Fiche du document numéro 19154

Num
19154
Date
1950
Amj
Auteur
Fichier
Taille
18705928
Pages
137
Surtitre
Au pays du Mwami Mutara III Charles Rudahigwa
Titre
Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda
Soustitre
Dans l'Afrique centrale, région du lac Kivu, une des sources du Congo et du fleuve Kagera, la source du Nil
Nom cité
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Nom cité
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Source
Fonds d'archives
Commentaire
The word mututsi (plural batutsi), is a foreign word called Delmas.
Type
Livre
Langue
FR
Citation
THE LIBRARY
OF
THE UNIVERSITY
OF CALIFORNIA
LOS ANGELES

LÉON DELMAS
DES PÈRES BLANCS

AU PAYS DU MWAMI
MUTARA III CHARLES RUDAHIGWA

GENEALOGIES
LA NOBLESSE

(LES BATUTSI)

DU RUANDA.



Cinquantenaire de l'arrivée au Ruanda
des Pères Blancs du Cardinal Lavigerie
1900 - 1950



Vicariat Apostolique du Ruanda
Kabgayi.



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in 2015



https://archive.org/details/genealogiesdelanOOIeon



LÉON DELMAS

DES PÈRES BLANCS

AU PAYS DU MWAMI
MUT ARA in CHARLES RUDAHIGWA.




( LES BATUTSI )

DU RUANDA.


DANS L'AFRIQUE CENTRALE
RÉGION DU LAC KIVU,
UNE DES SOURCES DU CONGO ET DU FLEUVE KAGERA,
LA SOURCE DU NIL.




Cinquantenaire de l'arrivée au Ruanda
des Pères Blancs du Cardinal Lavigerie
1900 - 1950



Vicariat Apostolique du Ruanda
Kabgayi.



7



PREFACE.



Une poignante émotion m'étreint au moment où j'entame la rédaction de ces li-
gnes: le Révérend Père Léon Delmas n'est plus!

Il était venu, il n'y a guère, me faire une brève visite pour m' annoncer l'achèvement de la monographie qu'on va lire et me demander de bien vouloir la présenter au public. J'étais loin de pressentir que cette entrevue était notre ultime rencontre.

Missionnaire dans toute la force du terme, il appartenait à cette héroïque phalange partie à l'aube de ce siècle pour s'enfoncer hardiment au coeur d'une Afrique
jusqu'alors hermétique, afin de l'arracher aux vaines terreurs d'un paganisme haineux
et sans âme.

Dieu a voulu rappeler à lui ce fidèle ouvrier, qui inlassablement consacrait le
meilleur de soi-même à répandre parmi les Banyarwanda les consolantes lumières de la
Foi et le rayonnement de son inépuisable charité.

Dès que son ministère lui accordait quelque répit, il s'appliquait avec la sereine patience d'un bénédictin, à recueillir, à vérifier, la prodigieuse somme de matériaux qui devait lui permettre, un jour, d'offrir le remarquable travail auquel il se consacrait silencieusement depuis de nombreuses années : la généalogie complète des clans batutsi du Ruanda.

Labeur obscur, ingrat et de longue haleine, comme toutes les recherches ethnographiques qui entendent éviter l'écueil des résultats superficiels plus préoccupés de satisfaire la curiosité du lecteur que d'enrichir ses connaissances. Non. le Père Delmas ne s'est jamais proposé d'éblouir par le recours aux artifices faciles, dont on ne trouve hélas ! que trop d'exemples dans une récente littérature pseudo-scientifique. Sa modestie et sa probité intellectuelle s'opposaient à la poursuite d'un pareil but. Il le proclame sans ambages lorsqu'il écrit dans l'Introduction :

«Ces notes n'ont pas de prétention scientifique. Elles ont été glanées à l'avenant
«des circonstances, en de nombreux points du Ruanda pendant notre vie de
«missionnaire de 1905 à 1950.

Nous nous trouvons donc en présence d'une exploration opiniâtre et méthodique
des origines lointaines des diverses familles, qui aujourd'hui peuplent cette terre

1134J-33



combien curieuse où nait le Nil

Toute la sourde gestation d'où devait jaillir l'organisation sociale du Ruanda vit
sous sa plume alerte lorsqu'il évoque l'aube, tantôt légendaire, tantôt historique, des clans
patriciens du Pays. Hallucinante fantasmagorie où les ombres de paladins impétueux et
implacables s'agitent ou s'affrontent dans une atmosphère tumultueuse d'âpre rivalité,
édifiant ainsi une épopée digne de nos vieilles chansons de geste.

