Fiche du document numéro 22237

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22237
Date
Jeudi 21 mai 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1143652
Pages
29
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 75 [L'argent de la BNR - La prise de Kigali - La fuite]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Ê

£

é

K0056041

Face A de la cassette #75.

PD

-Bon, alors c’est ça, j'avais fait une erreur, j'avais retourné le ruban 74 du côté B, et on a enregistré

environ 3 minutes.

MD

Oui de 15 heures 18, on a terminé à 15 heures 18 et on a repris, et on a enregistré jusqu’à 15 heures

21. Sur la, de nouveau sur la face A du ruban 74.

PD

. Oui. Je sais pas ce que ça va faire, on verra heu... lors des transcriptions, il y a probablement une partie

qu’ils seront pas capable de... de transcrire.

MD
PD
MD

-Qui suivra... il va avoir seulement un peu de difficulté à suivre le texte. Alors début...
-Je pense que ça va faire que ça va annuler la partie [inaudible]
_Le début de la [inaudiblel, les trois premières minutes de l'enregistrement de 74 A ont été annulées.

Ont été heu... enregistrées à nouveau.

.JK
PD

-Mais c’était sur des questions uniquement sur les, un texte que j’avais déjà présenté.

-C’est ça, c’est heu. on avait revu les heu... les personnes, les montants qui avaient été attribués à

chacun que vous...

JK
PD
JK
PD

Oui.
-.. vous aviez identifiés comme suspects.
Oui.

-C’était des questions de précision qu’on posait. On va être obligé de faire avec car malheureusement

j'ai fait une erreur. Par contre, au niveau de la cassette 75, on reprend avec heu... où on en était, on était avec

le. le Monsieur...

. MD

PD
PD
MD
PD

-75, on parle de Monsieur heu... le gouverneur.
-On parle du directeur, du directeur de la Banque...
-Le gouverneur.

-Le gouverneur de la Banque, c’est ça.

-Monsieur Denis.

C’est ça. On parlait de la démarche que jui il avait fait, qu’il vient vous voir, lui c'était quelqu'un, si

on résume rapidement, vous me corrigerez si je fais erreur, on résume que c’est quelqu'un qui avait une bonne

réputation, parce qu’il avait. il avait réussi à redresser les finances dans d’autres organismes, puis là, au

moment de l'exil, juste au moment de l’exil, il vient vous voir puis il vous offre de prendre l'argent du pays,

tout l’argent du pays, puis de le déposer sur des comptes personnels.

JK

-Oui.



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PD -Pour le rendre accessible ?
JK Oui.

PD -Ok.

MD -Et vous trouvez que c’est heu... vous à ce moment-là vous trouviez que ça pouvait être une bonne
idée?

JK C’est ce que j’explique, je n’ai, je n'ai. ce n’était pas nécessairement la meilleure idée mais d’une
part je n’avais pas le contrôle sur les fonds, je ne savais quels comptes nous avions, la plupart du temps ce sont
des comptes secrets, des comptes codés, des comptes connus que du gouverneur de la Banque centrale, et où
les signatures autorisées comprennent impérativement sa signature, et parfois sa seule signature, la signature
du gouverneur de la Banque centrale. Donc je ne pouvais pas l'empêcher de faire en fait une opération qu’il
aurait voulu faire même si je l’avais voulu, d’une part. D'autre part, heu... n’ayant pas, en ce qui me concernait,
aucun objectif, aucune envie d’être en possession personnellement de l'argent, je ne pouvais pas l'empêcher.
Troisièmement, heu... ayant eu à gérer tous les fonds du pays, depuis ie début, j'évitais d’entrer dans un
contrôle à la dernière minute, puisque ça ça aurait pu justifier les dépenses ou les. ou les... les sorties de fonds
qui auraient été opérées avant, donc il failait que ui il soit responsable du début à la fin, et qu” il n’y ait pas
d’ingérence dans sa gestion. Et donc là je restais un politicien et lui il restait un technicien au niveau de sa
Banque.

PD -Sauf qu’il vous a dit... étiez-vous conscient que cet argent-là vous appartenait pas, qu’il appartenait
au pays ? |

K -J'ai toujours été conscient que cet argent ne m’appartenait pas, c’est pour cela que je n’ai jamais voulu
entrer en possession de. d’aucun sou sans pouvoir le justifier.

PD Ok |

TK -Et le peu d'argent que j’ai eu...

PD -Vous en tant que premier ministre vous sentiez-vous légitimé de faire ça ? Vous savez, si ça avait été
une démarche, une démarche heu... honnête ou... non pas honnête, mais une démarche respectable ou une
démarche heu... qui, qui... légale, vous auriez pas été obligé de faire transférer de l'argent, vous auriez pas eu
à autoriser à faire transférer l’argent d’un pays sur le compte d’un particulier, dans le cadre d’une démarche
légale normale, on... c'est pas la façon de faire.

JK -Nous n’étions plus légal [sic] donc je ne... nous savions que le, nous passions dans la clandestinité
et les informations que nous avions de la clandestinité nous confirmaient qu’effectivement, parfois, les, les

mouvements clandestins sont obligés de gérer de cette manière-là.



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PD -Ok. Et c’est la façon que vous aviez décidé ?

JK “Oui.

PD -Mais c'était aussi l’argent du pays que vous preniez 9

K -C'était l'argent du pays mais comme nous n’étions plus le pays. et que nous avions décidé de toutes
façons de le prendre même si nous n’étions plus le pays, alors nous avons pris cette... c’est là où se situe ma
responsabilité. C’est parce qu’effectivement j'ai autorisé que cet argent revienne non pas au gouvernement que
nous laissions derrière nous mais à nous, en tant que réfugiés.

MD -On a établi que vous aviez pas idée du montant que ça impliquait ?

FK _Je n’avais aucune idée du montant, je ne connaissais même pas les numéros de compte ou même les
pays où se trouvaient les comptes. Ce n’était pas. j'estimais que ce n’était pas peut-être le moment d’entrer
dans ce détail.

PD -C’est plus tard que vous commencerez à localiser des comptes ?

JK -Plus tard, parce que j’ai, disons la... la tête s’étant un peu refroidie, et puis commençant à comprendre
ce qui était en train de se passer j'ai, je me suis mis à essayer de, de mettre de l’ordre dans ce qu’il s’était passé
entre avril et juillet 94.

PD -Cette démarche-là, de cent trente-cinq mille dollars auprès des gens prétextant ou personnifiant les
gens de la CIA, ou étant des gens de la CLA, ça se passe quand ça ?

JK -Çac’estune démarche que j’ai déjà expliquée.

PD -Out.

JK -Je ne crois pas que je reviendrais sur chaque.

PD -Non, non, mais ça se passe à peu près quand ?

K -Ça se passe au mois de janvier, entre janvier et mars 95.

PD -Ok, donc c’est là que vous apprenez, que vous voyez les numéros de compte ? Moi, c’est ce que je
veux savoir, c’est quand vous apprenez qu’il y a des comptes à l'extérieur dans tels pays qui apparaissent ?
TK C'est... lui il ne m’a jamais expliqué, il m’avait jamais expliqué comment il allait faire son opération,
mais quand je lui ai demandé ce montant de cent trente-cinq mille dollars, c’est à ce moment-là, il ne m'a
même pas expliqué, mais j’ai compris, finalement comment l'opération s'était passée, en discutant et puis en
voyant les mouvements qu’il a dû faire pour pouvoir débloquer ces cent trente-cinq mille dollars. J'ai essayé
de reconstituer les mouvements qu'il avait faits.

PD -Puis là vous avez identifié les comptes ?

