Fiche du document numéro 22224

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22224
Date
Lundi 18 mai 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1081303
Pages
24
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 62 [Félix Semwaga et Mathieu Ngirumpatse]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
KO055700

Face À de la cassette # 62.

PD -Nous sommes lundi, le 18 mai, nous sommes toujours à La Haye, au centre de détention de l'ONU.
Nous rencontrons Monsieur Jean Kambanda, Monsieur Marcel Desaulniers et moi, Pierre Duclos. Je
demanderai aux gens de s’identifier, s’il vous plaît.

JK -Jean Kambanda.

MD -Marcel Desaulniers.

PD -Pierre Duclos. Avant de débuter, je vais vous lire, comme à lhabituel, l’avis des droits du suspect.
Avant de répondre à nos questions vous devez comprendre vos droits. En vertu de l’article 42 et 43 du
règlement de preuve et de procédure du Tribunal pénal pour le Rwanda, nous devons vous informer que
notre entretien est présentement enregistré et que vous avez les droits suivants: 1, vous avez le droit d’être
assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les services d’un avocat sans frais si vous n’avez pas les
moyens financiers de payer les services d’un avocat. 2, vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans
frais, si vous ne pouvez pas comprendre la langue utilisée lors de l’entrevue. 3, vous avez le droit de garder
le silence si vous le souhaitez. 4, toute déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de preuve
contre vous. 5, si vous décidiez de répondre à nos questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez
arrêter l’entrevue en tout temps et requérir les services d’un avocat. Il y a la deuxième partie qui est la
renonciation aux droits, si vous voulez la lire, puis si vous y acquiescez, signez en bas s’il vous plaît.
JK -J’ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l’énoncé de mes droits, je comprends
l'étendue de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement enregistré. Je
comprends et je parle la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement, soit par
l’intermédiaire de l’interprète qui m’a été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une
déclaration. J’affirme en toute connaissance de cause que je ne désire pas d’avocat en ce moment. Aucune
promesse ni aucune menace ne m'a été faite et aucune pression n’a été exercée sur moi.

MD -Monsieur Kambanda signe présentement la renonciation aux droits. En date du 18-05-98. Je signe
comme témoin. Avec la date et l’heure. Pierre s’il vous plaît ?

PD -Je contre-signe. Avant de débuter l’enregistrement du ruban numéro 62, jaimerai, heu, spécifier
que vous nous avez remis les 97 premières pages du journal vendredi dernier, que vous les avez lues.
JK -Oui.

PD -Vous avez apposé votre signature sur chacune, vos initiales ?

JK -Paraphe.

PD -Oui, votre paraphe ?



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 1


K005570:
JK -Oui.
PD -Sur chacune ? Est-ce qu’il y a quelque chose dans la lecture de ces 97 pages-là auquel... vous avez
noté qui était pas conforme à la situation que vous avez vécue ?
JK -Non.
PD -Toutétait conforme. Nous avions terminé la semaine dernière avec le cas de Ngeze Hassan. C'était
le chapitre 8.4.3. Nous débutons aujourd’hui avec le cas de ?

JK -Félix Semwaga [phonétique]. C’est le 8.4.4.

MD -8.44.

JK -Oui.

PD -Oui.

MD -Félix.

JK -Il était de Gitarama comme Karamira. Il lui était politiquement et au niveau des affaires très

proche. Il était propriétaire avec son épouse Nkuze Marguerite [phonétique], d’un magasin [inaudible] de
Butare. Il était le trésorier, le trésorier du MDR à Butare. Son épouse était Tutsi et sa belle-famille se serait
réfugiée chez lui. Il avait pu protéger sa belle-famille grâce à l’appui d’un de ses amis qui était commandant
du camp Ngoma, le lieutenant Hakedikimana [phonétique]. Au plus fort de la guerre, l’officier fut rappelé
au front, son remplaçant ne lui procura plus la même protection militaire. Se sentant menacé, il est venu à
Gitarama me demander de l’aide. Je suis intervenu pour qu’il soit protégé à sa maison de Mbazi par les
militaires. J’ai appris plus tard... heu, que l’ancien sous, sous-préfet, devenu président de la CDR, un certain
Kagaho [phonétique], avait été assassiné. Les rumeurs non confirmée font état du fait que ce serait
Semwaga Félix et ses gendarmes qui l’auraient éliminé en réponse à ses menaces d’attaquer Semwaga Félix
car il abritait des Tutsi dans sa maison. Lorsque le FPR prendra Butare, il tentera de s'enfuir vers Gikongoro
en passant par la commune de Maraba, à cet endroit il sera attaqué par le bourgmestre qui, selon le rapport
que Félix Semwaga m’a fait parvenir, tuera six de ses enfants. Il volera un montant très important de devises
en francs belges et des dollars, et lui prendra au moins un de ses véhicules. Arrivé à Gikongoro, il est revenu
à Butare où, paraît-il, il a été arrêté par le FPR. Des informations me sont parvenues par la suite, confirmant
la participation de ce bourgmestre de la commune de Maraba dans des massacres de populations toutes
ethnies confondues, il aurait beaucoup pillé ses victimes. Il était réfugié dans la région d’Uvira, au Zaïre.
Les informations sur ce bourgmestre m’ont été faites par un ami réfugié au Zaïre, qui habitait cette
commune, Bitwahiki Innocent [phonétique], ingénieur civil du bureau national, type de projets [?], qui

avait fuit Kigali en avril 1994. Il est d’origine ethnique Hutu mais il fut quand même chassé de cette



T2k7462 du 18/05/98. 2 juillet 1998 (17h12) 2
K0955702

commune par ce bourgmestre qui l’accusait de complicité avec le FPR. Il trouva refuge à Gikongoro avant
de traverser au Zaïre. Voilà pour le cas de Félix Semwaga.

PD -A l’exception d’être trésorier du MDR, est-ce qu’il avait une fonction politique ?

JK -En tant que trésorier du MDR à Butare, il faisait, il faisait partie du bureau politique du MDR au
niveau national.

PD -Ok. Lorsqu'on discute, dans le dernier paragraphe du bourgmestre, de..., de Malabar..

JK -Maraba.

PD -La commune de Maraba.

JK -Oui.

PD -C’est pas lui là ?

JK -Non c’est pas lui.

PD -Cest, c’est.

JK -C’est le bourgmestre, il a...

PD -C’est la victime de ce bourgmestre ?

JK -C'est ça.

PD -Ok. Parce que ça peut être un peu...

JK -Non, il fut victime de ce bourgmestre.

PD -Il fut victime.

JK -Et comme il m’a écrit lui-même, il m’a transmis une note, me faisant part de ce, de cette agression de la part de ce bourgmestre, c’est pour. peut-être pour cela que j’ai tenu à le souligner dans ma déclaration.

PD -Ok, c’est un cas ça spécifique...

JK -Oui.
PD -Que vous aviez en mémoire quand vous avez fait votre déclaration ?
JK -Oui.

PD -Est-ce qu’il y a autre chose qui vous est venu en mémoire sur le cas de Monsieur Félix ?

JK -Non. Et puis l’autre problème c’est que il a cité comme quelqu’un qui aurait assassiné le, l’ancien
sous-préfet Kagaho de la commune de Mbazi. Avec des gendarmes que moi j’avais, je lui avais procurés.
PD -Ok. C’est plutôt cette partie-là qui vous concerne vous, le fait que quelqu’un dont vous aviez assuré
la...