Les tables généalogiques constituent la partie technique de cette longue étude ;
leur froide minutie pourrait rebuter d'aucuns. Nous leur répondrons qu'à l'instar d'un recensement, la généalogie est un dénombrement c'est dire qu'elle ne souffre ni omission, ni défaillance.

En bref, le Père Léon Delmas nous laisse une oeuvre magistrale, où tous ceux qui
ont choisi la noble mission de guider les Banyarwanda sur la voie ardue du Progrès
trouveront de précieuses informations en s'évitant la peine de laborieuses et parfois décevantes investigations. A certains d'entre eux, elle ouvrira des horizons nouveaux en leur
dénonçant le passé et les surprenantes institutions d'un peuple, sevré depuis des siècles
de tout contact extérieur.

"Ex Africa semper aliquid novi„ s'écriait déjà Pline l'Ancien,..,

Georges SANDRART

, , , Résident du Ruanda,



AVANT PROPOS
DU PREMIER ESSAI DE CE TRAVAIL FAIT EN 1942.



On pourra se demander à quoi bon ces travaux généalogiques ?

Le Créateur a fait l'homme sociable. La famille, le clan, la tribu font partie
du plan divin dans toutes les nations.

Pourquoi donc laisserions-nous plus longtemp cette étude sur ce qui est la base
de l'organisation sociale du peuple que le bon Dieu nous a donné à évangéliser.
Si ce moyen peut nous faciliter la voie pour etteindre les âmes, pourquoi ne l'utiliserions nous pas ?

Nous l'avons souvent constaté, du fait qu'on peut montrer aux indigènes qu'on
connait leurs us et coutumes dans les grandes lignes, leurs relations entre clans et
familles, surtout au point de vue des alliances matrimoniales, on n'est plus des
étrangers pour eux, on gagne leur sympathie et de là à avoir leur confiance, il n'y a
qu'un pas.

11 est encore temps de recueillir des documents sur ce sujet ; dans quelques
années ce sera trop tard. Les jeunes gens et même les hommes qui ont fréquenté
nos écoles dans leur enfance, sont pour la plupart incapables de nommer leurs
arrières grands parents.

C'est que les anciens avaient besoin de connaitre les noms de leurs morts
pour le culte des esprits, des mânes {abazimu) ; le paganisme disparaissant, les
généalogies se perdent.

Son Excellence Monseigneur Déprimoz, Vicaire Apostolique du Ruanda, auquel
nous dédiâmes ce premier essai au lendemain de son Sacre (17 mars 1943) nous
répondit, le 18 mai suivant:

« Bien cher Père, de tout cœur, je vous remercie du manuscrit que vous m'offrez
et que vous me dédiez. J'ai été vivement touché de votre délicate attention et
suis heureux de pouvoir profiter largement de vos patientes recherches pour les
relations plus suivies que je dois avoir maintenant avec les chefs et sous-chefs
du Ruanda».



(5)



INTRODUCTION.



Ces notes n'ont pas de prétentions scientifiques. Elles ont été glanées à l'avenant
des circonstances, en des nombreux points du Ruanda pendant notre vie de missionnaire de 1905 à 1950.

Nous prévenons le lecteur que ce n'est pas l'histoire du Ruanda que nous écrivons.
Bien plus et à dessein, nous ne tenons nul compte des travaux faits, ou des supposi-
tions émises par tous ceux que le Royaume Hamite intrigue.

Notre travail se place à un point de vue spécial, et inédit pensons-nous, dans son
ensemble : les généalogies et l'origine des clans batutsi.

C'est surtout depuis 1940, date de notre nomination à Nyanza, la capitale indigène,
ce phare qui domine le Royaume hamite. où se rencontrent et s'affrontent toutes les
vedettes indigènes, chefs anciens, gardiens des coutumes (abiru), les chroniqueurs,
archives vivantes nationales (abasizi, abacurabwenge), les poètes et troubadours que
notre documentation, jusqu'à cette époque restée éparse et sans autre but que notre
intérêt personnel, a pris corps.

Tout ce que nous avançons est d'information directe auprès des gens les plus
qualifiés du Ruanda et a été contrôlé plusieurs fois. (I)

En outre, nous avons vu la plupart des chefs de chefferie, une cinquantaine, de
nombreux sous-chefs et le défilé des Bagaragu (vassaux) du Mwami, qui à longueur
d'année, surtout de 1940 à 1945 venaient à Nyanza.