K -Je... je ne suis même pas certain d’avoir identifié les comptes, je crois que j'ai noté quelque part sur



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un morceau de papier dans mes documents, le numéro de compte, puisque c'était un numéro qui, que je ne
voulais pas non plus qu’il circule beaucoup.
PD -Ok L'évaluation que vous faites du montant qui aurait pu à ce moment-là être, un parle d’un... d’une...
d’un montant de trois millions de dollars ?
JK -C’est l'évaluation que je fais. Mais je ne peux pas le confirmer.
PD -Vous pouvez pas confirmer, mais VOUS, VOUS évaluez ça.
JK _-J'évalue à un minimum de trois millions de dollars, mais ça peut être plus comme ça peut être. mais
dans tous les cas ça ne peut pas être moins de deux millions de dollars dans la mesure où lui même avait
confirmé que c’était un montant de l’ordre de deux millions de dollars.
PD Ok
MD -Mais lui vous a donné quand même une approximation ?
K_ Oui, un montant de l’ordre de deux millions de dollars.
MD C'est, c'est-ce qu’il avait {inaudible]. C'était quand même très loin de... ça devait être très loin de, de
la réalité ?
JK -Comme je n’ai aucune idée sur les comptes, que je n’ai jamais eu un extrait d’aucun compte en
devises, je ne peux pas dire c’est près ou loin. Mais les informations que je donne là c’est à partir de toutes
les données que j’ai eues pendant la guerre, parce que pendant la guerre on discutait, quand on voulait faire
des commandes pour lui demander quel est l'argent, le montant qui était disponible, c’est à part... en faisant
un peu la déduction que j'arrive à un montant disponible de l’ordre de trois millions de dollars.
MD -Comment avez-vous établi le, la façon dont il opérait ? De quelle façon avez-vous établi ça, le plan,
la table d’opération avec l'ambassadeur de Nairobi, tout ça, le compte à Hong-Kong, c’est lui qui vous a donné
ça?
TK -Il ne m’a pas donné ça directement mais c’est dans les discussions que j'ai eues avec lui, j’ai pu
essayer de reconstituer l’opération étant moi-même banquier, j’ai essayé de reconstituer les mformations que
j'ai reçues tout au long des conversations que j'ai eues avec lui pour avoir un schéma. C’est... disons de ce qui,
de ce qui a pu se passer pour réaliser l'opération.
MD -Est-ce que vous avez discuté ce fait-là avec lui, est-ce que vous avez discuté de la façon dont il
comptait s’y prendre, c’était beau qu’il mette à son nom, mais est-ce que vous avez discuté de la façon dont
il comptait s’y prendre ?
TK -Non, je n’ai pas discuté de détails sur l'opération avec lui.

MD -Plus tard, quand... c’est... c’est plus tard que vous avez fait enquête, que vous avez déterminé qu’il



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s’était associé à l’ambassadeur de Nairobi ?

TK Oui.
MD -Cyprien.
JK “Oui.

MD -Comment avez-vous établi ça ? Comment avez-vous établi que Cyprien lui était de connivence ?
JK -!ls me l'ont dit parce que quand j’ai demandé cent trente-cinq mille dollars, ils ont dû faire le voyage
à deux, parce qu’ils m’ont expliqué que il fallait qu'ils soient physiquement présents et à deux pour que
l'argent puisse être débloqué.

MD -Est-ce que c’est eux qui vous identifié que c'était à Hong-Kong ?

JK “Oui.

MD _-Et vous à ce moment-là vous avez fait. vous avez fait une relation avec l'argent que vous aviez obtenu
[inaudible] … |

TK -Non, j'ai, j'ai eu d’autres discussions, on n'a pas éu une discussion, c’est à dire que si vous, :si vous
voulez aboutir à un objectif, et que vous êtes un professionnel, vous avez d’autres moyens de vous informer,
pour arriver à déterminer quelle est l'opération qui a été faite, et le schéma que je donne je suis certain que
c’est un..., que c’est le schéma qui a été utilisé.

MD -Vous êtes certain ?

JK -Je ne peux pas dire les détails ni le compte était untel, le nom de la société untel, mais le schéma que
je donne je suis certain que c’est le schéma qui a été utilisé.

MD -Est-ce que vous avez tenté de l’établir le... de le confirmer ce schéma ?

JK -Le confirmer, dans la mesure où les montants ont effectivement été débloqués à partir de Hong-Kong,
sur un carnet de dépôt et non pas sur un compte ordinaire, avec des chèques, il n’y avait pas de chèques, c'était
sur base de... de ce qui pourrait s'appeler carnet d’épargne.

MD -Et ces chèques-là vous en avez eu...

TK -I n’y a pas eu de chèque. Il y a pas...

MD -I n’y a pas eu de chèque ?

JK -C’était un compte sans chèque. C’était un compte...

MD -Mais vous êtes... mais vous avez obtenu.

JK -Un compte porteur seulement.

MD -Vous avez obtenu, vous avez obtenu des détails ?

JK -J'ai pas eu de détails comme tels, mais Îles deux Messieurs se sont rendus effectivement à Hong-Kong,



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f

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pour pouvoir faire une opération physiquement que je leur avais demandé de faire, c’est à dire qu’ils ont retiré
physiquement l’argent, puis leur... ils ont dû verser cet argent sur un compte, s’ils avaient un compte qui n’était
pas de cette forme-là, ils auraient pu tirer un chèque ou faire un virement et puis l’opération aurait pu se faire
sans qu’ils soient physiquement présents. Il y a un type de compte où vous devez être physiquement présent
pour qu’on vous débloque l’argent. |
MD -Oui
JK -C'est ce type de compte-là qu’ils ont...
MD -Qu'ils ont, qu’ils avaient là-bas.
| JK -…. qu’ils ont ouvert. Mais comme ils étaient... ils l’ont ouvert au nom d’une société, non pas à leurs
7 noms propres, donc la société ne se déplace que par des individus, donc ce ne...

PD -Par procuration.

re JK -Par procuration un seul individu ne pouvait pas y aller, parce que la société était représentée par les
deux Messieurs, c’est pour ça que leur présence physique a dû, était nécessaire”
MD -Le dépôt qu’ils ont fait de cette transaction-là avait été fait à quelle banque ?
K -Je ne connais pas le nom de la banque, mais c’est une des banques à Hong-Kong que je peux retrouver
dans mes documents comme je l’ai expliqué, dans la mesure où j'ai reçu une confirmation qu’ils ont versé cet
argent, et donc si on a reçu la confirmation qu’ils ont versé l’argent, heu.

MD _-Alors c'était. ils ont, ils ont, ils ont pris l’argent dans le compte secret qu’ils ont versé dans une autre

banque à Hong-Kong aussi ? |
ps TK -Vous pouvez … oui à Hong-Kong, mais pour le compte d’une autre, d’une banque qui se trouve au
Li Canada oui.

MD -Pour le compte d’une banque qui se trouve au Canada? -

e JK “Oui.

MD -Etça c'est des, ces détails-là vous vous souvenez pas ?

JK -Non je ne me souviens pas de ces détails.

MD -Mais vous avez, vous auriez ça quelque... dans vos documents ?

JK -Je devrai avoir ça dans mes documents, oui.

MD -Dans les documents que vous aviez avec vous à Nairobi ?

TK -Je ne sais pas si c’est les documents que j'avais avec moi à Nairobi ou les documents que j’ai.. en
Belgique ou les documents que j'ai heu laissés à Bukavu ou les documents que j'ai laissés à Goma. Mais je

sais que j’ai ça



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MD -Le transfert qui a été fait à... à Nairobi, au nom de Michel Bagaragaza, ancien directeur de l’Ocir,
ça venait, c’était cet argent-là qui venait aussi de Hong-Kong ?
JK -Lui il leur a prêté son compte pour brouiller les pistes, c’est à dire que si vous faites une opération
d’une banque à une autre c’est facile à suivre, au niveau de, du contrôle bancaire international, mais si vous
transitez par un autre compte, que en plus vous allez dans un autre pays, c’est, ça devient difficile à suivre.
MD -Alors lui était bien... lui était impliqué avec eux ?
JK -Il était impliqué, il leur a prêté son compte pour faire cette opération.
MD _-Comment vous avez appris cette partie de l'information ?
TK -En discutant avec eux.
MD _-Encore en discutant avec eux ?
JK -Oui.
. PD “Est-ce qu’on sait qu ’on peut pas faire sortir de l’argent d’un pays comme ça ? Vous savez ça ?
JK Oui. Oui ils le savent sinon ils ne l’auraient pas fait, ils n'auraient pas dû prendre autant de
précautions.
PD -Puis lui, ce Monsieur-là, c’est normal qu’il négocie des gros montants, il y a rien de... de par sa
fonction à l’Ocir, il est normal qu’il y ait des gros montants qui circulent sur son compte.
JK -Non, je crois qu’ils l'ont... il... lui c’est normal dans la mesure où même les fonds de la Banque de,
plutôt de l’Ocir-thé, ont transité sur son compte, donc des montants sur SOn compte il y en avait déjà.
MD -Sionirait dans le compte [sic], dans son compte à lui, à Monsieur Michel, on pourrait voir qu’il y a
eu des transactions, des transferts d’argent sur une banque d’Hong-Kong ?
JK -En principe oui. C’est pour cela que je l'ai indiqué, c’était quelqu'un qui... si on veut suivre ce sont
les traces {inaudible].. L
MD -Et ça pourrait être des montants assez importants ?
IK -Ça devrait être des montants assez importants.
MD -Est-ce que selon vous tout l’argent, c’est de cette façon que tout l'argent était transféré ?
TK Selon moi c’est de cette façon que tout l’argent a été transféré.
MD -Dans une période de temps bien définie ?
IK -Ça s’est fait de façon rapide, vers le mois de, de juin, juillet 94.
MD -Michel est-ce que c'était quelqu'un que vous avez rencontré ?
JK. C'est quelqu'un que, avec qui je n’ai jamais entretenu de relations. Je, je... si, si un jour je l’ai salué

c’est plutôt par hasard.