JK -La protection.



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 3
KON55703

PD -… la protection. comment, comment peut-on faire pour le premier ministre, pour assurer la
protection d’un simple citoyen comme ça ? Est-ce que c’est, c’est une démarche que vous avez eu à faire
fréquemment ça ? Est-ce que vous l’avez fait à de multiples occasions des cas comme ce Monsieur-là ?

JK -D’abord ce n’était pas pour moi un simple citoyen dans la mesure où comme membre du comité préfectoral du MDR à Butare, dont j'étais le président, il avait directement recours à moï, comme son chef, direct au niveau de, sur le plan politique, heu, deuxièmement ce n’était pas le seul cas où j’ai eu à intervenir pour la protection de certaines personnes qui, qui ont pu accéder à moi à l’époque.

PD -Donc c’est le lien politique qui a fait que cette personne-là s’est adressée à vous ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que c'était quelqu'un que vous connaissiez aussi par un lien d’amitié ou si c’était seulement
des, une relation politique ?

JK -Il n’était pas un ami particulièrement à moi, maïs politiquement il était un adjoint à moi.

PD -Est-ce que vous savez si ce Monsieur-là est toujours vivant ?

TK -Je. je ne le sais pas aujourd’hui. Je sais que les... il aurait été arrêté mais je ne sais pas s’il est
vivant ou pas.

PD -Ok, vous savez pas s’il est détenu au Rwanda ?

JK -Dans la dernière information que j’avais c’était qu’il était détenu au Rwanda.

PD -Ok. Ça remonte à peu près à quelle époque ça ?

JK -À, en 96.

PD -Donc en 96, il était toujours détenu, selon vos informations, au Rwanda ?

JK -Il était censé être détenu, oui.

PD -Ok.Il était censé être détenu ?

JK -Oui.

PD -Ok.

MD -La, la rumeur non confirmée qu’il aurait, qu’il aurait assassiné cette personne, est-ce que, si vous
avez... quel, quel genre d’information vous avez eue vous là-dessus, à ce propos là ?

JK -C’est que.

MD -Parce que. Est-ce que lui vous en a déjà discuté ?

JK -Non. C’est que après quand... on ne s’est plus jamais vu. Donc quand je lui ai donné les militaires,
on ne s’est plus jamais rencontré. C’est quand j’étais en exil que des gens m’ont parlé de la mort de ce

bourgmestre, en fait on me, on me reprochait d’avoir donné des militaires à quelqu’un qui ont assassiné un



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 4


KO055704

Hutu, du, de, du, du, d’un parti politique, dans la, dans la commune.

MD -Est-ce que, est-ce que les, ces informations-là étaient assez précises sur son implication ? Assez
pour que vous lui apportiez foi ?

JK -Assez précises, oui, parce qu’on nous di... il est de la même commune que le bourgmestre, il y a
eu une bagarre entre les deux, et le bourgmestre est mort, le... plutôt l’ancien bourgmestre qui était devenu
un, un ancien préfet aussi, sous-préfet pardon, est mort, l’autre, le... Félix avait des gendarmes que Kadaho
n’avait pas donc on peut présumer que si Le type a été tué par des militaires ça puisse effectivement être des
militaires qui, qui, qui étaient de chez Félix.

MD -Sa relation avec Karamira, c'était quoi exactement ?

JK -Je ne peux pas la, la préciser mais on disait que les, le magasin qu’ils avaient [inaudible], Karamira
avait des affaires dans le magasin qu’ils avaient à Butare.

MD -Est-ce que, au niveau politique, c’est des gens qui se tenaient beaucoup ensemble, qui
partageaient.

JK -Oui, je crois qu'ils partageaient les, les mêmes points de vue, ils étaient souvent ensemble.

PD -Le prénom de Monsieur Karamira c'était quoi ?

JK -Froduald.

PD -Froduald. C’est celui qui a été.

JK -Exécuté.

PD -Exécuté dernièrement ?

JK -Oui.
MD -Et Félix aurait été assez près de lui ?
JK -Oui.

MD -Vous vous l’avez, vous l’avez, vous l’avez bien connue cette personne Félix, c’est une personne
que vous avez bien connue ?

JK -Oui, au niveau du parti.

MD -Donc au niveau du parti, et c’est dans ces activités politiques qu’il était, qu’il, qu’il heu... quelle
position prenait-il dans Le conflit ?

JK -Je.. au niveau du, du, pendant le conflit je ne l’ai jamais vu.

MD -Et avant ? Quelle était, quelle attitude avait-il ? Est-ce que c’était, est-ce qu’il acceptait heu...
PD -Est-ce qu’il était de tendance Power ou s’il était de tendance. ?

JK Il était de tendance Power mais. marié à une femme Tutsi, donc il avait une. une... tout de même



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 5




KO055705

une relation un peu ambiguë.

MD -Ilétait un peu partagé ?

JK -Oui.

PD -La tendance Power, MDR-Power, à ce moment-là au Rwanda c'était une tendance nettement anti-
Tutsi ?

JK -Oui.

PD -Vous ce que vous avez vérifié avec lui, vous avez... vous nous avez dit que précédemment que vous
avez pas eu de contacts avec lui par la suite qui vous a permis de vérifier si heu... si cette personne-là avait
fait ça ?

K -Non j’ai pas eu de contact direct avec lui. Tout ce que j’ai reçu de lui c’est une note, une lettre, qu’il
m'a fait transmettre quand j'étais à Gisenyi, me relatant le... son agression par le bourgmestre de la
commune de Maraba.

MD -Ok.

PD -Est-ce que vous avez eu à vous pencher sur le... le cas du bourgmestre de Maraba ou si c’est, c’est
survenu...

JK -C’était un peu trop tard...

PD -C’était trop tard ?

JK -Je n’ai pas eu le temps.

PD -Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes capable de l’identifier ce bourgmestre-là, est-ce que c’est le, ses
identités vous sont en mémoire ou si c’est.

JK -Non, c’est pas un homme que je connaissais personnellement. C’est quelqu'un que je n’avais jamais
rencontré en réalité. Que je ne connaissais pas.

PD -Connaissez-vous ses origines politiques ?

JK -Il je crois qu’il était du MRND.

MD -Est-ce que vous avez entendu parler de cet homme-là à d’autres occasions ?

JK -Oui j’en avais déjà entendu parler au niveau de ma banque, comme directeur de banque des banques
populaires j’avais déjà eu à faire à ce bourgmestre, à une époque, donc avant 94.

PD -Auparavant.

JK -Auparavant.

MD -Par la suite, comme premier ministre, vous avez pas eu de.

JK -Non j’ai pas eu.



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 6


K0055706

MD -.… d'informations ?

JK -J’ai pas eu de contacts avec lui, sauf que le, le, l’ingénieur que je nomme, Bitwahiki, m’a, m’a parlé
de lui au niveau des massacres.

PD -Ok.Il vous a parlé de lui puis à ce moment-là il était réfugié dans les camps au Zaïre ?

JK -Oui.

PD -Vous avez pas eu à le rencontrer à ce moment-là ?

JK -Qui ? Le bourgmestre ?

PD -Oui.

JK -Non, parce que lui il était, on disait qu’il se trouvait du côté d’Uvira, Uvira c’est plus au sud par
rapport à Bukavu, c’est à 200 kilomètres de Bukavu. Je ne pouvais pas le voir.

PD -Vous avez pas, vous avez pas eu à le rencontrer. Aujourd’hui vous savez, vous avez eu des
nouvelles de lui, où il est ?