Le Mwami Mutara Rudahigwa qui s'intéresse beaucoup à tout ce qui touche au
Ruanda ancien, se faisait volontiers notre complice, pour demander aux personnages
capables d'éclairer nos informations, s'ils avaient causé avec le Père Supérieur
; et il nous envoyait avec ordre de ne nous rien cacher.

En résumé, nous ne sommes que le secrétaire de nos informateurs indigènes.
Si parfois leurs dépositions contredisent d'autres travaux sur le même sujet, alors
nous n'avons qu'un souhait, que du choc jaillisse une plus grande lumière, pour
éclairer l'ensemble de nos recherches.

Monsieur l'Abbé Alexis Kagame (prêtre indigène du clan des Basinga), le grand
spécialiste pour rechercher et fixer, par la plume, les documents verbaux historiques
et littéraires, nous a aussi aidé plusieurs fois, à résoudre des problèmes qui nous pa-
raissaient inextricables, dans le dédale des généalogies. Nous lui renouvelons ici nos
remerciements amicaux.

(1) Citons quelques noms, pour les initiés à ces travaux :

Sekatama du clan des Basinga ; Karera du clan des Banyiginya de la famille des
Benegahindiro ; Sebinagana et Rukewarnpunzi du clan des Bazigaba; Kayijuka (l'aveugle)
du clan des Banyiginya de la famille des Basigaye ; Serukenyinkware et son frère
Senyakazana du clan des Basinga ; Lwubusisi du clan des Bega, famille des Bakagara ;
Rtvamanywa et Senihuga du clan des Bega, famille des Bahenda ; Benempinga du clan
des Banyiginya, famille des Benegitori ; Cyenge du clan des Banyiginya, famille des
Bakobwa ; Mukomangando et Sezibera de la famille des Batege ; Rukemampunzi du
clan des Banyiginya, famille des Bahindiro ; P. Nturo du clan des Banyiginya, famille
des Banana, . , . . etc



C'est enfin avec les chaleureux encouragements de Mpnseigneur Déprimoz, le
Vicaire Apostolique du Ruanda, que nous nous décidons à livrer au public, si mo-
destes soient-ils, les résultats de nos investigations.

Les indigènes nous sont reconnaissants de conserver pour la postérité, ce qu'ils
ont de plus cher dans leurs origines. Maintes fois ils nous l'ont manifesté et,
bien
plus, certains parmi les jeunes viennent se renseigner, auprès de nous, sur la lignée
de leurs ancêtres et apparentés.

Et parmi les Européens, Agents de l'Etat Belge, Missionnaires, Colons ou autres,
peu nombreux, sont ceux qui ont des connaissances précises sur l importances
des clans hatutsi, leurs différents degrés de noblesse, etc. -

Nous pensons faire oeuvre utile pour tous, si, tout en leur évitant le fastidieux
travail que nous avons dû nous imposer, nous pouvons les aider, par le fruit de
nos recherches, à mieux réaliser leur idéal de Civilisateur et d'Apôtre, auprès de nos chers
Ruandais.

Léon Delmas.



Remarques préliminaires.

1° Le e n'est jamais muet. On écrit e et on prononce é.

2° Le u se prononce ou. On écrit umwami et on prononce oumouami (le roi).
3° Pour les personnes, le singulier est rendu par la particule mu et le pluriel
par la particule ba.

L'article qui précède la particule mu est toujours u pour le singulier, et celui qui
précède la particule ba est toujours a pour le pluriel. Exemple : le mot femme se
traduit : u mu goré (singulier), a ba goré (pluriel).

c se prononce tsh : on écrit Gaceye, on prononce Gatsheye
cy se prononce tshy : on écrit Bacyaba, on prononce Batshyaba

Cyilima, on prononce Tshyilima.

4° En pratique, pour ceux qui ne sont pas initiés à ces langues, nous supprimons
l'article indigène et le remplaçons par l'article français. Par exemple pour désigner
les clans, nous écrirons les Bega, les Bashambo au lieu d'écrire les a Bega, les
a Bashambo, ce qui serait un pléonasme.

5° Le mot mututsi (au pluriel batutsi), est un mot étranger ; il n'a pas de sens
dans la langue du pays. Comme nous le dirons plus loin, le frère de Sabizeze se
nommait Mututsi.

Dans le langage courant, on emploie ce mot, non seulement pour désigner la
race, mais aussi pour désigner les nobles en général. Peut-être en souvenir de l'ancêtre
Mututsi qui fut leur prototype.

