Fiche du document numéro 21549

Num
21549
Date
Lundi 23 avril 2001
Amj
Fichier
Taille
105030
Pages
2
Surtitre
International
Titre
Le rôle des médias et de la rumeur
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le procès des quatre Rwandais, poursuivis pour crimes de droit international pour des homicides commis dans le cadre du génocide rwandais de 1994, s'est poursuivi lundi après-midi par quatre témoignages. Ceux-ci ont permis d'éclairer la Cour d'assises sur le rôle des médias et des journalistes dans le génocide, l'importance de la notion d'accusation en miroir et de la rumeur.

Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier, respectivement du CNRS et de Reporters Sans Frontières (RSF), ont mené en septembre 1994, une étude sur les journalistes éliminés lors du génocide.

Quelque 50 journalistes rwandais sur les 100 que comptait la profession avant les événements ont été tués. « Il s'agit de la moitié du nombre de journalistes tués dans le monde tous pays confondus pour la même année », a indiqué Jean-François Dupacquier.

Les deux hommes ont également mis l'accent sur la méthode d'accusation « en miroir » utilisée lors du génocide. Cela consistait à accuser l'adversaire ou supposé adversaire de crimes que l'on allait commettre contre lui.

Faustin Twagiramungu, Premier ministre du gouvernement rwandais entre le 19 avril 1994 et le 28 août 1995, s'est présenté devant la Cour comme le principal initiateur du parti Mouvement démocratique républicain (MDR), se prévalant des liens historiques avec le MDR Parmehutu (mouvement des masses hutues né dans les années 50).

C'est dans le cadre de ce parti qu'il a été amené à rencontrer l'accusé, Vincent Ntezimana. Ce dernier s'était présenté à la Cour comme appartenant à une des trois branches issues du parti MDR dont il se serait inspiré pour fonder le PRD. Pour l'ancien Premier ministre, son parti ne s'est scindé qu'en deux tendances: l'une qui souhaitait poursuivre le processus de paix avec la Front patriotique rwandais (FPR), l'autre extrémiste (pro-hutus anti-FPR et anti-Tutsis).

M. Twagiramungu ne considérait pas M. Ntezimana comme un extrémiste Hutu-Power. L'ancien Premier ministre a également eu l'occasion de rencontrer Alphonse Higaniro lorsqu'il était ministre des Transports. Le fait que son beau-père était médecin du président Habyarimana n'a aucune importance à ses yeux.

Militant des droits de l'Homme dans son pays, Joseph Matata a quant à lui effectué des enquêtes à Kigali entre août et décembre 1994. Il a signalé des massacres organisés cette fois par le FPR. Il a, selon lui, dû fuir son pays pour la nature de ses enquêtes. Il a mis l'accent sur ce qu'il a appelé le « phénomène de délation » et la mise en place de véritables syndicats de délateurs dans les camps de rescapés et dans les villages après le génocide.

« Ce phénomène rend difficile une justice sereine dans notre pays », a-t-il indiqué. Il a parlé de « rumeurs qui persistent et qui entrent dans la tête des gens », précisant que certains témoins allaient se contredire devant la Cour car ils n'avaient pas leur place ici. Selon M. Matata, un processus de rumeurs s'est engagé et ces rumeurs sont aussi à la base de ce procès.

A la demande de la défense, il a expliqué qu'il était tout aussi difficile pour une personne de témoigner en faveur de quelqu'un que contre lui. « Si vous défendez un génocidaire, c'est que vous l'êtes aussi », a-t-il rétorqué.

Réagissant à ces propos, Me Michèle Hirsch, avocate des parties civiles, lui a demandé d'expliquer ce qu'il appelait « des rumeurs à la base de ce procès ». Le témoin a indiqué que lorsqu'il avait recueilli des témoignages dans les cachots de la gendarmerie de Butare, Vincent Ntezimana ne faisait pas l'objet d'accusation. « C'est seulement après la campagne de médiatisation ici que des dénonciations ont commencé », a-t-il conclu. (BELGA)
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