défense !
1. Dans une série d’articles parue 4 ans plus tard (31/03/1998-04/04/1998), Le Monde a montré qu’il pouvait faire infiniment mieux.

Mémoire
Le devoir de mémoire est particulièrement nécessaire dans un pays, la France, qui marqua si fortement l’histoire tragique du
Rwanda. Au point d’être fortement tenté, en contrecoup, par le révisionnisme.
Le 5 avril, le Comité Vérité sur le Rwanda 1 a manifesté à Paris, sur le Parvis des Droits de l’homme, et à Strasbourg. Signé
notamment par de nombreux africanistes, l’appel « Vérité sur le Rwanda » veut encourager la mission à aller jusqu’au bout de son
objet, dans un esprit de vigilance civique.
Mettant en doute le « plan d’extermination totale des Tutsis », dont on n’aurait pas « la moindre preuve », Jean Daniel conclut
ainsi son éditorial du 9 avril dans Le Nouvel Observateur : « Je crains que la France, la Belgique et les États-Unis ne se soient
livrés à de sordides marchandages et d’arrogantes manifestations de puissance. Et c’est déjà beaucoup pour les accuser. Mais,
pour ce qui est des génocides, je crains, amis africanistes, que les Hutus et les Tutsis y soient aussi, tout de même, pour quelque
chose ».
Les « amis » africanistes sont bien placés pour savoir que les Rwandais sont les principaux acteurs de leur histoire. Mais leur
aspiration à la « vérité sur le Rwanda » attend autre chose qu’un équilibrisme indistinct entre des responsabilités occidentales
banalement impérialistes, et la confirmation d’une tendance naturelle des ethnies indigènes à se génocider mutuellement (on aura
noté le pluriel mitterrandien, « génocides »).
Jean Daniel et quelques autres ne veulent pas voir à quel point les passions rwandaises phagocytaient les puissances et autorités
étrangères, les utilisaient pour pousser à l’extrême leurs desseins. Sans les ingérences extérieures, jamais le génocide de 1994
n’aurait pu prendre une telle dimension. Peut-être même n’aurait-il pas eu lieu si les alliés français et belges du Hutu power ne
l’avaient aidé à saboter les accords de paix d’Arusha.
Allons, il faut encore chercher qui et comment. La vérité sur le Rwanda ne se clôt pas avec la conclusion blasée d’un Jean Daniel
- qui peut faire mieux.
1. C/o Survie, 57 avenue du Maine, 75014-Paris. Tél. 01 43 27 03 25.

Les amis de Sassou
Après sa reconquête du Congo, Denis Sassou N’Guesso ne compte plus ses amis étrangers : la majorité des réseaux françafricains
(qui ont fourni des pilotes mercenaires pour ses avions et hélicoptères 1), les généraux angolais qui ont assuré sa victoire, des
soldats tchadiens du frère maçon Déby, des éléments de l’ancienne garde prétorienne de Mobutu, des miliciens du Hutu power.
Tant d’atouts militaires ne sont pas forcément un atout pour la réconciliation nationale. Du coup, les populations du Sud, proches
de l’ancien président Lissouba ou de l’ex-Premier ministre Kolelas, se rebiffent. Les villages sont bombardés, les tueries

Billets d’Afrique

N° 58 – Mai 1998

reprennent. On parle de milliers de morts début avril, sans que les médias français s’inquiètent d’en savoir plus. Elf s’en lave les
mains.
On évoque le retour du général Jeannou Lacaze et des fidèles de Bob Denard. Croit-on encore qu’on pourra faire passer ce genre
d’intervenants officieux, étroitement liés à des cercles de pouvoir parisiens, pour des « électrons libres » ? La catastrophe générée
au Rwanda par un tel double jeu n’a-t-elle pas servi de leçon ?
1. Et un vrai spécialiste des financements pétroliers : Loïk Le Floch-Prigent, ex-PDG d’Elf ! (La Lettre du Continent, 26/02/1998).