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MD -Quand vous avez discuté de ces heu... de toutes ces transactions, lui était pas présent, Bagaragaza ?
JK -1 y a eu des occasions où il était présent, d’autres où il ne l’était pas, donc je sais que lui-même il y
a des informations que jai reçues de lui, donc... mais il n’était jamais seul, il venait toujours avec ses amis.
MD -Alors dans le cadre de vos discussions, que vous avez Eues, lui il était là ?
JK -Iya eu, à certains moments où il était là, parce que ces informations pour les reconstituer, elles n’ont
pas été données en une journée, donc elles ont été données en plusieurs étapes, et moi j'ai essayé de
reconstituer le cheminement. Dont maintenant je dis que je suis sûr que c’est ça
MD -Vous êtes sûr que c’est ça.
PD -Quand vous dites qu’il remet l'argent aux FAR, c’est qui les FAR à ce moment-là ?
JK _-Les FAR c’est Bizimungu et Kabiligi.
PD -Ok.
MD Comment pouvez-vous être si sûr que vous êtes le seul à connaître cette information ?
JK -Dire que je suis le seul peut-être non. C’est à dire que comme j'ai essayé de la reconstituer par mei-
même, peut-être que d’autres ont reconstitué disons par... d’autres moyens, mais les gens qui n’étaient pas
initiés, je veux dire les gens qui n’apparaissent pas dans le dossier, qui connaissent, qui ont reconstitué le
cheminement, je n’en connais pas. Il peut y en avoir bien entendu.
MD - [inaudible]
JK -Parce que comme je l’ai reconstitué seul, je ne peux pas dire ils ont reconstitué comme moi.
MD -Mais vous aviez peut-être un avantage Sur les autres, c’est que vous connaissiez le, le, le milieu
bancaire ?
JK -Je ne suis pas le seul à connaître le milieu bancaire.
MD -Non, mais vous dans ce cas-là, vous ça vous a permis peut-être... d'établir le cheminement, que vous
saviez, que vous saviez était possible.
JK -Non parce que, bon des, des gens comme Jérôme est un économiste, il peut aussi reconstituer
facilement, mais je pense que lui-même il a dû certainement... puisque la plupart de nos... non tout le temps
que j'ai eu des discussions, lui-même était là, je crois que lui-même connaît.
MD -Jérôme était là ?
JK -“Ouiil était là.
MD -Lors de ces discussions ?
JK Oui.

MD -Est-ce que vous avez discuté ensemble pour... de cette chose-là ?



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ANS 6049

-Oui. Oui, on a discuté.

-Et vous vous êtes aperçu que lui aussi avait...
-Il est au courant:

-Il est au courrant ?

-Oui.

-Cet argent-là, ça... qu’il versait aux FAR ça pouvait être utilisé à quelles fins, est-ce que vous le savez?

REREREX

Non, comme je n’avais plus de relations avec eux, comment voulez-vous que je sache ?

PD -Vous savez pas ?

JK -Non.

PD -A quelle fin ça aurait pu être utilisé ?

XK -Non.

PD -Par contre vous dites que Kabiligi et Bizimungu recevaient l'argent qu’ils désiraient de Denis ?

IK Ça il me l'a dit lui-même. Parce que quand il me dit qu’il a versé l’argent aux FAR, que je sais que
les FAR sont représentés par Kabiligi et Bizimungu, donc ils recevaient l’argent.

MD -Pour votre opération avec la CIA, vous avez pas eu de problèmes à avoir l'argent, à avoir des fonds?
K -J'ai eu beaucoup de difficultés à le convaincre de lever cet argent bien-entendu, mais disons... j’ai
utilisé tous les moyens de conviction que je pouvais avoir pour le convaincre.

MD -En fait c'est, c’est lors de... c’est... heu... ces discussions que vous avez pu établir un peu les,
l'information que vous détenez 9

JK Oui.

PD -Avez-vous déjà demandé de l’argent à Jui pour vos fins personnelles ?

JK -C’est ce que j’explique, que en... en 96 quand je suis venu au Kenya, j'ai, j'ai été le voir pour lui
dernander de l’argent pour mes frais personnels, pour... en lui expliquant ma situation personnelle, c’est à ce
moment-là qu’il m’a dit qu’il n’avait plus d’argent, que tout ce qui lui restait il avait versé ça aux, à l’armée.
PD -Parce que vous, c’est ça, là vous êtes au courant de ce, de cette activité-là.…

JK “Oui.

PD -Vous savez qu’il y a plusieurs centaines de milliers, voir des millions de dollars qui ont transité et qui
sont là-bas.

JK Oui.

PD -Vous allez récupérer dans le fond, la partie, une partie qui, qui peut pas servir, qui pourrait vous servir

à vous ?



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KONS6US0

JK J'ai, j'ai, je lui ai expliqué quels étaient mes besoins, je lui ai demandé un montant de l’ordre de dix
mille dollars. Parce que je lui ai expliqué que j'étais avec une famille, que je devais, j'avais pu payer pour
qu'elle vienne de, de la Côte d'Ivoire jusqu’au Kenya, qu’elle devait retourner, mais qu’elle devait passer
quelques mois avec moi, et donc j'avais besoin d’un peu d’argent pour vivre avec eux, pendant un certain
temps, et puis pour pouvoir payer leurs billets d’avion pour qu’ils puissent retourner en Côte d'Ivoire et
éventuellement pour que moi-même je puisse les rejoindre là-bas. C'était précis, c’était, j'avais un plan en tête
quand j’ai été le voir.

PD Puis ça a été non ?

TK -I m’a dit qu’il n’avait plus d'argent, que c’est dommage, qu’il n’a même pas cent dollars à me donner,

Ÿ - alors je suis parti.

MD -Comment a-t-il fait le lien entre vous et des Interahamwe qui sont allés le voir pour demander de
. l'argent 7? |

TK -C'était que les, les gens, tout le monde avait l'intuition que le gouvernement avait pris beaucoup -

d’argent quand il est parti, donc ça circulait, et quand on disait gouvernement on entendait, j'imagine, en

premier lieu le premier ministre et donc les gens s’imaginaient que je vivais dans un certain luxe. Et eux quand

ils ont fui, venant de... Kisangani, donc ayant quitté Bukavu et ayant été à Kisangani, et qu’ils m’ont revu à

Nairobi, ils m’ont demandé pourquoi je vivais dans la misère alors que je... je disposais de millions. Je dis je

ne dispose pas de millions, je n’ai jamais eu à gérer de l’argent. 11 dit “qui gérait l'argent ?”, je dis c’est le

gouverneur de la Banque centrale et le ministre des Finances, comme d’habitude ce sont eux qui ont eu

l'argent pendant la guerre, je n’ai jamais touché de l'argent. C’est à ce moment-là qu’ils sont allés le voir.

Parce que je ne voulais pas que je sois associé à de l’argent alors que je n’en avais pas.

MD Est-ce que c'était des personnes en vue ça, des Interahamwe, est-ce que c’était des personnes qui heu...

IK -Non, je ne sais même pas qui, qui, qui exactement est allé le voir, c’est ce que j’ai appris, parce que

les gens que moi j'ai rencontrés c'était des, c’est peut-être dans... j'en ai parlé à Dieudonné, parce que lui, c’est

lui qui s’intéressait à mon cas pour des raisons autres, donc il m’a dit, il m’a posé la question, je lui ai, parce

que les, les, les Interahamwe étaient passés par lui, étant leur trésorier, leur ancien trésorier.

MD -Dieudonné était leur ancien trésorier ?