JK -Je n’ai aucune idée.

PD -Ok. Le cas suivant c’est ?

JK _-C’est le cas de Mathieu Ngirumpatse. C’est le 8.4.5.

PD -On pourrait peut-être passer à celui-là ?

JK -Cet homme est un ex-ambassadeur et un ex-ministre de la Justice. C’est un avocat de profession.
Je ne peux témoigner du rôle qu’il aurait pu tenir lors des massacres, mais je peux le situer politiquement
lors des événements de 1994. Il est le premier et seul successeur du président Habyarimana comme
président du MRND. Il est devenu président de, du parti MRND. S’il est devenu président du parti MRND,
ce n’est pas de gaieté de coeur qu’Habyarimana lui a cédé sa place. Il s’agit d’un compromis politique forcé
par la pression des gens du sud qui souhaitaient avoir le contrôle du MRND sans devoir créer un autre parti
politique. En contre-partie, Habyarimana fera élire un secrétaire national qui est l’un de ses plus proches
collaborateurs, Joseph Nzirorera. On prêtait à Mathieu Ngirumpatse l’intention de convoiter, de convoiter
le siège du président de la République, mais en y accédant progressivement par les voies normales. Aux
personnes du MRND qui le pressaient de se désolidariser de Faustin Twagiramungu du MDR, il aurait
dit qu’un secret existait entre les deux. C’est une information que j'ai retenue de Pauline Nyiramasuhuko.
Ce secret ne sera jamais dévoilé. Lorsqu’il fut question de trouver un successeur à Habyarimana selon les accords d’Arusha, il a su, avec l’appui probable de ses collaborateurs immédiats, trouver un alibi pour ne pas se présenter à un poste qui était considéré comme très risqué en cette période alors que de droit ce poste lui revenait, étant prévu dans les Accords d’Arusha que le président de la République proviendrait du



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 7
K0055707

n 1,
il avait fait assigner au nouveau gouvernement la mise en application des Accords de paix d’Arusha, comme
un des objectifs primordial [sic], ce qui lui garantie la présidence de la République. 2, le président nommé,
Sindikubwabo, n’est qu’un intérimaire de 60 jours. 3, son attitude tout au long de cette période montrera
que c’est un homme qui s’est mis en réserve, ne désirant pas compromettre son avenir politique. Peu de
déclarations, pas de visites officielles, peu de contacts avec la presse etc. Dans les coulisses, une importante
activité menée pour, par lui, ou avec son accord. Je me suis déjà exprimé sur sa paternité des Interahamwe,
vue dans les deux définitions que j’ai déjà expliquées. J’ai déjà décrit son rôle dans l’impasse de la mise
en place des Accords de paix d’Arusha par le jeu des listes des députés et des ministres, son attitude face
aux factions des partis d’opposition, enfin la tentative avortée de mise en, de mise à l’écart du gouvernement
d’Agathe Uvwilingiyimana consécutive à son non fonctionnement auquel les ministres de son parti ne
pouvaient pas être étrangers. Au cours des massacres d’avril à juillet 1994, compte-tenu de ce qui précède,
il aurait pu ou dû jouer un rôle plus actif auprès des groupes civils armés dont je suis sûr qu’il était le seul
à qui ils auraient pu obéir. Plutôt que de cela, il adoptera une attitude de passivité. J’ai dû, au moins une
fois, lui demander d’intervenir sur les ondes de la radio nationale pour annoncer qu’il ne cautionnait pas
ceux qui étaient en train de massacrer. Je lui ai même demander de se rendre à Kigali sur les barrières pour
dire de cesser les massacres. Il n’a pas voulu s’y rendre sous prétexte que sa sécurité ne serait pas assurée.
Je l’ai rencontré pour la dernière fois, probablement en juin 1995, à Kinshasa. C’est un homme que j’ai classé parmi ce que j’ai appelé les larrons politiques. Pas de question ? On peut associer le colonel Bagosora et Mathieu Ngirumpatse sur l’accord de la mise en place du gouvernement intérimaire du 7 avril 1994. II faut mettre en relief les activités du comité militaire de crise présidé par le colonel Bagosora. J’ai été informé, sans en avoir la preuve, que la première intention de ce comité fut de prendre le pouvoir seul. La conséquence logique aurait été la mise en place du président de ce comité, le colonel Bagosora comme président de la République. Le colonel Bagosora aurait rencontré l’opposition au sein même de son comité
semble-t-il par le général-major Ndindiliyimana [phonétique] et le colonel Rusatira. Le compromis fut
de consulter l’ambassadeur de France et le représentant spécial du secrétaire-général des Nations Unies,
Monsieur Roger Booh-Booh. Ceux-ci conseillèrent de mettre en place, de mettre en application
intégralement les Accords de paix d’Arusha. Le comité militaire aurait démontré l’impossibilité de mise en
application de ces accords, notamment par le fait que la personnalité du premier ministre désigné,
Twagiramungu, ne leur semblait pas acceptable compte-tenu de la situation. Je n’ai jamais pu savoir le

compromis auquel ils sont parvenus au sujet du premier ministre désigné, tout ce que j’ai su m’a appris qu’il



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 8
0055708

y aurait eu un accord pour demander au MRND de leur donner un candidat président de la République en
conformité avec les Accords de paix d’Arusha. C’est donc là que l’on voit la liaison entre le président du
MRND, Mathieu Ngirumpatse et le président du comité militaire de crise, le colonel Bagosora. Le MRND
est convoqué par le comité militaire de crise. Pendant cette rencontre le MRND représenté par son président,
Ngirumpatse, son premier vice-président, Karimera, et son secrétaire national Nzirorera. Le seul absent
était le deuxième vice-président, Kabagema [phonétique]. J’ai déjà donné la composition du comité
militaire de crise. J’ai appris par le premier vice-président, Karimera, que ce fut lui qui proposa de nommer
le président du CND comme nouveau président de la République en vertu de la constitution de juin 1991,
sans tenir compte des Accords d’Arusha pour les raisons suivantes : 1, les Accords avaient été violés par
le FPR, par le FPR en l’article 1, qui stipulait la fin de la guerre entre le FPR et le gouvernement rwandais.
2, même si ces Accords n’avaient pas été violés leur application relativement à la nomination du président
de la République dans le présent cas était impossible, la raison avancée étant que le MRND n'était pas en
mesure de réunir son [inaudible] pour présenter conformément à ses statuts son candidat à la présidence de
la République. Comme les circonstances qui prévalaient exigeaient pour le pays la nomination d’un
président, et compte-tenu de ce qui précède, la disposition contenue dans la constitution de 1991 fut
acceptée par les deux parties en présence. Dans les coulisses on saura que le MRND avait décliné l’offre
qui lui était faite de présenter un candidat à la présidence de la République de façon diplomatique. Les
arguments avancés n’étant que des alibis pour ne pas avoir à occuper ce poste risqué pendant cette période.
Le MRND a donc préféré envoyer au charbon le président du CND), le docteur Sindikubwabo Théodore,
plutôt qu’un des membres de son comité directeur, en particulier son président Mathieu Ngirumpatse. Un
autre lien que je peux établir entre Mathieu Ngirumpatse et Bagosora est la nomination de ce dernier au
poste de directeur de cabinet au ministère de la Défense, suite à sa mise à la retraite forcée par la décision
du gouvernement de coalition d’appliquer la règle régissant l’âge de la retraite pour les militaires. C’est
également cette même application qui fera aussi perdre le poste au chef de l’Etat-major de l’armée et de la
gendarmerie au président Habyarimana. Le colonel Bagosora sera récupéré par son parti, lui, qui le
nornmera au poste de directeur de cabinet, lequel est un poste politique et ce dans tous les ministères auquel
on ne peut accéder que par son parti politique. Il apparaît donc, par ces décisions, que le colonel Bagosora,
même s’il était militaire, était dans la ligne de direction du parti MRND. Ceci est d’autant plus vérifiable
que sa mise à la retraite correspondait à une mise massive à la retraite des militaires de même rang que lui,
qui eux n’ont pas eu la faveur d’être nommés aussi rapidement à un poste aussi élevé. Voilà donc en ce qui

concerne Mathieu Ngirumpatse.