Des billets pour Biya
Le régime Biya peut continuer d’enchaîner et d’escroquer le Cameroun, il peut maintenir en prison, sous un prétexte idiot, l’un
des plus grands journalistes africains, Pius Njawe, il n’en reste pas moins « des nôtres » : comme son prédécesseur Ahidjo, c’est la
Françafrique de Foccart, Elf et compagnie qui l’a installé.
Le ministre de la Coopération Charles Josselin est allé début avril confirmer cette amitié fidèle - qui s’est traduite, en 1997, par
730 millions de cash (FF).
Pétrole et exactions (refrain)
Sorte de petit Gabon peuplé de 400 000 habitants, la Guinée équatoriale a tout pour séduire la Françafrique : un pactole pétrolier,
du bois tropical, des connexions mafieuses et la dictature bien cruelle de Teodoro Obiang. Quoiqu’elle fût colonie espagnole, on
s’est donc empressé de signer avec elle un accord de coopération militaire (1985) puis de l’admettre dans la zone Franc. Les
assassinats fort suspects de plusieurs coopérants français n’ont pas troublé cette idylle.
Reste à verrouiller cet Eldorado, à assainir cet Eden. Sous licence françafricaine, le pouvoir a entrepris la purification ethnique
des Bubis - majoritaires dans l’île de Bioko, minoritaires dans le pays. D’autres ethnies sont malmenées à leur tour par le clan
Obiang.
Dans un contexte similaire, on connaît un accord de coopération militaire qui a très mal tourné... Lionel Jospin mesure-t-il, mieux
qu’Édouard Balladur en 1993 à propos du Rwanda, les risques de dérapage complice ?
Conscription
Le régime intégriste soudanais, partenaire de l’axe Paris-Déby, est confronté par son intolérance à une recrudescence des
résistances armées. Il enrôle de force les étudiants de Khartoum. Lorsque ceux-ci, le 6 avril, ont demandé une permission pour une
fête religieuse, l’armée a tiré dans le tas. Selon l’Organisation soudanaise des droits de l’homme, 77 étudiants au moins ont trouvé
la mort.
Kinshasa au tournant
Deux ministres du Congo-Kinshasa, dont celui de l’Information Raphaël Ghenda, sont venus mi-avril à Paris pour « briser la
glace, exposer nos positions ». Une gageure, dans un climat d’hostilité généralisée. À ceux qui ne songent qu’à prendre leur
revanche contre Kabila, tombeur de leur ami Mobutu, se sont ajoutés tous ceux qui ne peuvent accepter les atteintes à la liberté
d’opinion ni le bâillonnement des militants des droits de l’homme (arrestations, intimidations, interdiction de l’association
AZADHO, élimination d’un important témoin des massacres de réfugiés dans le Kivu).
Le régime congolais plaide la difficulté de reconstruire un État complètement ruiné par son prédécesseur. Il avance certains
progrès économiques et administratifs. Mais le temps n’est plus où l’on pouvait prétendre faire le bien des gens sans eux ou contre
eux, où l’on pouvait justifier une politique qui interdise tout contre-pouvoir.
Si ceux qui détiennent le pouvoir à Kinshasa ne le comprennent pas très vite, ils risquent fort d’être submergés : leurs ennemis
« naturels » (les mobutistes et leurs alliés, munis d’un considérable trésor de guerre et appuyés par plusieurs pays voisins),
bénéficieront de la déception, du mécontentement et des révoltes internes, tandis que s’effaceront les soutiens internationaux. Les
États-Unis, en particulier, devraient lâcher un régime qui se retrouverait systématiquement dans le collimateur des Nations unies comme il s’y est mis en malmenant la commission d’enquête sur les massacres de réfugiés.
Pleurs
Le général Michel Fruchard, inspecteur des troupes de marine (l’ex-» coloniale »), déplore l’effet délétère du déclin de leur
présence en Afrique. La France, selon lui, dilapide la compétence de ces « experts de l’outre-mer », leur « spécialité africaine » et
leur « culture humaniste » (Le Monde, 13/03/1998 ; La Lettre du Continent, 26/03/1998). L’opinion publique africaine reste curieusement
impassible : elle oublie, l’ingrate, de regretter ces chevaliers de la conquête coloniale, leur culture si experte de l’ordre colonial et
néocolonial...
Aux armes, etc.
L’un des pires criminels du siècle, qui a connu quelques spécimens d’exception, est décédé de mort « naturelle » le 15 avril.
Ressurgissait la perspective de son arrestation et de son jugement...
Après l’extermination d’un quart des Cambodgiens, Pol Pot est resté à la tête des Khmers Rouges durant près de vingt ans, sans
abdiquer son idéologie génocidaire. Il a longuement bénéficié d’importants soutiens internationaux (Chine, États-Unis, France,... )
coalisés contre l’ennemi vietnamien.
Avec sa crémation sont partis en fumée quelques lourds secrets. Qui aurait pu justifier que la France lui ait livré des armes
jusqu’en 1989 ? (Libération, 17/04/1998)
CCI (suite)
Du 17 mars au 4 avril s’est tenu à New York le dernier comité préparatoire à la conférence de Rome qui, en juin, devrait décider
de la création d’une Cour criminelle internationale (CCI). Au grand dam du ministère de la Justice, Paris a maintenu son exigence

Billets d’Afrique

N° 58 – Mai 1998

ubuesque d’un accord des États concernés avant toute saisine de la Cour.
« Cette proposition revient à un arrêt de mort » pour la CCI, estime un représentant d’Human Rights Watch. Des gens comme
« Pol Pot devraient donner leur accord pour que la Cour puisse juger les crimes qui leur sont imputés ».
On observe une alliance tactique entre la France et les États-Unis : à Washington, ceux qui ne veulent pas d’une CCI efficace
sont ravis de s’adosser aux positions françaises (Le Monde, 05/04/1998).
Ce qui veut dire a contrario qu’une position de la France conforme à celle des 14 autres pays de l’Union européenne placerait
les États-Unis dans une posture difficilement défendable, face à une opinion publique que réveillent les ONG américaines... Le
rôle de la France, et sa responsabilité dans l’issue de la conférence de Rome, sont donc déterminants.
DSK et le CFA
Le ministre des Finances Dominique Strauss-Kahn s’époumone : « Circulez, il n’y a rien à voir, le CFA est aussi solide que le
franc », serine-t-il sur tous les tons depuis début avril. C’est que les rumeurs de dévaluation inquiètent jusqu’à Bongo lui-même,
qui constate que les hôtels gabonais refusent la monnaie locale (Le
Monde, 12/04/1998 ; Les Échos, 14/04/1998).
Sous-jacente, l’angoisse de l’euro. Paris a beau répéter que la monnaie unique ne change rien, il est évident que la France ne
pourra plus, dans une logique clientéliste, masquer les évolutions forcément distinctes de deux ensembles économiques aussi
dissemblables que l’Europe et l’Afrique francophone.
Cette dernière sera acculée à assumer ses responsabilités monétaires. C’est sans doute un bien.
Drôle de jeu
Bosnie. Le commandant Hervé Gourmelon, relié à l’un des trop nombreux services de renseignements français, a rencontré sur
une longue période de 1997, en zone contrôlée par les soldats français, l’un des deux criminels les plus recherchés par le Tribunal
pénal international de La Haye : Radovan Karadzic.
Le Washington Post l’accuse même « avec certitude » d’avoir « transmis des informations au sujet d’opérations de l’OTAN
destinées à capturer Karadzic ». Paris a admis que l’officier envoyait des rapports sur ces contacts.
L’affaire sentant le roussi, Gourmelon a été, en catastrophe, « exfiltré » de Bosnie début 1998 (Libération, 24/04/1998).
Incroyable ? Oui, si l’on méconnaît la serbophilie exacerbée d’une partie de l’armée française et de certains milieux politiques ;
si, surtout, l’on sous-estime les marges de manœuvre que se sont octroyées des services secrets protéiformes, affranchis depuis
longtemps de tout contrôle démocratique. Frigidaire de la démocratie, l’Élysée est de plus en plus souvent dépassé par l’écrasante
responsabilité qui lui est laissée 1.
On suggère aux députés de la mission d’information sur le Rwanda d’examiner le cas Gourmelon : ils entreverraient, par
analogie, ce qu’une France interlope a pu faire du côté des Grands Lacs, et comment on l’a laissée faire.
1. Le Journal du Dimanche (19/04/1998) loue le « message de fermeté sans équivoque » adressé par Jacques Chirac le 6 avril, en Bosnie, à un proche de Karadzic :
« Je suis personnellement très attaché à la situation des criminels de guerre. Leur place est à La Haye et nulle part ailleurs ! S’ils ne se rendent pas, ils seront
appréhendés ». Une fermeté tellement velléitaire, si contredite par l’inaction des armées dont le Président est le chef, qu’elle nous renvoie tristement à la caricature
des Guignols.