JK Oui. Ils lui réclamaient de l’argent. Et lui il se, il disait “non, vous n’avez qu’à demander de l'argent

au gouvernement, c’est le gouvernement qui a l'argent”, et quand...

MD -Quandil parlait du gouvernement il parlait de vous ?

JK Oui. I. je me disais que je, je devais, je pouvais être mis en difficulté pour rien, pour une situation



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SN

“NN 56051

que je ne contrôle pas. Je lui ai dit “non, moi je n’ai jamais touché à l'argent, je n’ai jamais, vous pouvez vous
informer auprès de ceux qui avaient à gérer l'argent du gouvernement, au gouverneur de la Banque centrale
et au ministre des Finances, je n’ai jamais touché à l'argent”, c’est de cela que partent disons.

MD Est-ce que vous avez vu ces Interahamwe après leur intervention auprès de Denis, est-ce que vous les
avez revus, si vous avez re-discuté avec eux ?

JK Oui j'ai discuté avec Dieudonné qui m'a dit que Denis l’avait convoqué pour qu’il discute avec lui.
MD -Denis l'avait convoqué pour discuter avec lui ?

JK Oui.

MD -Et quels avaient été les propos ?

TK -Je n’ai jamais eu de réponse.

MD -Vous avez jamais eu de réponse ?

JK -Non, parce que dans l’entre-temps j'ai été arrêté.

MD _-Ah c'était dans cette période-là ?

JK Oui.

MD -Pourquoi croyez-vous qu’il avait convoqué Denis... qu’il avait convoqué Dieudonné ?

TK -Parce que le, le, lui il savait que de toutes façons moi je n’avais aucun moyen de pression sur lui, mais
par contre ces jeunes Interahamwe eux ils ont une pression, ne serait-ce que physique, sur lui. Donc je crois
qu’il devait peut-être trouver les arrangements avec eux compte-tenu de leur agressivité.

PD -Eux ils avaient, ils utilisaient d’autres moyens que la parole, ils pouvaient utiliser d’autres moyens.
JK “Etille savait.

PD -…. que la parole pour réclamer leur argent ?

JK Oui. C’est l’impression que moi j’ai.…. j’ai pas eu Ja confirmation de ça mais j'imagine que si... les
connaissant... s’ils lui posent des questions sur l’argent il doit trouver une explication et ne pas dire seulement
qu’il a remis l’argent à quelqu’un d'autre.

PD -Oui. lis accepteront pas juste l’explication que l'argent est rendu à telle personne.

JK -Non, moi-même je ne l’ai acceptée, mais comme je n’avais pas d’autres moyens de pression.

PD -Vous étiez pas un groupe.

JIK -. je me suis résigné.

PD -Vous étiez un individu, vous.

JK Oui.

PD -Ok



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MD _-Et vous nous avez dit que Kabiligi et Bizimungu selon vous auraient reçu des montants d'argent.
TK -J'ai donné l'explication, j'ai dit Ndilirugigimbabazi Denis [phonétique] m’a dit lui-même qu’il ne
pouvait pas me donner de l’argent dans ja mesure où le dernier montant qui lui restait a été remis aux forces
armées rwandaises en exil. Et les forces armées rwandaises en exil étaient représentées par Kabiligi et
Bizimungu. Donc Kabiligi et Bizimungu pouvaient recevoir de l'argent.

MD _-Est-ce que vous avez rencontré des FAR autres que, que Kabiligi et Bizimungu qui étaient à Nairobi?
JK -Pas de façon formelle, mais informellement il y a certains que j'ai reçus, ou que j'ai rencontré là.
MD -Parce que ces gens-là, vous ont {inaudible] recevoir de l'argent ?

TK -Je sais qu’ils se réunissaient entre eux et que ils. en tous cas ils n'avaient pas les mêmes difficultés
que les civils qui étaient à Nairobi à cette époque-là.

MD -Ce qui laisse supposer que c’est possible que Kabiligi et Bizimungu ait fait une distribution ?

= K -Je ne peux pas confirmer ça mais peut-être qu'eux ils avaient peut-être des patrimoines propres


1

[inaudible] supérieur aux autres mais dans tous les cas [inaudible].

MD -Est-ce que vous savez comment ces gens-là vivaient, Kabiligi ? Kabiligi et …

JK -Non je ne sais pas parce que je ne les ai jamais vus, je n’ai jamais été chez eux.

MD -Vous savez pas dans quel milieu, de quelle façon.

JK -Non.

MD -Denis et Bizimungu ?

JK Oui Bizimungu mais pas Denis [?]. Eux ils me disaient qu’ils vivaient dans le même quartier mais moi
je n’ai jamais été chez eux, je n'ai aucune idée sur où et comment ils vivaient.

MD -Vous aviez pas de rencontres avec eux ?

JK -Non.
77 MD -Quand vous étiez-là ?
| JK -Non.

MD -Eux ne fréquentaient la communauté rwandaise ?

TK -Iis la fréquentaient probablement mais ils ne me fréquentaient pas et puis je ne voulais pas les
fréquenter puisqu'ils m’avaient mis, mis à l'index

MD -Lorsque vous étiez à Bukavu ? A Goma, c’est là, c’est là que vous... [inaudible] mais tous les
problèmes que vous avez eus avec les forces armées, avec les FAR c'était... vous aviez coupé un peu les ponts.
JK -Dans mon intérêt oui.

MD Oui.



T2K7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 2
DE RAA en RME AUS

98 56U53

PD -As-tu autre chose que t’aimerais.. discuter ?

MD -J'en vois pas pour l’instant, j'en vois pas pour l'instant.

PD -On pourrait peut-être passer au chapitre suivant, s ’ik vous plaît.

JK _-C’est le chapitre 9. Qui concerne l’exil. 9.1. Les préparatifs. Le déménagement de Gitarama, du 4 juin,

le fut par surprise mais le site avait déjà été choisi par le ministre de la Défense, au début de mai 94 en utilisant

L’argent prévu pour le séminaire du Sénégal, ma famille s’est exilée au Tchad où ils ont été pris en charge par

des amis rwandais. Ils ont quitté le Rwanda en se rendant de Goma à Kinshasa pour ensuite se rendre au Tchad

via la Côte d'Ivoire. Le gouvernement dont j'étais le premier ministre occupa l’école secondaire de Muramba

[phonétique] jusqu’après la tombée de Kigali. Nous y demeurerons jusqu'aux environs du 6 juillet 1994.
Certains ministres ont préféré s'installer à Gisenyi au mois de juin et continuaient de recevoir les informations

des militaires mais de façon un peu désordonnée. Fin juin, malgré tous les problèmes le gouvernement se
LS réunissait au moins une fois la semaine. Le ministre des Affaires extérieures, Jérôme Bicamumpaka, prit
contact au nom du gouvernement avec la mission Turquoise pour solliciter leur aide: Le-but de cette mission
était de permettre à une partie de la population de trouver refuge dans un site sécuritaire. Vers la fin de juin
je me suis rendu à Butare pour y rencontrer mes parents afin d’ organiser leur déplacement vers Gisenyi qui
effectivement se fera dès le début de juiliet 94. Aussi, fin juin 94, le président Sindikubwabo Théodore
conformément à la constitution avait soixante jours mais je crois [inaudible] si c’est quatre-vingt-dix jours
plutôt, pour organiser des élections présidentielles sinon son pouvoir ne serait plus reconnu.
MD -Ils voulaient le changer lui, au bout de soixante jours [inaudible] ?
JR -Quatre-vingt-dix jours. Il fut discuté deux options, la première fut de faire confirmer son mandat par
.; Je CND. Ce qui était impossible, le quorum ne pouvant être atteint dû au trop grand nombre d’absences
causées par les disparitions et les décès. La deuxième: faire nommer par les partis à l’exception du FPR des
nouveaux députés, qui eux, une fois nommés pourraient confirmer le Président dans ses fonctions. La première
solution sûrement était la moins mauvaise car elle impliquait des gens élus. Comme [inaudible] nous avons
imaginé cette deuxième solution dont je ne pourrai attribuer la paternité mais que j'ai entérinée. Le 4 juillet
94, lors de la cérémonie radio-diffusée d’assermentation des députés, nous apprenons que Kigali est tombé
aux mains du FPR. La sortie de Kigali par une manoeuvre militaire comportant des risques de pertes humaines
de l’ordre de 40 à 50 % aux dires des spécialistes se fit sous le commandement du général Kabiligi, le général
Bizimungu étant retenu à Gitarama. La manoeuvre d’exfiltration qui vise à forcer le front ennemi nous
encerclant tout en protégeant nos arrières afin de permettre ja fuite fut un succès. Les militaires de l’Etat-major

faisaient rapport non seulement... de seulement un pour cent de pertes parmi l’ensemble des gens ayant été



_12k7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (1 1h06) 13


KON2GUSA

touchés par cette manoeuvre soit un bilan de 500 à 1000 victimes parmi les dix mille militaires et cinquante
mille civils y ayant participé. Le 5 juillet...

