Fiche du document numéro 21188

Num
21188
Date
Mercredi 21 juin 2006
Amj
Auteur
Fichier
Taille
143153
Pages
2
Urlorg
Titre
Une prime au mercenariat
Sous titre
Comores. Nouveau sursis pour Bob Denard, poursuivi pour son rôle dans le putsch perpétré par des mercenaires français en 1995
Nom cité
Nom cité
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris rendait hier son jugement concernant vingt-sept prévenus, dont Bob Denard (cinq ans avec sursis), poursuivis pour une « tentative » de coup d'État aux Comores en 1995. Expression discutable puisque, à l'issue des événements, le pays s'est retrouvé avec un nouveau président ; c'est donc de coup d'État mené à son terme qu'il faut parler, même si un certain partage des rôles entre mercenaires et services français permettait à Paris de sauver les apparences.

Bob Denard et ses complices étaient accusés « d'association de malfaiteur », pour l'arrestation et la séquestration de Saïd Mohamed Djohar, président des Comores, lors d'une opération qui s'était déroulée du 27 septembre au 4 octobre 1995. Les forces françaises étaient alors intervenues pour, théoriquement, mettre fin au putsch, interpellant les mercenaires avant de les ramener en France. Simultanément Djohar était expédié à la Réunion où il était « hospitalisé » contre son gré. Ce qui lui faisait alors déclarer : « Je suis en bonne santé. Rien ne cloche. Mon retour dépend de ceux qui m'ont amené ici. Je ne sais pas si je suis en exil ou si je suis déporté. Il y a eu une mise en scène, un jeu que je n'arrive pas à comprendre. » Pourtant l'expérience aurait dû l'instruire : lui-même était arrivé au pouvoir grâce à un coup d'État où services français et Bob Denard avaient déjà été cités. Ce jugement constitue « une prime au mercenariat », s'est exclamé Me Larifou, avocat de la famille de Djohar.

L'opération Denard a « servi de prétexte à la France pour pouvoir intervenir et destituer un président », a plaidé Me Elie Hatem, avocat du vieux « chien de guerre » professionnel, expliquant que son client était « le bouc émissaire ». Étant donné la mansuétude à répétition de la justice à son égard (voir l'acquittement de Bob Denard par les assises de Paris en mai 1999, pour un autre coup d'État comorien, perpétré en 1989, cette fois avec assassinat à la clé du président de l'époque, Ahmed Abdallah), l'expression « homme de paille » conviendrait mieux. Bob Denard avait désigné un éphémère directoire politique (il ne durera que 48 heures) coprésidé par Mohamed Taki. Lequel sera « élu » président en mars 1996, conclusion logique de cette énième pantalonnade barbouzarde...

Lors du procès, l'un des lieutenants de Denard, Dominique Marciano, avait d'ailleurs confirmé que l'opération avait reçu « l'aval de la cellule africaine » de la présidence française. Et, pour bien faire comprendre ce que parler veut dire, l'ancien ministre Michel Roussin répétait, lors de l'instruction, que les services secrets français utilisaient parfois des unités militaires parallèles « pour certaines missions », précisant que Bob Denard était, dans les années quatre-vingt, « en prise directe avec les services »...

Jean Chatain
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