Prix d’excellence
En deux domaines au moins, le pouvoir exécutif a mérité ce mois d’avril bien mieux que des bons points. Pourtant économes de
nos louanges, il nous faut constater qu’en Nouvelle-Calédonie et en Corse le gouvernement a su rompre, respectivement, avec le
schéma colonial et le cycle impunité-irresponsabilité. S’il a pu le faire là, il peut le faire ailleurs... en Françafrique, par exemple.
Pour dégager une issue durable en Nouvelle-Calédonie, il fallait simplement (!) se mettre à l’école des faits - en commençant par
reconnaître le fait colonial, avec les traumatismes à peine imaginables qu’il a provoqués. Après des décennies d’esquive, l’exercice
a été tenté. Inscrit dans un accord, le résultat ouvre une coexistence possible, un avenir original, hommage aux intuitions de JeanMarie Tjibaou. Vraiment, une bonne nouvelle - scellée de surcroît par un consensus Élysée-Matignon...
En Corse, l’assassinat du préfet Érignac a agi comme un électrochoc. La presse étale soudain d’incroyables dérives, dont nous
avons maintes fois souligné la proximité avec les mœurs françafricaines. On retrouve deux leviers du détournement puis de la
criminalité économique : dépenses publiques incontrôlées, montagnes de prêts non remboursés. Pareille manne suscite des milices
de « protecteurs » armés, revêtus parfois de cagoules idéologiques. Un contexte ruineux, propice au clanisme et à l’impunité.
Paris se montre décidé à attaquer de front ces maux mêlés, malgré les risques de retours de bâton (les échanges de bons procédés
ont gagné jusqu’au sommet de l’État) 1. On se pince, pour s’assurer qu’on ne rêve pas. Que, par exemple, ne vont pas reparaître par
la fenêtre les négociateurs pasquaïens... 2
1. Ça chahute dur à la commission d’enquête parlementaire, présidée par le mitterrandien Jean Glavany. Il a mis en garde « les fous et les irresponsables » qui
oseraient briser l’omerta des auditions (Libération, 25/04/1998). La Corse est-elle en guerre, pour mériter le secret-défense, ou y a-t-il des connexions que les
citoyens doivent ignorer ?
2. Un « proche de Charles Pasqua continue ses petits allers-retours entre Paris et la Corse, porteur de mystérieuses valises » (Libération, 16/04/1998).

Bons points
* À l’initiative des députés socialistes, la France est l’un des premiers pays à inscrire dans la loi l’interdiction de fabrication et
d’utilisation des mines anti-personnel. Unanimes, les citoyens-députés ont heureusement entendu une revendication civique, il est
vrai béatifiée par Diana. Sont-ils prêts pour un saut qualitatif : par leurs questions, pousser le gouvernement à placer la France en
avant-garde, plutôt qu’en serre-frein, de la création d’une Cour criminelle internationale efficace ?
* La pression internationale (y compris française ?) a conduit le pouvoir mauritanien à gracier, le 24 mars, les militants des droits
de l’homme qui avaient dénoncé la persistance de l’esclavage (cf.
Billets n° 56).

Billets d’Afrique

N° 58 – Mai 1998

* La Suisse va rendre aux Philippines 520 millions détournés par le dictateur Marcos. Un formidable précédent !
Fausses notes
* C’est officiel : dans trois mois, le dictateur nigérian néo-francophile Sani Abacha sera présenté comme unique candidat à
l’élection présidentielle par les cinq partis politiques légaux.
* Le 6 avril 1997, Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, écrivait à propos du secret-défense entravant l’enquête sur les écoutes
téléphoniques de l’Élysée : « Il faut en finir avec ce secret monarchique ». Un an plus tard, le Premier ministre Jospin rétablit les
barrières (Le Monde, 01/04/1998). L’arbitraire monarchique reste pourtant le premier adversaire de la République française !
* On attendait d’Élisabeth Guigou une réforme effective de la Justice, dans le sens de la séparation des pouvoirs. Mais,
décidément, la classe politique française n’aime pas Montesquieu : le projet Guigou ficelle encore davantage l’initiative judiciaire.
Et l’on nous ressort le vieux refrain de la priorité de l’économie sur le politique - comme si la corruption et le mépris ne
détruisaient pas les deux.
Carnet
* Agir ici lance une nouvelle campagne, contre la surexploitation des forêts tropicales. Les effets sont ruineux : dégradation des
sols, pertes de biodiversité, durcissement des climats. Objectif : obtenir la mention d’origine du bois commercialisé en France
(pays et type d’exploitation). Tél. 01 40 35 07 00.
* La réforme de la Coopération reste placée sous le signe de la continuité : à la tête de la Caisse française de développement (CFD)
devenue Agence française de développement (AFD), c’est finalement le directeur de la CFD Antoine Pouillieute qui se succède à
lui-même. Pierre Jacquemot, présenté comme l’un de ses possibles remplaçants, n’est pas le beau-frère d’Hubert Védrine comme
nous l’avions indiqué (n° 56), nous fiant à La Lettre du Continent (qui a rectifié).
* Une place Dulcie September a été inaugurée le 29 mars en présence du ministre de la Coopération Charles Josselin (L’Humanité,
30/03/1998). Il ne lui reste plus qu’à coopérer à l’avènement de la vérité sur les complicités françaises dans l’assassinat, voici 10 ans,
de celle qui représentait à Paris le mouvement anti-apartheid de Nelson Mandela, l’ANC. Un meurtre dont l’ambiance barbouzarde
évoque l’affaire Ben Barka.
* La Générale des Eaux, qui ne cache pas ses ambitions en Afrique, disputait à Elf le titre de plus gros corrupteur de France. Elle a
changé de nom, avec l’espoir de faire oublier ses casseroles. On s’en réjouira si, baptisée Vivendi, elle renonce au Satan de la
corruption, à ses pompes et à ses œuvres. Le PDG Jean-Marie Messier a promis de pourchasser ce Satan et de donner priorité à
l’éthique. Amen !
(Achevé le
26/04/1998)