PD -Onva.

MD “Oui.

PD -On va être obligé de tourner cette fois-là.… Devez-vous vous absenter ?

JK -Non.

Fin de la face A de la cassette # 75.



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KON56USS

Face B de la cassette # 75.

PD -Ok. On poursuit s’il vous plaît.

MD -On était dans le chapitre, au chapitre 9.

TK -Le 5 juillet, l’Etat-major nous a rejoint à Mukamira où nous avons tenu une réunion à laquelle
participaient Bizimungu et Kabiligi, les Gi, G2, G3 et Gé, le ministre de la Défense et moi-même. Nous avons
discuté sur l’évaluation de la sortie de Kigali, des actions à prendre compte-tenu du fait que l'opération
Turquoise protégeait les trois préfectures du sud-ouest, à savoir Cyangugu, Gikongoro et Kibuye. Nous
voulions faire front commun avec eux sur toute la frontière ouest du pays. Nos troupes furent déployées du côté

nord-ouest mais inutilement car ils ont abandonné leurs positions lorsqu'ils ont vu la colonne de gens qui

FT fuyaient de Kigali. Ils nous ont rejoint à Gisenyi confondus à la population vers le 13 juillet 94. L'arrivée

D

massive de gens me faisait croire à l’apocalypse, je me demandais où s’arrêtait cet exode.

Le 13 juillet 94, accompagné du ministre de la Défense, Augustin Bizimana, je me suis rendu rencontrer à Goma le commandant de la circonscription militaire du nord-Kivu, le général Ndengene [phonétique] afin de lui demander de laisser les barrières ouvertes 24 heures par jour, et de permettre aux militaires de passer au Zaïre. Il accepta les deux demandes, et ouvrit même une barrière spéciale pour les militaires. Cette rencontre dura
à peine 15 minutes. Il est bon de préciser que cette visite avait été précédée vers la fin juin d’une visite d’une délégation conduite par le président du MRND, Mathieu Ngirumpatse, auprès du gouvernement zaïrois afin de solliciter l’asile auprès d’eux. Il demanda que le gouvernement zairois de donner [sic] un accord verbal.

Déjà le 6 avril 94, des rwandais traversaient la frontière du Zaïre
mais l’exode massif débuta vers le 13 juillet 94. Je suis demeuré à
Gisenyi jusqu’au 16 juillet, quittant ce jour-là, en hélicoptère avec
le ministre de la Défense, le FPR pilonnait déjà à Nyundo à partir de
ses positions de Biriyogo [phonétique]. La grande majorité des
militaires ont franchi la frontière dans la nuit du 14 au 15 juillet
94. Ils étaient encore lourdement armés mais avaient l’impression de
trouver les vacances au Zaïre. Le 14 juillet nous avons reçu, à Goma,
une livraison de munitions de un million de dollars. Alors ce n’est
pas le manque de munitions qui a été la seule raison de la retraite
des militaires au Zaïre. Voilà donc disons la première partie sur
l'exil. Les préparatifs.

PD -Ok. C’est les jours précédant l’exil, de façon chronologique. Quand vous dites le déménagement du
4 juin, ça c’est le déménagement entre Gitarama.…

TK -Et Giseny1.

PD -Et Gisenyi. Quand vous dites par surprise, pouvez-vous expliquer c'était quoi la surprise ?

JK C'est que les, c’est par une attaque qu’il y a eu sur la ville de Gitarama que nous avons dû déménager.
PD -Ok Qui a forcé le...



T2k7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 15
NNEAUSÉ

TK Qui a forcé le déménagement, donc c’est pas de gaieté de coeur qu'on a déménagé, on n’a pas pris la
décision de déménager comme ça.
PD -Vous avez été forcé de le faire ?
K “Oui. |
PD -Vous dites que votre famille a quitté au début mai 94 ?
JK -Début mai?
PD -Ici c’est écrit “ au début mai 94 en utilisant l’argent prévu pour le séminaire du Sénégal, ma famille
s’est exilée au Tchad”.
JK Oui ma femme et mes enfants oui. C’était je crois le 8.
‘ PD -Au tout début du mois de mai eux quittent... comment font-ils pour quitter le pays ?
JK _-Nous étions à Gitarama et je leur ai procuré une escorte militaire jusqu’à Gisenyi, de Gisenyi ils ont
a pris un avion à Goma pour Kinshasa, de Kinshasa ils sont allés.
PD C' est comme ça, c’est comme ça. C’est comme ça qu ’ifs ont fini par atterrir en Côte d'Ivoire.
MD -Alors jusqu’à ce moment-là ils étaient avec vous ? Ils étaient toujours avec vous ?
JK “Oui.
PD L'école secondaire de Muramba, ça c’est toujours...
JK -C'est dans Gisenyi.
PD -A Gisenyi ?
JK -Oui.
MD -Les ministres qui se sont installés à Gisenyi, certains ministres ont préféré s'installer à Gisenyi, est-ce
que chacun était libre d’aller où il voulait ?
JK _-Non, c’est à dire que tout ce que les gens voulaient oui, non parce que l'endroit qui avait été identifié
pour les conseils des ministres, pour le logement des ministres c'était Muramba, mais il n’y avait aucune
obligation de loger là-bas, surtout que les conditions, que les conditions d’une école secondaire... certains
ministres ont préféré aller vivre dans un hôtel, plutôt que de vivre dans...
MD -Alors ils vivaient à Gisenyi mais.
JK. -A l'hôtel Méridien, oui.
MD -Est-ce que vous avez tenu plusieurs conseils au gouvernement ?
JK Oui.
MD -Etles ministres assistaient ?

JK -Les ministres assistaient oui...



T2k7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (1 1h06) 16
40056057
MD -Est-ce qu’il en restait, est-ce qu’il en restait encore beaucoup à ce moment-là ?
JK -Oui, il en restait beaucoup. Il y en avait très peu qui, qui étaient absents.
MD -Qui étaient absents.
JK -Oui.
MD -Et vous êtes demeurés à cet endroit jusqu’au 26, non, j'ai dû faire une erreur.
JK -Jusque vers le 6 juillet. Le 6.
MD -Jusqu’au 6, oui, [inaudible], on a rayé le 20. Quel genre d'informations vous recevez des militaires
à ce moment, vous avez continué à recevoir, au mois de juin je continuais de recevoir des informations des
militaires mais de façon un peu désordonnée, vous aviez plus le même système de communication ?
JK -Non, parce que les. |
MD -Vous receviez plus les strippes ? Est-ce que ça existait encore ?
JK -… comme. heu... ça existait encore mais c’est, comme je dis, c’est de façon désordonnée, et la
régularité n’était plus assurée comme il se … c'était auparavant.
MD -Quelles mesures preniez-vous pour vous informer de ce qui se passait ?
JK -La, la... à part les strippes la seule mesure que je prenais c’était de me rendre sur le terrain.
MD _-Encore à ce moment-là vous alliez sur le terrain ?
JK -Oui.
PD -Est-ce qu’il a été question de reddition à ce moment-là ?
JK I n'a jamais été question de reddition.
PD -Jamais ?
IK -Non jamais.
PD -Est-ce que c’est quel... est-ce que... est-ce que c’est quelque chose qui a été discuté ?
K -Ce n’était même pas discuté, c’est, c’est.
PD -C'était pas un point discutable, c'était.

JK -…., c'était un point discutable, c’était pas un point discutable, je crois personne n'aurait jamais proposé,
osé proposé une telle...

PD -Une reddition ?

JK -Non.

MD - Alors Jérôme il avait délégué pour prendre contact avec la mission Turquoise ?
JK _-Il n'avait pas été délégué c’était dans ses attributions. Etant ministre des Affaires extérieures, donc il,

c’est lui qui avait les relations avec tout, toutes les organisations extérieures, dont la Turquoise.



T2k7#75 du 21/05/98. -3 août 1998 (1 1h06) 17
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DEEE EEE CES ss.