T2K7462 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 9
K0055709

MD -[inaudible]

PD -Si on commence par son antécédent, il a été ambassadeur de quel pays lui ?

JK -Je ne.

PD -Dans quel pays pardon ?

TK -Je ne peux pas le préciser dans la mesure où il a été dans plusieurs pays.

PD -Dans plusieurs pays ? On peut... vous évaluer l’âge de cet homme à quel âge environ ?

JK -I1... aujourd’hui il ne devrait pas avoir moins de 60 ans.

PD -Ok.Il a occupé une fonction d’ambassadeur pendant plusieurs années ?

JK -Pendant plusieurs années. Moi je ne l’ai jamais connu comme tel, je, je l’ai juste vu quand il était
président du MRND. Avant je ne le connaissais pas. Je sais qu’il, c'était quelqu'un de très haut placé.
PD -Ok. Ministre de la Justice, est-ce que c’est quelque chose que vous avez suivie, est-ce que c’est
quelque chose que vous avez en mémoire, les, les dates où il aurait été ministre de ]a Justice ?

JK -Non. Je n’ai pas suivi mais, je... ça doit être avant le multipartisme, parce qu’après le multipartisme
ce n’était pas lui, le ministère de la Justice ne dépendait pas du MRND et de toutes façons, lui, il ne fut pas
ministre après le... le multipartisme. Donc ça, ça doit être avant 92. |

PD -Il aurait été nommé président de son parti en quelle année ?

JK _-Je ne peux pas non plus préciser mais ça, ça devrait se situer entre 91 et 92. Parce que c’est avec,
au cours du multipartisme qu’il a été nommé président du MRND.

MD -[inaudible]. Son passé politique, est-ce que vous le connaissez ?

JK _-Non. Son passé politique, je connais c’est que il fut plusieurs fois ambassadeur.

MD -Oui. Mais pour arriver à la présidence du MRND, est-ce qu’il était, est-ce qu’il était reconnu
comme étant près du, du Président ?

JK -De toutes façons on ne pouvait pas accéder à ces postes si on n’était pas près du Président. Puisque
lui il venait du parti unique, donc ça veut dire que quelque part il était déjà assez près du Président et
comme ancien ministre de la Justice, c’était quand même quelqu'un qui...

MD -Est-ce qu’il a été mis en place par le Président lui-même, Habyarimana ?

JK -Avant oui. Mais pour être nommé, pour le remplacer je crois que c’est, comme je l’ai expliqué,
c’est la pression de la base qui a fait que lui il accède à ce poste. Parce que le président Habyarimana ne
voulait pas céder la présidence de son parti.

MD -D'accord mais quand il a vu que, vu que, quand il a été forcé est-ce que c’est lui-même qui aurait,

qui aurait suggéré Mathieu ?



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 10


KO055710

JK -Je ne crois pas. Je ne crois pas que ce soit le président Habyarimana qui aurait suggéré Mathieu,
je crois que c’est plutôt la... la base comme je l’ai dit.

PD -Vous parlez d’une rivalité nord/sud, là vous expliquez un peu la rivalité nord/sud, un peu, dans,
dans... vous touchez à ce propos-là...

IK -Oui.

PD -… en disant que lui venait du sud, c’est ça ?

JK -Ilest de Kigali-rural.

PD -Ok.

JK -C’était comme le sud du pays.

PD -Puis en opposition à ça, le Président aurait fait nommé...

JK -Nzirorera Joseph, comme secrétaire national.

PD -Qui lui était originaire …

JK -De Ruhengeri.

PD -De Ruhengeri, donc de la partie considérée nord du secteur, du pays.

MD _-Nzirorera aurait été l’homme de confiance du Président au sein, au sein de la direction du parti ?
JK -Oui. Enfin c’était l'opinion de tout le monde. Que Nzirorera est l’homme du président Habyarimana
au sein de la direction du parti MRND.

MD -Est-ce que le rôle qu’il jouait au sein du parti, à votre connaissance, démontrait qu’il avait heu.
peut-être un support plus fort que les autres ?

JK -Parce que le, le, la fonction de secrétaire national du parti est une fonction permanente, que vous
êtes pratiquement un fonctionnaire du parti, le seul au niveau du comité directeur, qui est permanent et qui,
qui doit s’occuper au jour le jour de la vie du parti, alors que les autres sont, ont des fonctions disons qu’on
occupe lors des réunions, ou des meetings.

MD -Et de ce fait il connaît tout ce qu’il se passe au sein du parti ?

JK -Oui. C’est lui qui coordonne tout, puisqu’il est permanent.

MD _-Et comment là pouvez-vous dire que Mathieu, on a commencé à lui prêter l’intention de convoiter
le siège de la présidence ? Est-ce que c’était quelque chose de connu avant qu’il soit nommé président du
MRND ou c’est, c’est. ça aurait germé à ce moment-là ?

JK -Çaje ne peux pas préciser dire c’est à partir de tel moment, mais les, les inten.. cette intention elle
lui a été prêtée quand il était déjà président du MRND. Je crois que ça... en accédant à ce poste, il a senti

qu’il pouvait également accéder au poste de président de la République. Parce que c’est peut-être la, la, la



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 11


K0055711

voie autorisée.

MD -De quelle façon que vous apprenez ça vous, ce fait là ?

JK -Les partis s’espionnaient plus ou moins, c’est à dire qu’au niveau des partis politiques, on, on
essayait de s’informer sur les leaders des autres partis pour savoir exactement qui, qui était en concurrence
de qui.

MD -Et c’est là que son nom, son nom a jaillit là, comme heu... identifiable à ses aspirations.

JK -Oui.

PD -Est-ce que pendant la période génocidaire, en 94 au Rwanda, effectivement vous avez senti que lui
avait le désir de devenir président du pays ?

JK -C’est ce que j’ai écris en deuxième partie, en disant que lui s’il avait voulu être président de la
République entre avril et juillet 94, il aurait pu le faire puisque c’est lui qui était le président du MRND,
alors que le, tout ce qu’on lui demandait c’est de se proposer comme candidat, Mais...

PD -Faut savoir, faut savoir que vous avez déjà expliqué, je crois que le président est la personne, est
le, le président du parti est la personne qui peut se nommer. Si on prend les règles, heu...

JK -Ça c'était du temps du parti unique.

PD -A ce moment-là c’est pas la même chose ?

K -Non.

PD -Les règles sont changées ?

JK -Les règles sont changées.

PD -On va tourner le ruban.

Fin de la face A de la cassette # 62.



T2k7#462 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 12
K0055712

Face B de la cassette # 62.

PD -A ce moment-là quelle règle régissait... est-ce que c’était des règles que vous connaissez ?