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ILS ONT DIT
Françafrique
« C’était un peu comme la distribution des caramels ». (Christine DEVIERS-JONCOUR, amie de Roland Dumas, évoquant
les millions de FF de "commissions" dispensés par Elf (au moins un millier chaque année). Elle reconnaît avoir elle-même reçu quelque 60 "caramels". Déclaration
aux juges d’instruction, citée par Libération, 10/04/1998).

[Comment, sans garde-fou, ne pas succomber à de telles friandises ?]

« Il n’avait jamais d’argent sur lui ». (La même, citée par Le Monde du 31/03/1998, parlant de Roland Dumas avec qui elle déjeunait ou dînait aux
meilleures tables parisiennes. Selon elle, pourtant, l’ami « Roro » avait son compte en Suisse, à Lausanne. L’intitulé : « Oror »).
[L’exemple venait de haut : François Mitterrand non plus n’avait pas un sou en poche. Cela lui permettait de donner des leçons sur l’argent
corrupteur. Les amis et prête-noms se chargeaient de l’intendance. Avec un telle pratique de l’« économie », on peut comprendre que, comme
nous l’avouait son Directeur de cabinet Gilles Ménage, il ne se soit trouvé personne à l’Élysée qui connaisse quelque chose en matière de
développement. Pourtant, le Président poussait alors à une forte augmentation de l’« aide ». Mais la culture du caramel n’est pas exactement la
même que celle du mil].

« Il nous faut [...] régler les comptes avec notre passé : c’est ce qui est en train de se passer avec la mission d’information sur le
Rwanda et c’est ce qui devrait se passer avec l’affaire [...] Elf. [...]
[Les] relations d’État à État [...] ne peuvent être fondées essentiellement sur des relations personnelles qui peuvent devenir
empoisonnées. L’échec dramatique de la politique africaine de la France en Afrique centrale est là pour le montrer. [...]
La France ne peut continuer à jouer comme ça au petit soldat un peu partout en Afrique pour le compte d’un président local !
Tout le monde en a conscience. En même temps, l’affaire du Congo-Brazzaville pose problème. S’il s’agit pour nous de ne plus
intervenir avec notre mission militaire de coopération, ou par les accords de défense, mais par l’intermédiaire d’une société

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pétrolière, en l’occurrence Elf, je ne vois pas très bien où est l’avantage en fin de compte ». (Jean-Pierre COT, ancien ministre de la
Coopération, in La Croix du 15/04/1998).

[En rompant fin 1982 avec son ministre Cot, le président Mitterrand prorogea pour 12 ans le bail de la Françafrique. Longtemps silencieux,
l’ex-ministre retrouve l’accent réformateur de sa jeunesse].

« La façon dont l’affaire des visas a été perçue en Afrique n’est pas une bonne affaire pour les relations franco-africaines. [...]
L’assouplissement du service des visas, les facilités plus grandes pour les traiter sur place, dans les consulats, tout cela est
indispensable ». (Jacques GODFRAIN, ancien ministre de la Coopération, ibidem).
[Encore un effort, et l’ex-ministre, disciple de Jacques Foccart et Charles Pasqua, admettra que l’assaut à la hache de l’église Saint-Bernard
n’a pas servi l’image de la France].

Génocide rwandais
« Ma famille est ici. Morte. Je ne veux pas que des gens versent du sable sur ces événements, qu’ils nient ce qui est arrivé. Jamais !
[...] Je suis un secouriste, je vole au secours de la mémoire des morts ». (Emmanuel, l’un des 4 survivants parmi les 50 000 à 70 000 Tutsis
réfugiés dans l’école de Murambi, devenu gardien de ce lieu de mémoire. Cité par Le Monde du 31/03/1998).

« Le chiffre de deux millions [de Rwandais ayant, durant le génocide, commis un crime de sang ou participé à un crime collectif] est réaliste. Ça paraît
fou... Le gouvernement ne peut pas criminaliser 30 % de la population, qui, pourtant, a commis des crimes abominables ». (Un
observateur du HCDH [Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme]. Cité par Le Monde du 31/03/1998).
[Comment s’étonner après cela que « les tueurs hésitent entre une reconnaissance du génocide qui est aussi synonyme de cauchemar, d’effroi
rétrospectif, ou un négationnisme acharné, tel qu’il est distillé par de vastes pans de la communauté hutue et des intellectuels étrangers » ? (Le
Monde, 31/03/1998)].