KON > ou58

MD -Quelle sorte d’aide croyiez-vous obtenir de Turquoise ?

TK Toutes sortes d'aides, il y a l’aide diplomatique, il y a l’aide financière, il y a l’aide militaire, toutes
sortes d’aides, on... espérait pouvoir obtenir, on espérait pouvoir leur demander toutes sortes d’aides.

MD -Pour vous Turquoise ça, ça, c'était... ça pouvait signifier de l'assistance ?

JK -Pour le gouvemement non, pour la population oui. Pour le gouvernement nous nous étions au courant
qu’ils ne venaient pas pour nous assister, que l'assistance on ne l'aura pas, puisqu'on nous l'avait fait
confirmer qu’on aurait pas d'assistance.

MD -De quelle façon vous aviez confirmé ça ?

JK -Parce que nous nous avions une ambassade en France, qui fonctionnait.

MD -Et votre ambassade en France avait eu des contacts avec la, le gouvernement français ?

JK _Ils avaient tous les contacts avec le gouvernement français.

| MD -Oui, mais spécialement pour le, pour Turquoise ?

JK -Puisque c’était une opération sur laquelle on avait fait beaucoup de bruit au niveau de, des médias,
ça ne pouvait pas passer inaperçu. Donc notre gouvernement avait, se devait de, de prendre des contacts et de
s’informer.

MD -Mais est-ce que les règles n’avaient pas établies clairement à ce moment-là, avant, avant Turquoise,
avant que Turquoise se rende sur place est-ce que les règles de... avaient pas été établies ?

K -Les règles.

MD -Est-ce que le mandat de Turquoise n’était pas défini de façon très claire ?

TK -I1 était défini de façon très claire, mais vous Savez, dans, en matière politique, il y a les règles
publiques et les règles secrètes. Nous ne sommes pas des aveugles.

MD _-Vos relations passées avec la France pouvaient vous laisser supposer qu’il pourrait y avoir des terrains
d’entente ?

JK -Pourquoi pas ?

MD -Est-ce que ça a été le cas ?

JK -Non, ça n’a pas été le cas.

MD -Des négociations du gouvernement, la Jérôme est-ce que c'était. premièrement pour la population
ou plus pour le gouvernement, ses interventions auprès de Turquoise ?

TK -Non, Jérôme n’est pas parti pour la population, il est parti pour le gouvernement.

MD -Pour le gouvernement.

TK -Parce que la population, nous étions là pour la population au niveau du gouvernement donc si nous



T2k7#75 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 18
avions eu l'information nous l’aurions diffusée ou nous no

CARE Ppe RS æs:

Mais Jérôme était là pour le gouvernement.

MD

KON:GU59

us serions arrangés pour informer la population.

-Pour le gouvernement. Mais aviez-vous l'impression que votre gouvernement était en mesure de

protéger la population à ce moment-là ?

K

-Si nous avions reçu ce que nous souhaitions oui. L'aide que nous souhaitions, oui.

MD -Comment auriez-vous pu protéger la population ?

JK

-Ça je... c’est une question à laquelle je ne peux pas répondre parce qu'on n'a pas reçu l’aide, donc je

ne peux pas dire comment on aurait pu le faire.

MD -La seule façon ça aurait été de repousser les attaques.
a ° JK -Pour nous c’était l'objectif.
PD -Ailors… vers la fin juin vous dites que vous vous rendez à Butare puis vous organisez l'évacuation de
JT VOS, VOtrE famille ?
€ JIK -Je ne l’organise pas, je les avise en fait.
PD -Ok.
JK -Parce que je savais que, en tant que paysans ils ne pouvaient pas se rendre compte du danger alors

êtes dans l’obligation de fuir, parce que si vo

PD

us ne fuyez pas ils vous massacreront”.

j'essaye de les informer pour leur dire “écoutez, faites attention, si on vous dit que le FPR arrive, vous vous

-Ok. Mais ces gens-là ont été aidés dans Jeur fuite, on a dit heu cette semaine que c’est Madame Pauline

qui avait envoyé quelqu’un, son mari ou elle qui avait envoyé quelqu'un.

_K
C2 rD
K
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PD
K
PD
K
PD
K
PD

C’est elle qui est allée directement les prendre.
Ils sont allés prendre ces gens-là.

Oui.

Ok.

-Une partie...

-Ce serait après ça ?

C'est après ça bien entendu.

-Ces gens-là, se... viennent aussi avec vous, vous les voyez à Gisenyi ?
-Oui.

_Ils demeurent où à Gisenyi ?

lis demeurent avec moi, à Muramba.

-A Muramba, à l’école ?



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19


KONSEUGC
JK -Oui. |
PD -Est-ce que les autres familles des autres ministres demeurent là aussi ?
K -Ceux qui ont fui oui.
PD -Ceux qui ont fui ?
JK Oui.
PD -Il yen qui ont pas fui ?
JK Mais ceux... il y en a qui n’ont pas fui dans cette direction-là, parce que tout le monde n’a pas fui dans
la même direction.

PD -Ok. Ceux qui ont fui à Gisenyi se retrouvent à Muramba tous ensembles ?

: JK -Pas nécessairement parce qu’il y a des ministres qui vivent à Gisenyi dans la ville, comme j’ai dis.

PD -Aussi ?

JK C’est à dire que leurs parents se retrouvent à leurs côtés. Et nous, les ministres qui vivions à Muramba,
nos familles se retrouvent à nos côtés. FL ° | Doors

PD -Ok. C’est là que vous avez des manoeuvres puis c’est à peu près à ce moment-là qu’il y a des
manoeuvres qui se font pour heu... modifier l'entente du, du. du pouvoir, pour le Président ?

JK Oui, parce qu’on est... on savait que les 90 jours que... que fui donne la constitution approchaient et
il fallait trouver une solution même si on devait aller à l'exil.

PD -Est-ce que c’était une grande préoccupation ça, à ce moment-là ?

JK _-Pour moi ce n’était pas une préoccupation mais je, je crois que au sein du gouvernement il y en avait
qui avaient la, qui en avaient fait une préoccupation.

MD -La réunion avec le Président, pour organiser les élections, elle s’est tenue à quel endroit ?

JK -C’est à Gisenyi.

MD -A Gisenyi.

TK -Oui. De toutes façons à partir du moment où on a quitté Gitarama toutes les réunions se tenaient à
Gisenyi, soit à Muramba ou alors à Gisenyi, dans la ville.

MD -Celle-là fut à Gisenyi. Vous dites qu’il vous manquait beaucoup de... il manquait beaucoup de, de
participants. C’est à ce moment-là ?

JK -Ça c’est une réunion de députés. C’est pas une réunion du gouvernement.

MD -C’est une réunion des députés ?

JK -Oui.

MD -Des députés, il y en avait qui étaient... qui avaient déjà...



T2k7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 20
Kk0NL6U61

JK -Non, c’est à dire on a essayé de reconstituer la liste des députés qui étaient, qui pouvaient être
disponibles si on le, on les convoquait. Il y avait de la difficulté dans la mesure où d’abord les déplacements
n’étaient pas assurés, on ne pouvait pas faire venir un député de Cyangugu facilement pour qu’il vienne à
Gisenyi, deuxièmement il y avait, 1l y en avait qui avaient été assassinés, et puis d’autres dont on n'avait plus
les nouvelles, donc c’est ce qui fait que au niveau du quorum, si on voulait prendre une décision, par les
députés, on, il y avait des risques que le quorum ne soit jamais atteint.

MD -Qui organisait cette réunion ?

JK C'est les... le président... le... Sindikubwabo étant ancien président de l'assemblée nationale, il, il était,

ui il se devait de suivre les activités, les actions de l'assemblée, plutôt de l'assemblée nationale, du conseil

: national de développement, il se devait de suivre les activités de cette assemblée, mais le, l’organisation était

faite par la vice-présidente, une certaine Immaculée Nigaribizehimana [phonétique] qui était la vice-
présidente de |” assemblée nationale. Qui assurait donc l’intérim du, de Sindikubwabo qui était devenu
président de la République. | Te

MD -Qui était président de l'assemblée nationale à ce moment, à ce moment-là ?

JK C'est ce que je viens d’expliquer, lui était président... auparavant il était président du CND, et étant
devenu président de la République, la vice-présidente, Immaculée Nirabizehimana assurait l'intérim de la
présidence de l’assemblée.