JK -Non, ce ne sont pas des règles que je connais mais je peux, comme les partis, tous les partis
politiques avaient, étaient régis par une même loi, je peux m’imaginer que ça devait être les mêmes règles
que dans mon propre parti politique, et donc que le président du parti devait être confirmé par le congrès,
et c’est d’ailleurs ça l’explication qu’ils ont donnée pour qu’on ne... pour qu’il ne prenne pas cette fonction
de président de la République, en avril 94. Comme, donc, je le disais, s’il n’a pas pris la place, il s’est
néanmoins ménagé un po... une porte de sortie en cas de besoin. Dans la mesure où le président qui était
nommé n’était là que pour, j’ai dit soixante jours, mais je crois que ça devait être quatre-vingt-dix jours,
parce que je crois que c’était trois mois, je ne me rappelle plus du, du nombre de jours exact mais trois mois
ce n’était pas beaucoup, donc il avait le temps d’attendre, de voir évoluer la situation. Deuxièmement, heu.
le, le gouvernement a eu comme attribution une de, de, de ses objectifs, un de ses objectifs était de mettre
en application les Accords de paix d’Arusha. Ce qui était encore une garantie supplémentaire au cas où la
crise était terminée, au cas où les Accords d’Arusha étaient mis en place, c’était lui qui devrait de toutes
façons présider, en tant que président du MRND, comme le... dans ces Accords il est bien spé... il était bien
spécifié que le président devait provenir du MRND. Et puis, tout le long de la période d’avril à juillet 94,
comme je l’ai expliqué, il s’est mis tout à fait en réserve pour ne pas devoir prendre part et ne pas salir sa
propre personne pendant tous les événements qui étaient en cours. Ça fait les trois éléments qui m’ont fait,
heu, d’après mon analyse, parce que là ça n’est pas écrit quelque part, qui me fait croire que lui il
ambitionnait effectivement, il s’était mis dans la peau du futur président de la République.

MD -Luiil avait vu la situation, il l’avait analysée puis il avait décidé de pas se mouiller ?

JK -Oui.

MD -De pas, de pas se faire, de pas, de pas se brûler politiquement, d’envoyer quelqu'un et puis
d’attendre la, la vraie, la vraie situation... Qu’est-ce qu’il, qu'est ce qui le liait avec Faustin, quelle sorte de
relations il avait avec Faustin Twagiramungu ?

JK -C’est. ce sont des liens que nous n’avons jamais pu comprendre parce que les, la nomination de
Faustin Twagiramungu a été au détriment du parti MR... MDR. Et c’était une relation heu qui, d’après nous
visait à détruire le parti MDR.

PD -Quand vous dites d’après vous là, ça serait peut-être utile pour les fins de l’enregistrement que vous

précisiez d’après vous c’est qui ça ?



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 13
(0955713
JK -Le parti MDR a, à un certain moment été divisé en deux tendances. Une tendance qui était
minoritaire, dirigée par Faustin Twagiramungu et une tendance majoritaire qui était dirigée par heu.
Dismas, le docteur Dismas Nsengyaremye. Et cette tendance-là ne voulait pas de Faustin Twagiramungu
comme premier ministre du gouvernement de transition à base élargie au FPR. Par contre le.
Twagiramungu réussira à avoir le MRND), à faire un accord avec le MRND pour qu’il soït nommé, ce qui
nous semblait une alliance un peu contre nature puisque le, lui, qui était un opposant déclaré, peut-être le
plus farouche au MRND, qui parvient à nouer un accord avec le MRND, ça nous paraissait un peu un
accord contre nature. Mais ceci a été lu par des relations, une relation secrète qui aurait eu, existé, entre
Twagiramungu et Mathieu, du moins d’après l’information que Pauline m’a donnée.
MD -Mais comment, là, justement, comment là on identifiait cette relation-là ? Est-ce que c’était des
gens qui socialement se visitaient, est-ce que c’était des gens qu’on voyait ensemble ? De quelle façon on
identifiait, de quelle façon on avait, on avait identifié qu’il y avait une relation entre ces personnes-là ?
JK -Il y a d’abord un fait. Le fait c’est qu’il y a eu effectivement association pour la nomination de
Faustin Twagiramungu, parce que là cette nomination, ne pouvait, ne pouvait pas avoir lieu si il y avait pas
l'accord du MRND. Et l’accord a été donné au détriment d’un candidat qui avait été présenté par le, le parti
MDR, notamment ma propre personne. Deuxièmement, heu, et c’est ça que les gens croient, parce que ça
ça n’apparaissait pas, on pense qu’il y avait un accord au niveau du heu... des institutions futures. Où, si
Faustin Twagiramungu devenait premier ministre, l’autre étant président du parti MRND), pouvait, en cas
de besoin, devenir président de la République.
MD -Oui.
PD -Ce.…. est-ce que c’est dans ce sens-là le secret que Madame Pauline vous donnait ?
TK -Elle ne m’a pas dit ça, maïs c’est mon interprétation.
PD -L’interprétation que vous faite.
JK -. que moi je fais du secret qui aurait pu exister entre les deux. Elle m’a parlé...
PD -Elle vous a mentionné qu’il existait un secret entre les deux ?
JK -Que, qu’elle. heu... parlé de Mathieu, quand ils lui ont posé la question, au niveau du comité de
son parti, pourquoi il acceptait une alliance avec un ennemi politique, qui disait qu’il y avait un secret entre
lui et Twagiramungu. C'était. ce secret n’ayant jamais été dévoilé, moi j’en ai tiré comme conclusion que
ce pouvait être un secret au niveau de la gouvernance du pays au sommet.
MD -Parce qu’au niveau des deux partis politiques, MRND ou MDR c'était. ni d’un côté ni de l’autre

on n’était d’accord avec, avec. avec le fait que ces deux personnes-là heu. peut-être. allaient,



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 14
entretenaient des ententes secrètes ?
JK -Oui.
MD -Parce que le MRND, le MRND), le pressait justement de se désolidariser, et c’était la même chose

du côté du MDR concernant Faustin ?

JK -Oui.
MD -Alors, alors.
JK -Parce que nous, nous, à l’époque on ne lui demandait d’aller se faire représenter par le, se faire

présenter au niveau du poste par le MRND), parce que nous, le parti avait déjà fait son choix d’un candidat,
et ce candidat a été refusé y compris par le MRND.

MD -Alors ça ça tendait à démontrer qu’effectivement il y avait, il y avait une entente, il y avait quelque
chose entre les deux hommes ?

JK -Oui. Nous l’avons toujours... au niveau du, du, du MDR nous avons toujours cru qu’il y avait une
entente entre les deux hommes.

MD -Etça viendrait de quoi cette entente ? Ça viendrait d’où, de quel, de quelle raison, est-ce que, est-ce
qu’on en discutait ? C’est pas, c’est pas arrivé soudainement, comment ça se fait que ces deux gens-là, ces
deux personnes-là s’entendaient de cette façon-là ? Est-ce qu’on a déjà fait des, des, laissé entendre... les
raisons qui pouvaient les lier ensemble ?

K -C’est ce que je viens d'expliquer, pour...

MD Politiquement oui, politiquement oui, on, on... mais est-ce qu’il y avait, est-ce qu’il y avait autre
chose que ça ?

JK -Moi je ne connais pas autre chose que ça. Je ne vois pas d’autres raisons à part des raisons
politiques qui auraient pu les... les unir.