« Il n’y a pas eu de génocide ! Il y a une guerre qui dure depuis 1990, une guerre avec une manière africaine de mener une
guerre ! ». (L’avocat de l’un des accusés du Tribunal d’Arusha. Cité par Le Monde du 04/04/1998).
« Les rescapés sont bien sûr traumatisés. Ils sont amers, en colère. Ils ont des crises de peur, de désespoir... Et les tueurs sont
traumatisés. Ils se posent des questions : Pourquoi ai-je tué ? Suis-je coupable ? Si j’en ai tué cinq, aurais-je pu en tuer dix ?...
Des enfants ont tué ! On leur a mis une machette dans la main et on leur a ordonné d’abattre le voisin. Des femmes ont tué ! Fait
très rare dans une guerre, des femmes ont assassiné des enfants. [...] Si rien n’est entrepris, ce pays sera un vaste hôpital
psychiatrique dans dix à vingt ans. Les enfants du génocide seront des adultes traumatisés et asociaux. Car la leçon du génocide est
qu’on ne peut pas avoir confiance en un gouvernement, une armée, ni en ses voisins, ses amis, voire ses parents ». (Lincoln
NDOGONI, psychiatre au Rwanda. Cité par Le Monde du 31/03/1998).
« Conduit par le gouvernement d’alors, l’effort pour exterminer les Tutsis et les Hutus modérés du Rwanda [...] a ôté au moins un
million de vies [...]. Selon les spécialistes [...], les tueurs, armés de machettes et de gourdins, ont cependant fait leur travail cinq fois
plus vite que les chambres à gaz industrielles utilisées par les Nazis.
Il est important que le monde sache que ces massacres n’étaient ni spontanés, ni accidentels, [...] qu’ils n’étaient certainement pas
le résultat d’anciennes luttes tribales. [...] Nous sommes renvoyés à la capacité des gens n’importe où - pas seulement au Rwanda,
et certainement pas seulement en Afrique - [...] à glisser dans le mal absolu. Nous ne pouvons abolir cette capacité, mais nous ne
devons jamais l’accepter [...]
La communauté internationale, avec les nations d’Afrique, doit porter sa part de responsabilité dans cette tragédie [...] . Nous
n’avons pas agi assez rapidement quand les massacres ont commencé. Nous n’aurions pas dû permettre que les camps de réfugiés
deviennent un refuge pour les tueurs. Nous n’avons pas immédiatement appelé ces crimes par leur vrai nom : génocide. [...] À
travers le monde, il y a eu des gens comme moi, assis dans leur bureau, jour après jour, qui n’ont pas pleinement mesuré à quelle
profondeur et avec quelle rapidité vous étiez plongés dans cette terreur inimaginable. [...]
Cet après-midi à Entebbe [Ouganda] , des leaders d’Afrique centrale et orientale vont se réunir avec moi pour tenter de bâtir une
coalition de prévention du génocide dans cette région [...] . Les événements montrent à quel point le travail est urgent. Au nordouest de votre pays, ceux qui sont responsables du carnage de 1994 continuent aujourd’hui leurs attaques. [...] Nous continuerons à
aider les Rwandais à rebâtir leurs vies et leur société [...] ». (Bill CLINTON, discours à Kigali le 25/03/1998).
[Quels que soient les arrière-pensées ou les effets de rhétorique qui peuvent être imputés à un homme doté d’un si grand pouvoir, et pris dans les
contradictions de ce pouvoir, on aimerait qu’un discours aussi précis soit tenu par un responsable français. Un jour. Le plus tôt possible].
« - De Morgen (24/03/1998, Belgique) : Qu’allez-vous dire aux rescapés quand vous assisterez à la quatrième commémoration du génocide ?
- Aldo AJELLO (envoyé spécial de l’Union européenne dans la région des Grands Lacs) : [...] Ces commémorations du génocide sont

importantes. Nous devons montrer à ces gens que nous n’oublions pas ce qui s’est passé. Un des obstacles dans la voie de la
solution politique est précisément constitué par les organisations de rescapés, or, ils ont raison, d’une certaine manière. En effet, la
communauté internationale, qui les a laissés en plan, s’est, après le génocide, immédiatement occupée de l’accueil des réfugiés
hutus, notamment des assassins. Cela s’explique notamment parce qu’il existe un Haut-commissariat aux réfugiés, alors qu’il
n’existe pas de commissariat pour s’occuper des victimes de génocide, car les génocides sont heureusement rares. Il n’en reste pas
moins que nous avons laissé chez ces gens l’image d’une communauté internationale qui a plus d’égard pour les bourreaux que
pour leurs victimes ».
« Les maîtres à penser de cette idéologie génocidaire ont cherché et cherchent encore à y mêler les masses pour diluer la

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culpabilité ». (Aldo AJELLO, discours du 7/04/1998 à Bisesero, Rwanda).
« Il y a trois motifs majeurs de refus de cette procédure [d’aveu, en échange d’une clémence relative (plea bargaining)] par les prévenus : ils
ont peur de leurs codétenus ; ils craignent que ceux qu’ils dénoncent, et qui sont en liberté, aillent se venger en tuant leurs familles
dans les collines ; ils reprochent à l’État rwandais de leur demander d’avouer des crimes alors que cet État continue de nier avoir
massacré des réfugiés au Zaïre ». (Un juriste européen qui collabore avec des institutions judiciaires rwandaises. Cité par Le Monde du 03/04/1998).
France-Rwanda
« À chaque fois que Jean-Christophe Mitterrand débarquait [à Kigali] , quinze Mercedes l’attendaient. [...] On constatera une
complicité incroyable, un compagnonnage auquel on ne comprendra rien entre Jean-Christophe Mitterrand [...] et Jean-Pierre
Habyarimana, fils du président rwandais ».
(Thérèse PUJOLLE, ancien chef de la mission civile de coopération à Kigali de 1981 à 1984. Citée par Le Figaro du 01/04/1998).
[Jean-Christophe Mitterrand a affirmé solennellement devant la mission d’information parlementaire qu’il ne connaissait pas Jean-Pierre
Habyarimana. Une confrontation des points de vue s’impose !].

« Dès le 23 janvier 1991, je m’aperçois qu’une structure parallèle de commandement militaire français a été mise en place. À cette
époque, il est évident que l’Élysée veut que le Rwanda soit traité de manière confidentielle. [...] Hors hiérarchie, le lieutenantcolonel Canovasse [chef du DAMI, le détachement d’instructeurs militaires français envoyés au Rwanda] est régulièrement reçu par le chef d’étatmajor des armées ». (Un responsable militaire officiellement et directement en prise avec les événements u Rwanda. Cité par Le Figaro des
31/03/1998 et 02/04/1998).