On traduit Banya-Ruanda (Habitants du pays) par Ruandais.



(7)



• PREMIERE PARTIE •

Chapitre I
GENERALITES SUR LE RUANDA.

1. LES RACES AU RUANDA.

ON distingue trois races : les Batwa, les Bahutu, les Batutsi. Nous donnons ici la moyenne des tailles, telle qu'elle nous fut communiquée par le Docteur Czekanowsky, ethnologue de la Commission d'Etude du Duc Fréd. Adolphe de Mecklemburg en 1907, pendant le séjour d'un mois qu'il fit à la mission de Nyundo (près de Kisenyi) où nous nous trouvions. Cette moyenne a été établie à la suite de centaines d'expériences dans plusieurs régions du Ruanda, et en particulier à Nyanza, où il fit un long séjour.

1 - Les Batwa (taille: !, 61 m.), vulgairement dénommés pygmées, seraient,
dit-on, les aborigènes. Peu nombreux, de 3 à 4000 ; les uns vivent de chasse et
de troc en lisière de la forêt qu'ils traient selon leur expression ; les autres
en grou-
pes compacts et isolés vivent de leur métier de potiers, à proximité de certains

grands chefs, qui les emploient pour porter les hamacs de leurs femmes, pour des

exhibitions de danses et jadis, comme exécuteurs des hautes oeuvres.

Les autres races les méprisent ; ce ne sont pas des hommes (des bantu), di-
.sent-ils, ce sont des Batw^a, ni plus ni moins. On peut déduire de là leur anci
enneté
par rapport aux «bantu>'.

2 - Les Bahutu (taille : I m. 67) sont du groupe des bantous. ils forment la mas
-,
se de la population. Parmi eux trois claas sont considérés com.Tis les premiers
occupants du sol : les Bazigaba, les Bagesera, les Basinga ; les autres clans se
raient
venus après eux.

3 - Les Batutsi (taille : L 80 m.J sont la classe noble. Ce ne sont pas des bant
ous ;
on peut dire, pensons-nou?, que ce sont des Négroïdes. C'est le peuple de l'Afri
-
que centrale qui a le plus de ressemblance avec les habitants de l'Afrique dq
Nord, d'où leur dénomination de Hamites, mot arabe qui traduit bien le mot indi-

gène «nzobe» (teint rouge clair).

Les Batutsi, sur une population de L800.000, sont environ 180.000. Dans les
régions du centre du Ruanda, où les Batutsi sont plus nombreux, la population
muhutu est fortement métissée de sang mututsi.

Les Batutsi sont tous d'accord pour dire qu'ils sont venus du Nord : Nkole,
Bunyoro; et au delà, c'est le mystère hamite.

Dans l'impossibilité de citer dans les tableaux généalogiques tous les noms ba-
tutsi connus, nous avons pris pour base de cette étude, les noms des chefs et so
us-
chefs (soit 50 chefs et 630 sous-chefs) en fonction en l'année 1947-48.

1



Nous avons l'assurance d'atteindre ainsi tous les clans et même les principales
famil' rs du Ruanda. Plus tard il sera facile de rattacher à ces souches qui res
teront
imniucbles, des noms nouveaux, ceux de leurs enfants, par exemple.

Oans cette étude, ou s'occupe spécialement des Batutsi (le mot mututsi étant
pris dans le sens général de nobles) ; si on parle des Bahutu ce n'est que par
exception.

2° ESQUISSE RAPIDE SUR LES BATUTSI.

Les Batutsi sont un peuple fier ; certaines publications leur en font un reproch
e.

Ils ont derrière eux des pages glorieuses d'histoire ; ils avaient atteint ^ous
le
régime autocrate- féodal, un degré de civilisation qui dépassait le stade des pe
uplades
nègres en général. Ils ont su par leurs propres moyens se faire respecter, même
des
esclavagistes Arabes.

Rwàbugiri eut avec l'un de leurs chefs, Rumaliza, une entrevue restée célèbre. U
s
échangèrent des présents. Le Mwami offrit de l'ivoire et des fourrures et reçut
en
échange 2 ânes harnachés. Les pauvres bêtes, pendant des années, suivirent la Co
ur du
Mw^ami dans ses déplacements. Les anciens nous ont raconté que personne n'osait
les
toucher : horreur ! ils n'avaient pas d'orteils aux pieds ! et puis, ils lançaie
nt des bruits
sonores... S Evidemment il n'était pas question de les monter ; bien plus, on ne
leur
enleva jamais les selles, jusqu'au jour où ils s'en débarrassèrent eux-mêmes.