MD -Ok. Parce que là on dit, quand on dit que il y aurait eu un secret existant entre les deux, le secret
se serait un secret politique ?

JK -C’était un secret politique.

MD -Ce serait au niveau de leur carrière ou de leur plan politique ?

JK -Oui.

PD -Est-ce qu’il existait quelqu'un en 94, là, pendant la période génocidaire, de plus influent sur les
Interahamwe que Monsieur Mathieu Ngirumpatse, au Rwanda ?

JK -Non, je ne le connais pas, dans la mesure où ça a été une émanation de lui. J’ai, j’ai eu à l’expliquer,

la conception des Interahamwe a été initiée par Gasana Anasthase qui était à l’époque conseiller au, au



T2k7462 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 15


K0055715

niveau du MRND quand c’était encore le parti unique. Gasana Anasthase est de la même région que
Mathieu Ngirumpatse, donc e’était pour lui qu’il a initié ce, ce, ces jeunes Interahamwe. Donc le président
Habyarimana ne contrôlait pas nécessairement lui-même cette organisation de la jeunesse,

PD -Puis la personne qui la contrôlait c’était le, le président du parti, c’était Mathieu ?

JK -Oui.

PD -Est-ce qu’il existe, il existait un lien direct que vous vous avez pu voir comme premier ministre,
un exemple direct que vous auriez pu voir comme premier ministre qui tend à... dont vous avez été témoin,
qui confirme cette, cette pensée-là ?

K -Peut-être pas directement mais en discutant avec certaines, certaines personnes notamment du,
parmi les Interahamwe, j’ai compris que eux, leur chef direct c’était... Ils rendaient des comptes au président
du MRND.

PD -Ok. Est-ce que vous avez en mémoire le nom des personnes auxquelles vous avez discuté, qui vous
auraient amené ça, puis la période pendant laquelle vous en auriez discuté, qui vous aurait confirmé ça, que
c’était Monsieur Mathieu qui était le, leur chef ?

JK -La discussion en profondeur que j’ai eue avec Niyitegeka Dieudonné, sur le, disons des
Interahamwe, m’a montré ça, et c’était en juillet 97, quand j'étais, non avant juillet 97, à Nairobi.

PD -Puis. de la conversation que vous avez eu avec cette personne-là...

K -Mais ça c’était, là, c’était juste pour une confirmation puisque les, l'impression je l’avais déjà bien
avant. Durant toute la période entre avril et juillet 94 j’avais déjà cette impression. Mais j’ai eu la
confirmation de la part de, d’un trésorier national du, des Interahamwe, que effectivement leur chef c’était
Mathieu.

PD -Ok. Lorsque. lorsque vous aviez cette impression-là, vous avez eu la confirmation en 97, mais
pendant que vous étiez premier ministre, est-ce que vous avez eu des faits qui ont pu confirmer cette chose-
là?

JK -Je n’ai pas en mémoire des faits précis pour l'instant, mais certainement que. je n’ai pas eu cette
impression en l’air, c’est qu’il y a eu certainement des faits dont je ne me rappelle plus.

PD -Ok, que présentement vous avez pas en mémoire. Vous associez Monsieur Mathieu avec le colonel
Bagosora, l'association que vous en faite c’est par une nomination suite à la mise en retraite et tout ça c’est
peut-être un peu... un peu compliqué, c’est. j'aimerai ça que vous nous expliquiez un peu comment,
comment Mathieu peut influencer Le parti pour que Monsieur Bagosora soit placé directeur de cabinet, quel,

quelle force a le président du parti pour pouvoir placer quelqu’un comme ça ?



T2Kk7462 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 16


K0055716

JK. -Ayant été moi-même dans le comité, heu, directeur provisoire d’un parti, ayant été dans le bureau
politique d’un parti, je sais comment les nominations au niveau des postes politiques sont faites. Donc au
niveau, dans le gouvernement. Donc, au niveau du gouvernement, il y a le ministre, et puis ce qu’ils
appelaient un cabinet politique composé du directeur de cabinet et de trois conseillers. Les quatre personnes
sont des politiciens. Ce ne sont pas des techniciens, ce sont des politiciens. Parce qu’ils changent au moment
où le gouvernement change, et c’est le parti qui les nomme, donc ils ne sont pas nommés par quelqu’un
d’autre que par le parti, et qui dit parti dit son président, dit son comité directeur, et son bureau politique.
Tous les trois étant, étant présidés par le président du parti.

PD -Au moment où Monsieur Bagosora est retraité, Monsieur Mathieu est président du MRND ?

TK -Oui.

PD -Ok. Lui, c’est lui qui peut nommer le directeur adjoint ?

JK -Le directeur de cabinet.

PD -Le directeur de cabinet, pardon.

JK -C’est le parti, disons, pour ne pas parler de l’individu comme tel, c’est le parti MRND qui, qui peut
nommer un directeur de cabinet dans un ministère qui lui revient. Qui est le ministère de la Défense.

PD -Le ministère de la Défense a toujours appartenu au MRND ?

JK -Oui. Si on vous. par exemple quelqu’un du MDR ne pouvait jamais s’imaginer être nommé
directeur de cabinet ou conseiller au ministère de la Défense. Parce qu’il fallait qu’il soit proposé par le parti
MRND, proposé et accepté par le parti MRND.

PD -Est-ce qu’il est permis pour les militaires de, d’être membres d’un parti politique ?

JK -Il n’est pas permis pour les militaires d’être membres d’un parti politique théoriquement. Dans la
pratique on a eu des militaires qui avaient des sympathies pour des partis politiques, même des partis
politiques autres que le MRND, donc on connaît des cas d'officiers qui vous, qui vous affirmaient qu’ils
ont des sympathies pour tel ou tel autre parti politique. Par contre pour son cas précis, lui, en tant que
retraité, il n’est plus considéré comme militaire actif, donc il peut être admis dans un parti politique, il peut
faire partie, il peut faire de la politique en tant que retraité militaire.

PD -Lorsqu'il devient retraité, il devient citoyen à part entière, et peut être membre d’un parti politique.
JK -Oui, là, il fait... il peut-être dans un parti, nous même au niveau du MDR nous avions un colonel
retraité qui était membre de notre parti. Qui était le colonel Ndenda [phonétique].

PD -Ok.

MD -Quelle période s’est écoulée entre sa mise à la retraite et sa nomination au ministère de la Justice