« De toute manière, vous ne saurez pas la vérité avant trente ans. Vos enfants la sauront peut-être ». (Charles de la BAUME,
directeur de la SATIF - société péri-barbouzarde qui employait l’équipage du Falcon 50 du président rwandais Habyarimana -, à la veuve du mécanicien-navigant
Jean-Michel Perrine. Cité par Le Figaro du 30/03/1998).
[La veuve du pilote, Sylvie Minaberry, a déposé en octobre 1997 une plainte qui, le 24 mars 1998, n’avait pas eu encore la moindre suite].

« Le génocide était planifié ! Cet ambassadeur [de France] , des officiers de l’armée et des gars des services de renseignement
[français] ne pouvaient pas ne pas savoir. Ce fut un génocide clair et net. [...] Deux semaines avant le génocide, qui a débuté sous
l’impulsion de la garde présidentielle, l’officier français qui conseillait les tueurs de la GP a quitté précipitamment Kigali ». (Un
prêtre français vivant au Rwanda. Cité par Le Monde du 01/04/1998).
« Dans ce génocide, j’ai perdu toute ma belle-famille, cinq frères, dont certains avec leurs femmes et leurs enfants. J’attends de
savoir qui, individuellement ou à titre collectif, sachant qu’un génocide était en préparation là-bas, a ordonné d’aider les
génocidaires ». (José KAGABO, historien à l’École des Hautes études, devant la mission parlementaire sur le Rwanda, le 31/03/1998).
« Nous sommes très en retard en matière de contrôle parlementaire [...]. L’explication est sans doute à trouver chez les
parlementaires eux-mêmes, qui ne se sont pas toujours saisis des pouvoirs dont ils disposent [...]. Il ne s’agit pas de gêner ou de se
substituer à l’exécutif ; il n’est pas question de revenir à la pratique de la IVe République. Mais nous voulons un vrai pouvoir de
contrôle ». (Paul QUILÈS, président de la mission d’information sur le Rwanda. Entretien à Libération du 21/04/1998).
[Un vrai pouvoir de contrôle gêne forcément l’exécutif dans son envie de ne pas se gêner].

« Pour [auditionner] les agents de la DGSE et les individus comme Barril, c’est le mystère. Nous ne savons pas s’ils seront autorisés
à témoigner si jamais nous souhaitons les entendre. Pour ceux-là, le feu vert de l’Élysée et de Matignon sera délivré au cas par
cas ». (Un député de la mission d’information. Cité par Le Monde du 21/04/1998).
[Quelle gaffe ! Ce député nous révèle que Paul Barril dépend directement de l’Élysée et de Matignon, au même titre que les agents de la DGSE,
et qu’il engage donc la responsabilité de l’État français !].

« Ce que je souhaite de la part des universitaires [que nous auditionnons] , c’est quand même un travail de rigueur et pas d’être des
témoins à charge ne serait-ce que pour vendre des livres. [...] Je suis atterré par le manque de rigueur scientifique d’un certain
nombre de témoins qui amalgament... [...] Il y a d’un certain côté un exercice d’auto-flagellation d’un certain nombre de milieux
intellectuels français. [...] Il est évident qu’on voit aujourd’hui de manière beaucoup plus claire qu’il y a un battage médiatique, fait
d’amalgames, fait de pointillisme, fait de faits montés en épingle savamment rapprochés ». (Jacques MYARD, député RPR, diplomate,
membre de la mission d’information. Interview sur LCI le 05/04/1998).

[Tous ces témoins, au moins docteurs de l’Université, sont vraiment bizarres : ils s’auto-flagellent pour vendre des livres !].

« Nous sommes dans une région du monde où, à intervalles réguliers, malheureusement, les gens se massacrent allègrement ».
(Jacques MYARD, ibidem).
« Je rappelle que [l’opération] Noroît a été lancée pour des raisons humanitaires. [...] Le parlement était parfaitement au courant [...].
Je pense que le chef de l’État [François Mitterrand] [...] a eu une action extrêmement cohérente et je pense que ce n’était pas
inintéressant, y compris pour la France, y compris pour le développement des Africains eux-mêmes, que la France, je dirais,
intervienne au Rwanda. Que certaines puissances en aient pris ombrage, ça nous le savons... » (Jacques MYARD, ibidem).
[À part ça, Jacques Myard - prototype du « bloc » bétonneur de la mission parlementaire - parle des « idiots utiles » qui servent une campagne
anti-française (21/04/1998)... ].

« Il y a quelque chose d’exaspérant dans la mise en cause de la France par certains organes de presse et certains pays donneurs de

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leçons. [...] La France n’a pas à rougir de l’action qu’elle a conduite » (Jack LANG, intervention du 09/04/1998 à la Commission des Affaires
étrangères, qu’il préside).

Etc.
« La France fout le camp. Nos cerveaux partent pendant que les Noirs et les Arabes rentrent sur le territoire ». (Jean
MARSAUDON, député RPR de l’Essonne, cité par Libération du 24/03/1998).
[Christian Schœttl, conseiller général divers droite de l’Essonne, a lancé un avis de recherche « pour retrouver le cerveau de Marsaudon » égaré par les sirènes du Front national]

« Celui qui n’était pas dans les réseaux de corruption passait pour un idiot [...]. Ce fut l’engrenage. On est parti de commissions [...]
de 1 %. On est passé à 3, puis 5, puis 6, puis 10, puis 15 %. Et on a atteint des proportions impossibles. J’ai vu des gens changer.
[...] Ils ont pris des maîtresses, fréquenté les grands restaurants, voyagé. [...] Impossible pour eux de revenir en arrière, ils étaient
pris dans une spirale ». (Chantal PACARY, ex-gérante de la société Rhoddlams, une officine ayant arrosé des dizaines d’élus. Témoignage dans le film
Journal intime des affaires en cours).

[La contagion de la Françafrique, où opérèrent aussi les époux Pacary - au Congo notamment (cf. Billets n° 32) -, n’est pas étrangère à
l’engrenage de la corruption en France].

« Tous les réseaux financiers troubles passent désormais par la City de Londres ». (Denis ROBERT, auteur du film Journal intime des
affaires en cours, entretien à Paris-Match du 09/04/1998).