Oa reproche aux Batutsi d'être pointilleux pour la politesse, arrogants pour
les étrangers, même prétentieux comme s'ils sortaient de la cuisse de Jupiter.

L-^iurs origines légendaires (quel est e peuple qui n'a pas de légendes !ans sa
préhistoire, comme la louve de Romulus et Rémus), leur histoire, leurs poèn es
épi-
ques, qui retracent les faits et gestes des rois et les exploits des héros qui s
e sont dis-
tingués dans les guerres pour l'extension du royaume (i), les trophées de guerre
,
ou dépouilles macabres des rois ou chefs vaincus, qui ornent les tambours ancien
s,
et ces tambours eux-mêmes, dont nous parlons ailleurs, ne sont-ce pas là des doc
u-
ments sérieux et comme des témoins irrécusables de leur prestigieux passé.

Toute cette littérature orale a été conservée par les familles des basizi (chron
i-
queurs) qui étaient les bibliothèques nationales vivantes, rapportant les faits
a ^ec une
exactitude remarquable. Des chroniqueurs habitant aux quatre coins du royaume, l
'ex-
périence a été faite, ont récité les mêmes textes de ? à 300 vers sans y changer
un
mot. On dit que la langue de ces poèmes est archaïque, mais raison de plus pour
en apprécier l'ancienneté.

A côté des poèmes épiques, le=î Batutsi ont toute une floraison littéraire ; cit
ons :
les chants de poésie pastorale où l'on exalte les vaches dites sacrées : inyamb^
)» pour
honorer le Mwami, le grand pasteur ; les contes {imigani) et les proverbes (2) ;
les ré-
cits dithyrambiques (ibywugo) que les jeunes gens débitent avec une volubilité v
erti-
gineuse dans les parades et réunions de gala; les serments de féodalité (irnihig
o),
vrais joutes oratoires, qui se déroulent dans le gutarama (festival nocturne) en
pré-



(1) L'ensemble de ces récits historiques mis par écrit par Mr. l'Abbé Alexis Kag
a-
me, formera plusieurs volumes, le jour où ce sera publié.

(2) Un volume de 266 pages de contes et proverbes publié par le R. P. Harel est
loin d'avoir épuisé la matière.



2



sence du Mwami et des grands.da royaume ; même le genre pédant se rencontre dans

les plaidoiries qui commencent par remonter au déluge ; les devinettes, les énig
mes,
les traits d'esprit, les phrases cacophoniques agencées à dessein et répétées en
vi-
tesse, comme notre «si 6 scies scient 6 planches. ., » jugez en: «Kahya kago ka
ka-
gero, kalimo agakoko ka gakokokazi nti karaye amazi kayaraye kayaraye : dans cet
te
maisonnette là-bas dans le petit enclos, il y a une poulette qui a passé la nuit
et le
jour, sans boire de l'eau, sans en boire, oui sans en boire, sans en boire».

C'est à se demander s'il est un genve littéraire qui n'ait été employé par les
Ruandais.

Les Batutsi sont dans l'ensemble de beaux types, au profil Egyptien. Ceux qui
atteignent et dépassent deux mètres ne sont pas rares.

Loin de nous la pensée de les proposer comme des modèles. Ils ont leurs dé-
fauts, leurs vices, leurs instincts pervers, leurs carences ataviques, mais à pa
rité de
stade d'évolution, nos ancêtres n'en eurent-ils pas davantage ?

E-ref, nous ne dirons pas avec le fabuliste: «Mes petits sont mignons; mais
nous dirons qu'ils sont dignes d'occuper une place honorable parmi les plus hono
rés
de la race noire.

3° COMMENT DÉLIMITER ET CLASSER LES CLANS BATUTSI ?

Après avoir longuemerit considéré le problème sous toutes ses faces, nous les
divisons en quatre groupes :

1er groupe. Ce sont les Batutsi proprement dits, ceux qui constituent la haute
noblesse, les Bimanuka, ceux qu'on est convenu de désigner sous le nom de Hami-
tes.

2me groupe. Il est constitué, à notre avis, par les sujets issus du métissage de
la
classe dirigeante autochtone de la race des bahutu avec des épouses qu'ils reçur
ent
des Hamites. Nous leur donnons le nom générique de Batutsi-basangwa butaka (pre-

miers occupants du sol).