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 17


0955717
[sic] ?
JK -Je ne peux pas préciser s’il y a eu une période mais moi j’ai eu l’impression que ça s’est fait
simultanément, je n’ai pas entendu de période où il est resté en retraite sans être soit au niveau du ministère
de la Défense, soit commandant du camp qu’il gérait auparavant, de Kanombe.
MD -Est-ce que c'était commun que des militaires étaient nommés à des postes comme ça, au sein du
gouvernement ?
JK -Non, parce qu’on a vu que d’autres militaires qui ont été à la retraite en même temps ou avant lui
étaient tout simplement à la retraite.
MD -Est-ce que vous connaissez d’autres militaires qui auraient été nommés dans des postes importants
au gouvernement ?
JK -Moi je ne.
MD -Ou vous avez entendu parler ?
JK -Dans, dans des postes aussi importants je n’en connais pas.
PD -Justement, est-ce que vous pouvez relativiser le. le rang que le directeur de cabinet du ministère
de la Défense peut avoir dans le gouvernement rwandais ? Quelle est sa force ?
JK -Au niveau du ministère, il... la tête c’est le ministre bien-entendu, et puis le deuxième personnage
c’est le directeur de cabinet. Mais en réalité, la gestion quotidienne du ministère c’est le directeur de cabinet
dans la mesure où aucun dossier ne peut arriver au ministre sans passer par le directeur de cabinet.
PD -Si on veut préparer, armer, c’est par lui qu’on doit passer ?
JK -Non, aucun dossier ne peut arriver au ministre sans passer par le directeur de cabinet. Si, s’il faut
recruter, s’il faut heu acheter les armes, pour parler concrètement, au ministère de la Défense, il a donc tous
les dossiers doivent passer par, dans les mains du directeur de cabinet.
MD -Quand... oui, tout à l’heure je parlais du ministère, j’ai parlé du, j”’ai mentionné Justice mais je
voulais dire Défense bien entendu. Parce que c’est... il était, il était au ministère de la Défense.
JK -Non, Mathieu n’a jamais été au ministère de la Défense.
MD -Non, je parle de Bagosora.
JK -Bagosora oui.
MD -Alors pour, pour obtenir, pour obtenir une nomination, heu, aussi importante, il faut [inaudible] ?
JK -En ce qui concerne mon parti c’est oui. Parce que dans mon parti vous ne pouviez pas être directeur
de cabinet dans n’importe quel ministère qui nous appartenait sans que vous, vous soyez apprécié par le,

notre parti. Et j’imagine que ça devait être la même chose pour les autres partis politiques, parce que c’était



T2k7462 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 18


0055718

un poste politique, c’est bien précis, c’est défini comme un poste politique donc c’est pas un poste
technique.

11 faut que vous, vous adhériez au parti, ou aux idées, à la ligne du parti pour accèder dans les postes du
parti.

PD -Est-ce qu’il y a déjà eu un statut spécial ou une reconnaissance spéciale de ce poste-là, du directeur
de cabinet du ministère de la Défense dans votre... dans les gouvernements au Rwanda ?

JK -Auparavant, c’est à dire avant le multipartisme, quand le président Habyarimana était encore
ministre de la Défense, en même temps que président de la République, il y avait un directeur de cabinet
au ministère de la Défense qui en réalité faisait office de ministre dans la mesure où le président était
président. Donc, pendant pratiquement une vingtaine d’années, le directeur de cabinet au ministère de la
Défense était le ministre de la Défense. Le président de la République n’était là que pour signer, maïs la
gestion courante revenait au directeur de cabinet au ministère de la Défense.

PD -Ce privilège-là..

JK -C’était un privilège uniquement du ministère de la Défense.

PD -.… est tombé avec...

JK -Mëme le titre, même le titre de directeur de cabinet, c’était un titre qui était réservé à l’époque au
ministère de la Défense.

MD -Ahoui?

JK -Oui.

PD -Ok, puis ce privilège-là est tombé avec le...

JK _-Ilest tombé avec le multipartisme et la nomination du ministre de la Défense.

MD -Alors on peut, on peut dire que Bagosora, dans le poste qu’il occupait était, était un homme qui
pouvait avoir beaucoup de pouvoir si on Le, si on le lie au président du parti ?

JK -De... les pouvoirs il les avait disons de par la nature du poste qu’il occupait, c’est à dire que le
ministre de la Défense c’était un civil. Donc qui ne pouvait pas connaître tous les rouages de... militaires.
Son directeur de cabinet, donc le second, lui c’était un militaire, donc c’est lui qui maîtrisait techniquement
tout ce qui concernait...

PD -Lequel ?

TK -Le, le. dans la Défense, donc lui c’était un haut politicien, comme ministre, mais tous les aspects
techniques de la Défense étaient dans les mains de Bagosora. Et en plus, comme il était du... proche du

MRND), il était effectivement puissant. Donc sa puissance elle ne lui vient pas nécessairement du, de sa



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 19




K0055719

relation avec le président du parti, mais du fait d’être au ministère de la Défense.

PD -Si on revient à la défense civile, aux Interahamwe, aux groupes de civils armés, vous mentionnez
ici dans votre déclaration que vous lui aviez demandé de, d’aller à la radio nationale pour dire qu’il
cautionnait pas les massacres.

TK -Oui.

PD -Est-ce que c’est quelque chose qu’il a fait ?

JK -Je sais que...

PD -A votre connaissance ?

JK -Je sais qu’il est intervenu sur la, la radio mais il n’y a pas eu de condamnation, il y a pas eu une
condamnation disons des, des Interahamwe qui massacraient les populations civiles à l’époque.

PD -Est-ce que ses propos ont été heu... repris comme incitation ou si ils ont été interprété comme une,
de la modération, à cette époque-là, je m’entends ?

K -Ça me surprendrait que ça puisse avoir été interprété comme modération, personnellement je ne
les ai pas interprété comme modération, parce que je, je, je ne m’en rappelle pas le contenu exact, mais ça,
le contexte dans lequel ça s’est passé, je n’ai pas, je me rappelle pas avoir entendu une condamnation alors
que c’est de ça qu’on devait entendre le président du parti MRND), qui était censé être le, disons le, le chef
suprême des Interahamwe.

PD -Est-ce qu’il a été clair, est-ce que vous avez en mémoire la demande que vous lui avez faite,
comment vous l’avez faite ?

JK -A l’époque, au niveau des massacres, les... certaines personnes se sentaient mal à l’aise, avec la
situation qui était dans le pays, et j’ai eu des discussions avec certaines gens, qui m’ont indiqué que,
clairement que le groupe qui massacrait ce sont des Interahamwe. Et que lui...

PD -Lorsque vous dites certaines personnes, est-ce que vous avez en mémoire des noms ?

XK -Je n’ai pas. les seuls noms que j’ai ce sont les responsables de mon parti politique, parce que,
dépendant des partis politiques, ce sont eux qui pouvaient, disons, ouvertement me parler et me, me, me
donner des conseils, les responsables à l’époque c’était Karamira et le docteur Donat Murego. Je ne me
rappelle pas si c’est Karamnira qui me l’a dit mais je sais que le docteur Murego me l’a demandé et m’a dit,
ilm’a demandé de faire intervenir le président des Interahamwe, que c’est le seul qui peut donner ordre aux
Interahamwe pour qu’ils cessent les massacres de populations civiles.

MD -Alors selon ce qui était connu, Mathieu avait le pouvoir d’ordonner aux Interahamwe...

JK -Oui.



T2k7#62 du 18/05/98. _-2 juillet 1998 (17h12) 20


K0055720

MD -… de cesser les massacres ?

JK -Oui. Alors, comme les... j’ai eu une impression qu’au niveau des partis politiques et même des
politiciens en général, on craignaït, disons de dire des choses telles qu’elles étaient réellement, je crois que
c’est pour cela que, en tant que premier ministre, on est passé par moi pour me dire “vous, vous pouvez
peut-être l’interpeller en tant que premier ministre et lui demander d’intervenir”. Moi-même, je, je ne
pouvais pas, peut-être, forcer ou lui dire des choses telles que réellement ça se passait, mais je, je sais que
je suis intervenu auprès de lui, pour lui demander d’intervenir, personnellement, pour que il... il donne
l'orientation aux Interahamwe qui étaient sur les barrières. Ça je, ça je me souviens l’avoir fait.

PD -Ok, on va essayer, on va essayer de, de, d’entrecouper ce passage-là, est-ce que vous avez en
mémoire la convocation que vous lui avez faite ?