[Ceux qui, en France, cherchent un juste motif de querelle aux Grands-Bretons pourraient bien les contester sur ce terrain... Serait-ce, s’ils s’en
abstiennent, qu’il s’agit d’un terrain de rencontre ?].

À FLEUR DE PRESSE
Rwanda
L’Humanité, 7 avril 1994, "apocalypse" sur le Rwanda, 07/04/1998 (Jean CHATAIN) : « Présent dans les régions de Byumba et de
Kibungo, en avril-mai 1994, j’ai pu recueillir plusieurs témoignages qui interdisent tout jugement catégorique sur la signification
du mot "justice". Dans tel endroit, un chef de famille cache dans son grenier ses voisins tutsi, prenant ainsi non seulement un
risque personnel, mais aussi pour ses enfants. Pour ne pas être suspecté, il s’est parfois montré non loin de là, machette à la main,
participant au massacre des tutsi d’une "colline" voisine. Aujourd’hui, certains survivants peuvent attester avoir été sauvés par lui,
d’autres témoigner qu’il fut massacreur.
Autre récit entendu : dans cette partie du Rwanda (est du territoire), les mariages "mixtes" (hutu-tutsi) sont fréquents. Au point
que les génocidaires, commandés par Jean-Baptiste Gatete, y avaient inventé un mot inédit, les "Hutsi", pour désigner les enfants
issus de ces couples. Lorsque le père était hutu, on réunissait ses enfants et son épouse autour de lui ; puis on lui donnait une
machette. S’il refusait, femme et enfants étaient découpés vivants devant lui avant que le coup mortel ne lui soit enfin donné. S’il
acceptait, il tuait lui-même et survivait... ».
Le Figaro, Les armes du génocide, 03/04/1998 (Caroline DUMAY et Patrick de SAINT-EXUPÉRY) : « En juin 1994, le SudAfricain Petrus Willem Ehlers accompagné de Théoneste Bagosora [leader présumé du camp génocidaire] négocie aux Seychelles un
contrat portant sur une livraison de 80 tonnes d’armes. "Ces armes, précise la commission de l’ONU [sur les trafics d’armes dans la
région] , ont été acheminées à Goma, Zaïre, par deux rotations d’un avion de la compagnie Air Zaïre [...] ".
[Selon] le gouvernement suisse, [...] les fonds virés les 14 et 16 juin [pour payer ces armes] - soit plus d’un million de dollars - sur le
compte suisse de Willem Petrus Ehlers proviennent de "la Banque nationale de Paris SA, à Paris". Celle-ci a agi [10 semaines après le
début du génocide] sur "ordre de la Banque nationale du Rwanda, Kigali". [...]
Fait troublant, le lot d’armes négocié aux Seychelles [...] correspond presque exactement à une commande adressée, à la mi-mai,
au gouvernement français par le "ministre intérimaire des affaires étrangères du Rwanda", Jérôme Bicamumpaka. Accompagné du
chef de l’un des partis hutus les plus extrémistes, Jérôme Bicamumpaka venait d’être officiellement reçu à Paris, le 27 avril 1994,
par la cellule Afrique de l’Élysée. [...]
Willem Petrus Ehlers, [...] ancien secrétaire de P. W. Botha [ex-Premier ministre sud-africain, grand ami de Foccart], semble vouloir
indiquer qu’il n’est pas seul à être impliqué : "Si vous cherchez des Sud-Africains qui ont des connexions françaises, [...] il vaut
mieux chercher du côté de Neils Van Tonder. C’est un très bon ami de Jean-Yves Ollivier" ».
[Très lié à l’establishment sud-africain, Jean-Yves Ollivier est un personnage-clef - des Comores au Congo-Brazzaville, de l’Angola à la Libye
(cf. F.X. Verschave, La Françafrique, Stock, 1998, p. 192, 196, 220). Parmi les raisons de l’investissement français au Rwanda, on évoque l’utilisation de
ce pays comme relais de livraisons diverses, y compris nucléaires, au régime de l’apartheid. Signalons encore que l’ancien ministre Robert
Galley, très investi depuis l’origine (1975) dans l’aventure franco-rwandaise, a été un pivot du lobby nucléaire. À partir de 1990, il s’entretient
fréquemment du Rwanda avec le président Mitterrand (Le Canard enchaîné, 08/04/1998)].

Le Figaro, "La France nous soutient... ", 06/04/1998 (Arnaud de la GRANGE) : « "Quand nous aurons gagné, les parachutistes
français nous rejoindront à Kigali. La France nous soutient !". Voilà le genre de propos tenus [en 1998] par les miliciens hutus à la
population. Une propagande qui ne fait pas les affaires de diplomates français s’efforçant de recoller les morceaux avec le
Rwanda... ».
Tchad
La Lettre du mois d’Agir ensemble pour les droits de l’homme, Tchad : la mort des chefs de village, 04/1998 (André
BARTHÉLÉMY) : « Monsieur Gaston Mbainaïbey est le chef de canton de Goré, dans la région du Logone occidental. Au début
du mois, il reçoit une convocation du sous-préfet de Benoye pour le 11 mars 1998. La convocation précise qu’il doit être