Ca sont les Bazigaba, avec leur mv/ami au nom dynastique de Kabeja, (nom qui
revenait après un cycle de 3 ou 4 noms) ; les Eagesera, avec leur mwami au nom
dynastique de Kimenyi ; enfin, les Basinga, avec leur mwami au nom dynastique de

Rurenge.

Si nous nous basons sur les dires de nos informateurs les plus quahfiés, à l'arr
i-
vée des Bimanuka-Hamites il n'y avait pas au Ruanda d'autres Batutsi. Toute la
population était de race bantoue.

3me groupe. Ce sont les nobles de clans d'origine étrangère. Soit ceux qui sont
venus du Nord plus récemment, comme les Bashigatwa ; soit Bahut u qui par des
métissages avec des femm.es Batutsi sont sortis du rang, comme les Bacyaba, les
Bo-
ngera, les Babanda, les Bashingo, les Bungura, les Bakiza, les Baskete.

Nous les désignons sous le nom de Batutsi b'impaga (petite noblesse qui vit en
marge des Hamites).

4me groupe. Ce sont les nobles sans clan déterminé, ou d'origine inconnue. Le
public les désigne sous le nom générique de Bahozi, terme de mépris équivalent d
e
mauvaise race.



3



Il



Les autres clans les évitent, non seulement pour les alliances matrimoniales,
mais aussi dans les relations sociales ; ils portent malheur, disent-ils {bâter'
umwaku) ;
ils sont de mauvais présages pour ceux qui les saluent avant le lever du soleil.
. .etc. ..
Et tout cela bien à tort, car il y a parmi eux de très beaux types.

Ils ont noms : les Basita, les Bsbgibgi, les Bayiruntu

Parmi eux, il n'y a présentement ni chef ni sous chef. Leurs généalogies sont

très limitées : cinq ou six ancêtres environ.

Pratiquement, il nous suffit de signaler leur existence ; nous n'en parlerons pl
us.
Ils sont peu nombreux, et se marient entre clans de même race.

4° PARALLELISME DES NOMS DE CLANS DANS LES TROIS RACES.

On constate que dans les trois races, les noms des clans principaux sont les mê-

mes, ainsi, il y a des Batwa, Bahutu, Batutsi qui se disent du clan des Bega, de
s
Banyiginya, des Babanda, Bazigaba... Mais d'où peut venir cette similitude ?

La question étant ainsi posée, ceux du 2ième et 3ième groupe, vous répondent
que la fortune ou la misère ont été la raison d'être de la hausse des uns et de
la
baisse des autres.

A l'origine, ils étaient tous Bahutu, mais grâce au bugaragu (vassalité) qui leu
r a
amené la fortune, avec les vaches, certains ont pu faire des alliances avec des
fem-
mes Batutsi ; d'autres, favoris de leurs patrons qui voulaient se les attacher,
recevaient
une fille en mariage, parfois même une infirme que les autres batutsi délaissaie
nt.
Après quelques générations, leurs enfants étaient considérés comme Batutsi, dans
des
clans à l'origine purement bahutu.

Pour les clans hamites, c'est-à-dire, ceux du 1° groupe, l'explication est tout
autre.

Disons d'abord qu'au Ruanda le nom du clan des enfants vient toujours du
père. Nous ne connaissons qu'une exception, c'est quand celui qui n'a que des fi
l-
les prend gendre à domicile. Alors l'époux est considéré comme l'enfant de la ma
i-
son, et les enfants gardent le clan du grand-père.

D'autre part, si les Batutsi de race étaient pointilleux et même puristes pour
le choix d'une épouse officielle, dans la vie privée ils n'avaient d'autre règle
que
la satisfaction de leur passions, il suffisait donc qu'un Mwega, Munyiginya ou
autre eût des relations avec une servante, voisine, ou fille d'un mugaragu (vass
al),
pour que l'enfant qui naissait portât le nom du clan du père. Ces enfants grandi
ssaient
dans leur milieu, y faisaient des alliances et ainsi se créaient des familles Be
ga ou
Banyiginya bahutu. Cependant ce n'étaient là que des exceptions. Il y a une autr
e
explication admise par tous.

Le patronat et le servage sont aussi anciens au Ruanda que les Hamites et leurs
vaches.

Les Bagaragu (suivants ou serfs de race muhutu), à force de se dire les hom-
mes de tel ou tel Hamite Mwega ou Munyiginya finirent par délaisser leur clan
d'origine Bazigaba ou Basinga, pour se dire des Bega ou des Banyigmya tout court
.