JK -Ça veut dire ?

PD -Est-ce que vous, est-ce que c’est une convocation officielle, comme premier ministre vous avez dit
“venez me voir à mon bureau” ?

XK -Ça je ne pouvais pas faire, je dois dire que, à l’époque, je, en tant que président du MRND), et
président des Interahamwe, je n’aurai pas eu le courage de le convoquer de cette manière-là.

PD -Ok, est-ce que c’était quelqu’un que vous considériez, dans ce cas-là, supérieur à vous ?

JK -Oui, c'était quelqu’un qui était supérieur, je ne le considérais pas, je sentais qu’il était supérieur
à moi.

MD -Et puissant ?

JK -Plus puissant que moi. C’est un fait.

PD -Ok. Alors, pouvez-vous nous expliquer, physiquement, comment s’est produit la rencontre ?
JK -En ce qui me concerne je ne me rappelle pas des détails disons de la rencontre, mais je sais que j’ai
eu des entretiens avec lui.

PD -Des entretiens ? Donc vous...

JK -J'ai eu d’autres entretiens et un entretien.
PD -Un.…
TK. spécifiquement sur le sujet. Et que donc j’en ai parlé directement à lui.

PD -Ok. Les propos que vous avez tenus, est-ce qu’il pouvait y avoir interprétation, est-ce que lui a pu
interpréter, dans les propos que vous lui avez tenus, que ça c’était tout simplement un message d’incitation
que vous vouliez qu’il fasse ou si ça a été très clair, si vous avez été très direct dans votre demande ?

JK -Non, si c’était un message d’incitation je n’aurai pas, je ne l’aurai pas convoqué. Donc pour moi,



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 21


K0055721

il n’a, il n’a pas dû interpréter comme je... j’ai discuté avec lui pour qu’il fasse un message de, de, disons
de d’incitation. C’était tout au début des massacres et je crois que la... personnellement je croyais que les
gens avaient la bonne foi, c’est l’impression que je me faisais, que les gens avaient la bonne foi et
cherchaient effectivement à trouver des solutions les plus durables, à l’époque, c’est dans ce sens-là que je
l'ai convoqué, c’était tout au début, au mois de, de, du mois d’avril.

PD -Ok. Est-ce que vous vous souvenez si, en mémoire, si vous avez en mémoire si cette convocation
portant spécifiquement à ça, si ça avait eu lieu à Kigali ou à Gitarama ?

JK -C’était à Gitarama. A Kigali, on n’a pas eu le temps de discuter et puis à... à Kigali je n’avais pas
encore vu, je ne savais pas exactement ce qu’il se passait. Donc ce n’est que arrivé à Gitarama que j’ai
commencé un peu à... à réellement prendre mes fonctions et à comprendre ce qui était en cours dans le pays.
MD -Quand vous parlez de bonne foi, vous croyez à ce moment-là que Mathieu avait bonne foi, pouvait
avoir la bonne foi, dans ce sens-là, qu’il était un homme qui pouvait être raisonné ?

JK -Parce que. au début quand moi j’ai été nommé premier ministre, je ne me suis pas considéré
comme un homme qui, qui, qui est nommé pour aller faire les massacres, je me disais que je suis un homme
qui est nommé pour être premier ministre de tout le pays et de, pour amener la paix et la sécurité et c’était
les objectifs qui avaient été assignés au gouvernement, et c’est ça, c’est dans ce cadre-là que moi j’ai, je
disais. je mettais ma bonne foi, en disant, on m’a donné trois objectifs, ramener la sécurité dans le pays,
négocier pour que, avec le FPR pour la remise en application des Accords de paix d’Arusha et puis assurer
la, la survie de la population etc., m’occuper des réfugiés, et c’est ça ma bonne... c’était ça ma bonne foi.
MD -Votre bonne foi à vous ?

JK -Oui. J’imaginais, et je présumais que tout le monde, tous les responsables politiques étaient là pour
coopérer, pour collaborer à cette, à cette ligne.

MD -Par contre vous connaissiez le pouvoir de Mathieu sur Les Interahamwe à ce moment-là, vous saviez
qu’il avait le pouvoir parce que vous étiez prêt à discuter avec lui et comment expliquez-vous le fait que
de lui même il ne pouvaïit pas faire cette démarche ? Que de lui-même, que de lui-même il n’intervenait pas
pour empêcher les Interahamwe de procéder aux massacres ?

JK -Ça je ne peux pas dire que je me l’explique. Mais le. en tant que premier ministre, je me devais
de le lui demander...

MD -D’accord.

JK —.. parce que la, la direction, la gestion du, de la chose publique me revenait donc la, la sécurité de

la population me revenait, lui il pouvait toujours dire “moi je ne suis qu’un président d’un parti politique”



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 22
K0O055722

et moi je ne pouvais pas dire “le président de la Répub.. du, du, le président d’un parti politique n’avait
qu’à faire cette opération”, ça revenait au gouvernement de le faire.

MD -Mais vous aviez la conviction qu’il ne faisait pas, il ne prenaît pas de lui-même cette action-là.…..
JK -Oui.

MD -….ilne le faisait pas.

JK -Là c’est certain puisque sinon je ne le lui aurait pas dit, s’il l’avait fait je ne le lui aurait pas dit. Il
ne l’avait pas fait.

MD -Si vous avez décidé d’intervenir et de, de lui demander d’inter... de, de, d’intervenir auprès de
l’Interahamwe c’est parce qu’il ne... même s’il avait le pouvoir de le faire, il ne le faisait pas.

JK -Non, il ne le faisait pas, c’est certain. Parce que s’il l’avait fait je ne le lui aurait pas demandé de
le faire. Et j'étais convaincu que lui il pouvait le faire effectivement, que c’est. puisqu'il fallait identifier
la personne qui, qui aurait pu se faire obéir par les Interahamwe qui étaient sur les barrières.

MD -Est-ce que vous le connaissiez heu Mathieu, avant votre réunion politique ? Est-ce que comme
individu, individuellement, comme individu est-ce que vous le connaissiez ? Vous l’aviez déjà rencontré
?

JK -Je l’ai rencontré, je l’ai toujours rencontré dans le cadre politique, je ne l’ai jamais rencontré
comme individu.

MD -Comme individu, jamais rencontré.

JK -Jamais.

MD -Alors vos rencontres que vous avez eues avec lui, c’est après être devenu premier ministre ?
JK -Non. J’avais eu des entretiens avec lui dans, dans un cadre que je vous ai décrit, quand on, quand
il a été question de remplacer le gouvernement d’Agathe Uwilingiyimana avant février 94. C’est à cette
période-là que j’ai appris à le connaître. Et à mesurer un peu sa puissance.

MD -Votre.. vos relations étaient quand même assez cordiales, vous aviez pas différends, excepté des
différends politiques, parce que vous étiez pas membres du même parti, au niveau des idées politiques, vous
étiez opposés, mais comme, quand vous aviez des rencontres [inaudible], on va continuer sur le...

PD -Avez-vous besoin de vous absenter ?

JK -Oui.

PD -Oui. Ok.

MD -Fifteen fifty-one. Ok.

PD -Ceci va mettre fin à l’enregistrement du ruban numéro 62.



T2k7#62 du 18/05/98. -2 juillet 1998 (17h12) 23
Fin de la face B de la cassette # 62.

KON55723



T2k7#62 du 18/05/98.

-2 juillet 1998 (17h12)

24
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024