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accompagné des quinze chefs de village de son canton. Gaston Mbainaïbey les prévient et, au jour dit, le 11 mars, tous sont autour
de lui, attendant Monsieur le sous-préfet.
[...] Au lieu du préfet attendu, ce sont trois véhicules militaires qui surgissent. Commandés par le capitaine Félix Tetangar, un exrebelle récemment rallié, les soldats embarquent aussitôt les chefs au bord du fleuve Logone, les lient les uns aux autres par une
corde et les fusillent. Gaston Mbainaïbey, épargné, doit assister à l’exécution de ses amis.
Leur forfait accompli, les militaires reconduisent chez lui le chef de canton, l’installent sur son siège traditionnel et le passent par
les armes ! ».
Secret-défense
Le Canard enchaîné, Chinoiseries, 01/04/1998 : « L’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas [...] [a] évoqué le
versement de gigantesques commissions (2,5 milliards) [à l’occasion de la vente de frégates à Taiwan] [...]. Versement accompagné, selon
Dumas, d’une liste des bénéficiaires dans quelque coffre officiel. Qui a touché et combien ? [...] Les industriels de l’armement
Dassault, Matra, Thomson et les autres insistent beaucoup [...] pour que le secret-défense reste total sur cette histoire [...]. Toute
indiscrétion risquerait de faire sauter la baraque et de compromettre leurs ventes de joujoux à l’étranger ».
LIRE
Sous la direction de l’Observatoire permanent de la Coopération française (OPCF), La coopération française en questions, BPI du Centre
Georges Pompidou, 1998, 353 p.
Voici enfin publiés les Actes des débats sur la Coopération française organisés par l’OPCF à Beaubourg, en 1996-97. Ladite coopération y a été
examinée sous toutes les coutures, civiles ou militaires, étatiques ou non. Rebondissant sur les interventions liminaires, les vifs échanges suscités
par un public passionné secouent allègrement le cocotier françafricain.
Léon Saur, Influences parallèles, Éditions Luc Pire, 1998.
Un connaisseur, ancien responsable du Parti social-chrétien belge, démonte les mécanismes du soutien de l’Internationale démocrate-chrétienne
(IDC) à la « révolution sociale » hutue, puis au Hutu power. En l’occurrence, l’IDC est sous la coupe des sociaux-chrétiens flamands (le CVP),
qui revivent à travers la « cause hutue » leur combat contre la francophonie laïque. L’histoire de cette dérive idéologique s’achève en solidarité
aveugle avec le camp du génocide. Léon Saur ne peut que constater que cette position radicale de l’IDC est aussi celle de la diplomatie
française...

African Rights, Résistance au génocide. Bisesero, avril-juin 1994, 1998, 111 p.

L’exceptionnel récit de la résistance de 50 000 Tutsis sur les collines de Bisesero. Pratiquement à mains nues, objets d’attaques quasi quotidiennes, certains ont tenu près d’un trimestre. Ils n’étaient plus que 2 000 survivants lorsque arrivèrent les soldats français de Turquoise, escortés par des administrateurs ou miliciens du génocide. Les Français, pas équipés pour sauver les rescapés, ni très motivés, ne revinrent que 3 jours plus tard - le temps qu’en soient tués la moitié. La priorité n° 1 restait la guerre de position contre le FPR.

Elf, l’empire d’essence, Les Dossiers du Canard enchaîné, 1998, 98 p.
Une mine d’informations, ou plutôt un gisement pétrolifère. De quoi nourrir à profusion l’argumentaire de tous ceux qui considèrent qu’Elf ne
doit plus faire la loi en Afrique. Les initiés s’intéresseront par exemple au rôle de l’ex-banquier Jean-Pierre François, ami intime de Mitterrand et
Dumas (p. 16), ou aux origines marocaines de la fortune d’André Guelfi, alias « Dédé la sardine ». D’autres manqueront de se noyer dans cet
océan de pollution économique et politique. L’un des principaux pollueurs, Alfred Sirven » s’est rendu compte que tout le monde était vénal, cela
a pu lui monter à la tête », explique une relation. Il n’hésitera pas à prévenir un collègue récalcitrant : « La vie est courte. Elle peut encore être
écourtée ». L’excès de corruption mène tout droit à la mafia.
Alors, pourquoi donc en conclusion sacquer la juge Éva Joly ? Elle est certes assez impitoyable envers les corrompus de haut vol - pas
mélangés, quand même, aux détenus « ordinaires » -, mais fallait-il perpétuer l’impunité, laisser pourrir la République et se multiplier les
Brazzaville en ruines ? Comme si certains au Canard redoutaient qu’une justice trop affûtée ne dépeuple la mare où évoluent leurs cibles
hebdomadaires... Nous persistons quant à nous : « Viva Éva, bravo Joly ! ». Sans votre détermination et celle de votre équipe d’enquêteurs, ce
Dossier-là n’aurait jamais vu le jour.
Ghislaine Ottenheimer, Le vrai pouvoir des francs-maçons, in L’Express, 02/04/1998, p. 90-99.
Ces huit pages, qui distinguent bien l’esprit humaniste de la franc-maçonnerie de ses dévoiements récents, sont pleines d’enseignements sur les
réseaux franco-français et franco-africains. On y croise quelques vedettes de Billets : Roland Dumas, Alfred Sirven, André Tarallo, André Guelfi,
Jean-Claude Méry, Jacques Delebois,... (le Dossier du Canard évoqué ci-dessus parle, de son côté, des vénérables Sassou et Déby, du grandmaître Bongo, etc.).
À noter cet avis d’initiés : « L’affaire du Crédit lyonnais est une succession de renvois d’ascenseur maçons. C’est explosif ! ». La caution d’une
livraison d’armes au régime Habyarimana (cf. Supplément à Billets n° 7, 03/1994) aurait-elle procédé d’une telle "logique" ?
Rwanda : Comment est-on tombé si bas ?
François-Xavier Verschave vient de publier, chez Stock, l’histoire de 40 ans de dérives,

La Françafrique
Le plus long scandale de la République
Du massacre des indépendantistes camerounais à la guerre civile qui a détruit Brazzaville, en passant par les assassinats de Sylvanus Olympio,
Outel Bono, Thomas Sankara, Dulcie September, par l’incendie du Liberia, par les guerres mercenaires au Biafra, aux Comores, au Zaïre - sans
oublier le génocide rwandais - ce livre raconte quatre décennies de récidives criminelles et d’impunité. Il décrit les ressorts et les réseaux d’une
énorme confusion financière, géopolitique et imaginaire : la Françafrique. Dans l’espoir d’accroître le nombre de ceux qui la refusent.
Peut être commandé à Survie (130 F, port inclus).

SURVIE, 57 AVENUE DU MAINE, 75014-PARIS - TEL.: (0)1 43 27 03 25 ; FAX: (0)1 43 20 55 58 - IMPRIME PAR NOS SOINS - COMMISSION PARITAIRE N° 76019
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