Ce qui frappe chez ces bahutu à nom de clan hamite, c'est qu'ils ne peuvent
jamais spécifier la famille (umaryângo) d'où ils prendraient origine, ils ne don
nent
que le nom du clan duquel ils relèvent,

i



Tandis que les Batutsi spécifient dans les détails, ainsi Kayijuka d'aveuglf )
dira qu'il est fils de Nyantaha, delà famille des Basigaye ; Nsigaye était fi:s
de Yuhi III Mazimpaka, du cb n des Banyiginye .

5° PROPORTIONS DES CLyNS BATUTSI, PAR RAPPORT A LA RACE ET
PAR RAPPORT AUX CLANS' BAHUTU ( jui portent les m-mes noms.

Incontestablement, les plus nombreux sont les Hamites. ceux du premier groupr.

Si on les compare aux Batatsi du 2 ième et 3 iènie groupe, chaque groupe pr s
isolément, nous pensons qu'on peut admettre la proportion de 90 hamites Banyigi-

nya ou Bega pour 10 Bazigaba. Basinga ou Babanda

Si nous comparons les clans batutsi hamites, aux clans bahutu des mêmes
noms, nous donnons la même proportion de 90 Batutsi hamites Banyiginya ou Bega
contre 10 Bahutu Banyiginya ou Bega.

Maintenant si nous comparons les Batutsi c!u 2 ième et 3 ième groupe Bazigaba

Basinga, Bacyaba avec les Bahutu des mêmes noms, nous rc nversons les rôles :

pour 90 Bahutu nous aurons à peine 10 Batutsi

Nous faisons cependant un t exception pour les Bagesera-Bazirankende, (la dynaf.
-
tie royale du Kisaka) qui, à notre avis, sont cela race des Bahutu avec métissag
s
hamite par les Bahinda, dynastie royale du Karc gwe et qui sont très nombreux, p
eu -
être à proportion égale avec les Bahutu- Bagesera d'oià ils descendent. Nous en
re-
parlons dans l'aperçu historique sur les Bagesera-Bazirankende (VIII).

De là, on peut faire des déductions pour confirmer ce que nous avons dit sjr
l'origine du 2 ième groupe, issu du métissage Ce la classe dirigeante des clans
baht-
tu autochtones avec des épouses hamites.

C'est à cause de cela qu'ils sont si peu nombreux.



Chapitre 81



APERÇU GENERAL SUR LES PRE MIERS HAfvllTES ARRIVES
AU RUANDA, QU'ON NOMME «LES BIMANUKA».

1° LES ORIGINES DES HAMITES.

DE SABIZEZE A GIHANGA.

D'APRES la légende, Sabizeze ( surnommé Kigwa, le tombé), son frère Mututsi
et leur sœur Nyampundu, apparurent un jour dans le Nord-Est du Ruanda,
clans la chefferie du Mutara et se fixèrert dans la savane de Rweya, en pays
occupé f)ar le clan des Bazigaba, dont le Mwami se nomn ait Kabeja.

LeUi' apparition fut si subite qu'on les nomma les Bimanuka (les descendus d'en
haut), ccmme nous dirions les tombés de la lur.e.

La légende et l'histoire concordent pour faire venir ces étrangers, de teint pre
s-
que blanc, inzobe (rouge pâle) d'où leur nom de hamites, des régions du Nord, Nk
ole,
Bunyoro et au delà... mais les indigènes n'en savent pas davantage.

Leur premier habitat, dans ce que nous apelons aujourd'hui le Ruanda, fut la
grande savane du Mutara-Mubari-Buganza. Se suffisant avec leurs troupeaux, ils p
ri-
rent pied pacifiquement dans le pays.

Le Buganza fut toujours considéré comme le berceau des hamites et ces pâtu-
rages jusqu'à nos jours furent réservés pour les troupeaux de vaches sacrées (/n
i/a-
mbo). Bien plus, sans doute pour que des impurs ne souillent pas ce terrain priv
ilégié,
il était interdit aux Blancs d'y séjour aer, ou même pour les Missionnaires d'y
placer
des catéchistes. (1)

D'après la légende encore, Sabizeze n'avait pas d'épouse et n'en trouvant pas de

son rang parmi les sauvages autochtones ; il épousa sa sœur Nyampundu.

Entre autres enfants, ils eurent Muntu, l'ancêtre des Banyiginya et une fille Su
ki-
ranya qui fut épousée par son oncle Mututsi.

