Fiche du document numéro 21774

Num
21774
Date
Jeudi 12 mars 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
477195
Pages
1
Surtitre
Carnet
Titre
Le Père André Sibomana
Soustitre
Un « juste » dans le génocide rwandais
Nom cité
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Nom cité
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Lieu cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
ANDRÉ SIBOMANA, prêtre rwandais et militant des droits de l'homme, lauréat du prix Reporters sans frontières-Fondation de France (1994), est mort, lundi 9 mars, à Kigali (Rwanda), des suites d'une hyperallergie, à l'âge de quarante-trois ans.

S'il avait survécu aux massacres du printemps 1994 dans son pays, André Sibomana ne s'était jamais rétabli de la tragédie du Rwanda. Ancien directeur de Kinyamateka, le plus influent journal catholique, cofondateur, en 1991, de la principale association de défense des droits de l'homme (ADL), la mort lui était familière. Son proche collaborateur, un prêtre croate, a été assassiné le 31 janvier. Il n'en appréciait que plus le prix de la vie. Depuis quatre ans, il était obsédé par la recherche de la vérité, par la question de la participation de chrétiens au génocide, par un triple devoir de mémoire, de justice et de réconciliation.

C'est à Jérusalem, après une visite au mémorial de Yad Vashem, qu'André Sibomana entamait un livre d'entretiens qui vient de sortir en France sous le titre Gardons espoir pour le Rwanda (entretiens avec Laure Guilbert et Hervé Deguine, préface de Noël Copin, chez Desclée de Brouwer). Hanté par le rapport entre la Shoah et la tragédie de son pays, il écrit : « L'incroyable horreur du crime de génocide, c'est qu'on ne vous reproche rien d'autre que d'être né. » Il exprime son horreur pour les hommes qui tuent « avec jubilation » et témoigne : « Ils n'écrasaient plus des crânes avec la crosse de leur fusil : ils piétinaient la vermine. Tuer un homme est un crime ; éliminer la vermine, une vertu ménagère. »

CAMPAGNE DE DÉNIGREMENT

André Sibomana était né en 1954 à Gitarama, dans le sud du pays. C'est à l'Institut de la communication de la faculté catholique de Lyon qu'il apprend son métier de journaliste. A son retour, en 1988, il est nommé par l'épiscopat à la tête de Kinyamateka, fondé en 1933 par les Pères blancs. ll deviendra le « père » d'une génération de journalistes, dont beaucoup périront lors du génocide. Hutu, il dénonce les excès du régime Habyarimana, dont l'assassinat, le 6 avril 1994, devait déclencher les massacres.

Réfugié dans la région de Gitarama, il veut dépasser la haine interethnique et, dira-t-il, « traiter chaque homme pour un homme ». Il sauve des Tutsis et s'attire la violence des Hutus extrémistes. Certains de ses proches, trois évêques, des dizaines de prêtres et de religieux sont tués. André Sibomana refusera toujours de quitter son pays et, en juin 1994, il est nommé par le Vatican administrateur apostolique de l'évêché de Kabgayi.

Grâce à Caritas et Reporters sans frontières, son journal renaît en décembre 1994. André Sibomana y dénonce les abus du nouveau pouvoir du FPR (Front patriotique rwandais), les lenteurs de la justice, les violences des forces de l'ordre. Si sa notoriété internationale le protège d'une arrestation, une campagne de dénigrement se développe contre lui. L'ironie du sort veut qu'elle soit animée par des catholiques, ceux du groupe français contestataire Golias, abusés dans leur dessein d'accabler l'Eglise par African Rights, dissidence de l'organisation humanitaire Human Rights Watch. Jamais Golias ne sera en mesure de prouver ses odieuses accusations de participation au génocide portées contre le Père Sibomana. Son enquête se révèle un tissu de mensonges.

Malgré le climat de règlements de comptes à Kigali, André Sibomana ne fera jamais l'objet d'une seule inculpation et sera lavé de tout soupçon après une enquête et un rapport de Reporters sans frontières, intitulé « La Désinformation au Rwanda. Enquête sur le cas Sibomana ». Le harcèlement n'en continue pas moins. En 1996, comme nouvel évêque de Kabgayi, le Vatican lui préfère un Tutsi sans envergure. Puis il est éloigné de la direction de son journal.
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