MD - [inaudible]. On devait, cette réunion-là devait absolument se tenir pour, pour heu... pour élire le
gouvernement, pour maintenir le gouvemement ? :

JK -Ce n’était pas une affaire du gouvernement. C'était une affaire du président de la République.

MD -Le président, le président.

MD -Pour maintenir, pour le maintenir en place.

JK -Se tenir impérativement, je ne le sais pas puisqu'il fallait trouver solution plutôt, pour, pour... la
question des 90 jours du Président.

MD -Oui.

JIK -C’est ça. C'était ça la question, alors comment trouver un palliatif à cette question, parce que lui il
n’avait pas pu organiser les élections comme la constitution le prévoyait. Parce que les 90 jours devaient lui
servir à organiser les élections pour un nouveau président de la République.

MD -A cause des événements il n’a pas pu le faire ?

JK -Il n’a pas pu le faire. Alors qu'est-ce qu’on fait ? C'était ça la question.



T2k7#75 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 21
mu,

KON560692
MD -Mais vous avez participé à ces, à ces débats ?
K -C'’est pas des débats directement, c’est, c’est que j’ai été informé puis que j'ai été consulté sur ces,
ces débats. Donc j’ai pas participé comme je n'étais ni député ni, ni quoi que ce soit à ce niveau, mais j’ai été
consulté, et j’ai eu des entretiens personneliement avec le président de la République sur le sujet.
MD -Qui avait imaginé ces solutions ?
JK -Je ne... j’ai décrit que je ne peux pas donner la paternité de la personne dans la mesure où je ne
participais pas concrètement aux, aux débats pour savoir qui, qui imaginait quoi.
MD -Vous savez pas qui les a... les a... qui a imaginé les solutions, par contre vous les avez entérinées, on
vous a, [inaudible], on vous a amené ces propositions-là, vous les avez entérinées.
JK -Onm’a, on m'a dit que les propositions qu’ils ont trouvées, en passant en revue Ce que j'ai décrit là-
bas, étaient de faire une nouvelle assemblée nationale en fonction des accords de paix d” Arusha. Et puis de la

PS past de cette assemblée nationale de confirmer le mandat du Président.

PD _OK Le 4 juillet 94, lors de la cérémonie radibdiffusée d’assermentation des députés, est-ce que c'est
les députés proposés ?

JK -Oui.

PD -Que vous assermentez ?

JK -Oui.

PD -Vous apprenez là, Kigali est tombé ?

JK -Oui.

PD -Heu.. vous apprenez ça comment ? Les informations militaires privilégiées qui vous sont parvenues
ou si c’est public ou c’est...

JK -Moije.. j'ai reçu un, juste un petit mot du général Bizimungu, quand j'étais en réunion, juste un mot

écrit de sa main, que le, le, la ville de Kigali est tombée.

PD -Ok. Puis là, par après vous apprendrez par eux, par l'Etat-major la manoeuvre militaire qui a...

TK Oui.

PD qui a précédé ou suivi ou je sais pas quoi, leur... pour eux c’est important de justifier qu’ils avaient
retraité heu. avec succès ?

JK -Je ne crois pas que ce soit une, un justificatif qu’ils voulaient donner, c’est que tout simplement moi
j'étais intéressé à savoir comment ils étaient sortis de la ville et ils m'ont expliqué de façon technique comment
ils ont fait, j'ai essayé de, de...

PD -De suivre ?



T2K7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (11h06) 22
ere

JK
PD
MD
JK



KON56U63
=... de suivre et d'analyser ce qu’ils ont fait

-Ok.

-Kabiligi est sorti heu grandi de cette opération ?

-Apparemment oui, puisque j'ai appris que même dans certains pays, à l’extérieur du Rwanda, ils ont

apprécié la façon dont il l’avait fait, parce que ce n’était pas ça...

MD
JK
MD
K

© PD

K
PD

- {inaudible]

-Pardon ?

-La façon dont les manoeuvres avaient été faites ?
Oui. Apparemment c’est pas ça qui était prévu.
-C’est pas ça qui était prévu ?

“Oui.

-Que la manoeuvre qu’ ’ils ont faites c’est pas une manoeuvre qui avait été prévue ?

JK -Non. Il... ce n’est pas une manoeuvre qui avait été prévue, il avait été prévu qu’il se ferait encercler.. massacrer à l’intérieur de la ville.

MD -Ahoui?

PD -Ah ok, les...

JK -Comme ils étaient encerclés…

PD les désirs, les désirs étaient de les massacrer à l’intérieur de la ville...

TK Comme ils étaient complètement encerclés et qu’on... qu’ils avaient des informations qu’ils n'avaient
même plus de munitions.

PD -Ils se sont dit que de toutes façons ils les auraient à long terme.

JK -Je ne sais pas dans quel pays où on a eu une telle opération, où effectivement les, les soldats ont été
pris en étau sans pouvoir se défendre.

PD -Ah ok, ok, ok.

MD -Et la décision de. la décision de quitter, cette décision-là a été prise par qui ? Par les militaires
exclusivement ?

IK _Par les militaires exclusivement, moi je...

MD -Vous on vous a simplement informé que Kigali était tombé ?

TK -J'ai été informé quand j'étais en réunion. Je ne savais même pas que Kigali était tombé.

MD _-Est-ce que vous saviez, est-0e que Vous suiviez cette situation-là quand même d’assez près, la situation

à l’intérieur de Kigali ?



T2k7475 du 21/05/98. -3 août 1998 (1 1h06) 23
TT



KONSEUE À

TK -Puisqu’il y avait quelques semaines seulement que j'avais... une semaine, moins d’une semaine, je
crois une semaine ou maximum deux que j'étais rendu là-bas et.

MD -Akigali?

JK =. comme j’ai eu à l’expliquer, que j'avais senti la pression.

MD -Oui.

JK Je suivais donc ce qu’il se passait à Kigali.

MD -Etil demeure que les militaires étaient les seuls, les seuls maîtres de cette décision ?

K -Compte-tenu des moyens de communication qui étaient pratiquement inexistants, et compte-tenu du

fait de toutes façons que nous ne contrôlions pas ja situation sur le terrain, je crois pas que... Ça à pu être une...

: ça aurait pu être fait autrement. Ce qu’ils ont fait c'est que effectivement très rapidement ils sont venus pour

nous expliquer ce qu’il s’était passé.

MD -Qui ça on, qui ça ils ?

TK Je l'ai. Se

MD -C’était Kabiligi et Bizimungu ?

JK -Kabiligi et Bizimungu.

PD -G1, G2, G3, GA.

JK -finaudible]

PD -Tout l’Etat-major autrement dit se rend vous rencontrer, puis heu... la décision qui est prise, ou la
réaction à ça c'est que vous tentez de.

JXK -C’est une proposition qu’ils ont en main, c’est à dire que c’est pas.

‘ pD -Faire un front avec le, la Turquoise de façon à ce qu’il y ait une, vous déteniez quand même une partie

du pays, qu’il y ait une partie du pays qui vous soit accessible ?

JK _Comme eux ils. il s'agissait d’un dossier technique, c’est à dire quand ils nous ont exposé ça, ils nous
ont en même temps exposé leur plan, et ça c’est leur plan parce que moi je n’avais pas à dire “vous allez faire
ça” ou...

PD -Non, c’est ça, c’est ça qu’ils vous exposent, ils vous exposent qu’on va faire une ligne puis ça va
permettre de conserver une partie du pays.

JK Oui.

PD -Très peu de temps après, une semaine après, la retraite totale, il y a plus rien qui fonctionne ?

K _En fait ils n’ont jamais été en position en réalité, puisque les... eux ils... comme ils étaient venus en

véhicules, ils étaient arrivés les premiers, mais ceux qui sont venus à pied ont fait que les militaires qui étaient



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KON:6065

le long du front les ont suivis tout simplement.
PD -Ok. Ça nous amène à parler que vous avez commencé à traverser au Zaïre en demandant au... au
commandant militaire Ndembele [phonétique] de laisser Les barrières ouvertes, ce qu'il a acquiescé, est-ce qu’il
a déjà fait des pressions pour les fermer ces barrières-là ?
TK C'est ce qu’on redoutait. Mais il y a... comme le... il y avait trop de, de gens qui voulaient passer les
barrières, qu’on trouvait que le, le rythme était assez lent, m’étant personnellement rendu jusqu’à Ruhengeri
pour observer le flot, le flux de gens, et. j'ai... pensé qu’il était bon de l’aviser pour que il puisse laisser passer
les gens qui voulaient fuir.
PD -Alors quand vous dites le flux était assez lent, c’est que... c’est quoi, c'est que les gens pouvaient pas,
Os devaient être contrôlés de l’autre côté ou tout simplement ils arrivaient de l’autre côté puis ça, ça... ?
| JK -lis contrôlaient. C’est à dire qu’il y avait beaucoup beaucoup de gens dans la ville de Gisenyi qui
77 Youlaient passer, et il y avait des contrôles, au niveau de l’entrée au Zaïre. Ce qui fait que par rapport au... au
. contrôle, et au nombre de gens qui voulaient entrer le rythme d’entrée était assez lent. Et...
PD -Est-ce qu’il y avait des contrôles à La sortie du pays, de chez vous ?
JK -A la sortie du pays non. Il n’y en avait pas.
PD -Vous contrôliez pas à la sortie du pays.

K -Non.
PD -Jamais les militaires ont, sont intervenus.
JK -Non.
. PD -… ou. jamais vous vous avez demandé aux militaires.
J JK -Non.
PD -.. comme gouvernement d'intervenir de dire, pour tenter de faire cesser les gens de traverser ?

( | JK -Non.
7 PD -Jamais?

JK -Non.
PD -Ça s’est fait librement ?
XK -Non, ça s’est fait librement.
PD -Puis quand ils arrivaient de l’autre côté, ils étaient contrôlés par les zaïrois en entrant chez eux ?
JK -Oui.
PD -C’est là que... des gens pouvaient être dépouillés de certaines choses en arrivant ?
JK -Oui.



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KONSEUEÉ

PD -C'est là que vous avez perdu le contrôle sur votre radio ?

JK -Ça c’est autre chose, parce que 1à nous sommes à Goma, Goma c’est au nord, la radio c’est au sud.

PD -Goma est-ce que c'était la même chose, à peu près la même situation qui se passait à Bukavu ou si...

JK -C'était plus dur à Goma qu’à Bukavu. À Bukavu, dans la mesure où il y avait pas la pression militaire, dans la mesure où c’était dans une zone contrôlée par les français, et puis où les contacts même avec la population locale étaient beaucoup plus accueillants que au nord Kivu, le commandant militaire lui-même étant, les militaires au sud-Kivu étaient beaucoup plus souples que les militaires au nord. Il y avait un double problème au niveau du nord, il y avait la pression militaire puis peut-être le commandement lui-même.

MD -Parce qu’il y avait pas la protection pour... de Turquoise, pour.

: JK “Oui.

MD -Pour sortir tandis que...

K -Non, là, là c'était, les gens ne s'étaient pas. c’était pratiquement une Course, € n’était pas, on ne
venait pas, on ne marchait pas, on courait. C'était sous le feu qu’on traversait. Mais vous savez que même des .
bombes sont tombées sur des réfugiés à cette époque, qui traversaient. Il y a eu dix mille morts.

MD -Surtout du côté de, de, de Goma ?

JK -Oui, non, rien que du côté de Goma, ça ne s’est pas fait à Bukavu.

MD -A Bukavu il y avait pas de problèmes, parce que Turquoise protégeait ?

JK -Protégeait... et puis les frontières étaient relativement plus, plus souples dans la mesure où il n’y avait
pas un flux de... les gens qui étaient fatigués pouvaient se reposer et attendre le temps qu’ils voudraient pour
pouvoir traverser donc il y avait pas, il y avait aucune pression.

PD -Alors de là votre démarche auprès de Ntembele {[phonétiquel, lui dire si c’est possible de faire
diligence, laisser ouvert, heu. s'organiser pour que nos gens puissent passer.

JK Out.

PD -C’est ça qui justifiait. Par contre Mathieu s'était rendu auparavant lui à cet endroit-là ?

JK -Lui c'est, c’est. il n’était pas rendu à cet endroit, il s'était rendu chez le président de la République
du Zaïre, Mobutu.

PD -Directement ?

JK Directement, mais apparamment jui il avait des entrées dans, chez lui, pour demander qu’on accorde
l’asile politique aux rwandais.

PD -Ça avait été accordé ?

JK -Ça avait. l’accord de principe avait été donné, il y avait pas... je crois même ils ont dû donner des



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instructions verbales à ce que les frontières soient ouvertes, sinon je ne vois pas comment on aurait pu nous

laisser entrer.

PD -Ok.
MD -Est-ce que c'était à la demande du gouvernement qu’il avait fait cette démarche Mathieu ?
K _C'était à la demande du gouvernement qu’il avait fait cette démarche, donc le gouvernement...
MD -Pour le gouvernement ?
JK -Pour le gouvernement, oui.
MD -Spécialement, il avait été choisi parce qu’il avait des..
JK Oui.
MD -… parce que l’on savait qu’il avait...
JK -Quand il y a une mission à faire on choisit les personnes qui conviennent.
MD -Oui,on savait qu’il avait déjà des contacts de faits avec ie Président ? |
K “Oui. do eee
PD -Par contre vous expliquez que lorsque vous quittez, vous... vous êtes au sud quand vous quittez ?
XK -Quand je quitte où, parce que je...
PD -fci, quand vous dites que... vous quittez en hélicoptère...
TK -Non là je suis au nord, mais je quitte le nord...

PD Vous êtes au nord, vous êtes à Gisenyi, ok...
JK -Je quitte le nord pour le sud.

PD C'est à ce moment-là que vous con... vous quittez le nord pour le sud ?

TK Oui.
PD -C’est quand vous êtes au nord qu’il y a des bombardements ?
__JK Oui.

PD -Quand vous arrivez au sud il y en a plus ?

JK -J'ai.. j'ai attendu jusqu’à la dernière minute pour voir comment ça allait se passer. Et effectivement
quand le FPR commençait à bombarder pratiquement la ville...

PD -C’est ça, mais le bombardement qu'on parle là, c’est des bombardements qui étaient au nord, c’est
ce que vous venez de décrire.

TK Oui.

PD -Ok.

MD -Est-ce que, quand vous êtes sorti vous, est-Ce qu’il y avait encore quelques militaires, est-ce qu’il



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restait encore des gens ? |
JK -Très peu. Non, les gens qui restaient pouvaient facilement passer avant que le FPR n'arrive en ville.
MD -Au niveau du gouvernement ?
JK -Au niveau du gouvernement il y avait, j'étais avec Bizimana, tous les ministres étaient partis.

PD -A Goma, le dernier point c’est qu’à Goma vous avez réussi à avoir une livraison d’armes d’un million de dollars. Que vous nous avez expliqué qui a pas été heu... qu’en réalité elle a pas été pris en possession par les FAR ?

JK -Non.

PD -Est-ce que vous. vous savez si heu... après au moment de la rupture... de vos, de vos relations avec eux, si eux ont pu venir en possession de ça ?

JK -Je ne crois pas.

/PD -Non?

JK -Mais.. je... c’est pas une histoire que j’ai suivie.
MD -Vous avez pas suivi ?

JK -Je n’ai pas suivi mais je ne crois pas qu’ils aient pu entrer en possession connaissant un peu le... la
mentalité des militaires zaïrois, les armes ont été certainement revendues à quelqu'un d’autre. Parce qu’ils
revendaient même leurs propres armes que leur pays, leur propre pays leur avait données, il y a aucune raison
à ce qu’ils ne puissent pas revendre des armes d’un, d’un autre gouvernement. Parce qu’ils ont été attaqués
par leurs propres armes, qu’ils ont eux-même vendues à ceux qui les ont attaqués. :
MD -Mais c'était, c'était surtout des munitions ?

JK -C'’était des munitions.

MD -Oui. - -
PD -C’est des gens d’affaires.
XK -Pardon ?

PD -Ce sont des gens d’affaires.
JK -Aujourd’hui je pense qu'ils le regrettent.

PD -Oui, sûrement.

MD -Oui.

PD -Est-ce que voyez d’autres choses à ajouter là-dessus ?
JK -Non.

PD -Non?



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KONL6U6S

MD -le pense qu’on est rendu déjà à la fin de la. de la bobine, dans quelques minutes, ça vaut
probablement pas la peine de débuter un nouveau chapitre, il reste deux minutes, Tinaudible]
PD - {inaudible] chercher dans les minutes qui vont suivre.

Fin de la face B de la cassette # 75.

S



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fgtquery v.1.9, 9 février 2024