La coutume prohibait alors absolument — et il en est encore ainsi — toute relati
on
sexuelle entre la nièce et l'oncle ou entre le neveu et la tante. Pour obvier à
cet
empêchement, ils eurent recours au stratagème suivant : Mututsi alla habiter, po
ur
un temps, sur la rive opposée de la Kagera, ,grand fleuve qui sépare le Ruanda d
u
Karagwe. De là, il envoya dire à son frère Sabizeze : «Le Mwega, c'est à-dire, c
e-
lui de l'autre rive, demande ta fille en mariage». Mwrega, en langue vernaculair
e,
signifie : rive opposée.

Moyen pratique pour faire cesser l'empêchement au mariage : ils changèrent le
nom du clan. Ce serait là l'origine du clan des Bega (celui de la Reine-mère act
uelle
Radegonde Kankazi), le clan le plus puissant après celui des Banyiginya.



(1) Ce ne fut qu'en février 1919, grâce à l'intervention énergique du Ré-
sident Belge Major Declerck, (lequel s'étonnait que nous n'eussions pas de missi
on
dans tout le Nord- Est au delà de Kigali) que nous-mêmes nous eûmes la joie de
fonder la piission de Rwamagana, en plein Buganza.

6



bu mariase de Mututsi et de sa nièce Sukiranya naquirent Senvega. l'ancêtre
les Bega proprlen. dits, et Man.fa.e.a eu, fut le pére de Mukono et de Muha.
5 ancêtres des Bakono et des Baaa, ^

De ces données m> légende et mi-h^stoire, il y a plusieurs choses a retemr .
1- Les Bega, Bakono et Baha ne se marient pas entre eux. Us sont frères, disent-

ils, dans leur ancêtre Mututsi.

Ils ne prennent pas non plus des épouses dans leur propre clan.
2 Les Banyiginya épousent les tilles des Bega. des Bakono et des B.ha et ré-
ciproquement, en vertu de la dispense de parenté octroyée par le stratagème de
Mututsi.

i 3 Les Banyiginya et apparentés (descendants de Gihanga) jouissent toujours du
privilège qui leur fut concédé par leur ancêtre Sabizeze qui épousa sa so.ur. de
se
Ichoisir des épouses dan. leur propre clan ; cependant ils évitent la parenté tr
op

rapprochée. . ,

Si nous demandons pourquoi Sabizeze ne put pas trouver d épouse parmi les
lautochtones Bazigaba ei fut réduit a épouser sa soeur, le fier hamite en faisan
t la
Imoue donne toujours la même réponse: c'étaient des Bahutu qm ne connaissaient
îpas la vache ; ils vivaient de chassa et de racines. , ,

Mais à la longue ces sauvages ^'apprivoisèrent. La curiosité et 1 intérêt les mi
-
rent au service des nouveaux venus qui leur étaient supérieurs en beaucoup de ch
o-
ses. Ils disent, par exemple, que les Bahutu ne savaient pas fondre le minerai,

ni travailler le fer. , , , n ■ i j

i Les oitelets de ces clans bahutu, les Bazigaba d abord, les Basmga plus tard,
' firent av- c eux des ail ances détensives et s'ingénièrent à obtenir des épous
es ha-
mites De telle sorte qu'après quelques générations, ils purent offrir à leurs ma
îtres
des filles métissées, dignes d'être des épouses de choix, voire même des Reines

mères. i • . i

La tradition nous apprend que Nyirarukangaga. femme de Kazi ei mere de

Gihanga, était du clan des Bazigaba ; que les premiers successeurs de Gihanga
' eurent des mères du clan des Basinga.

Tout cela laisse présumer qu'entre les Bimanuka et Gihanga il y eut une pé-
riode assez longue, que noas nommerions la période des pasteurs : les bashumba
période pacifique, qui a servi de préparation et pour ainsi dire d'incubation au

ROYAUME HAMITE.

D'ailleurs ce n'est pas une pure fiction que nous émettons. Les chroniqueurs
indigènes (abasizi) ont c onservé une dizaine de noms qui font la transition ent
re
Sabizeze et Gihanga, ainsi: Kijum, Kobo, Merano. Randa, Gisa, Kizira, Kazi,

^'^^EHre a priori, comme on peut le hre dans certains ouvrages, que ces ancêtres

de Gihanc^a cités par la légende ne sont que des mythes, que ces noms Kijuru,
Kobo ne liment à rien, c'est facile à écrire, mais demandez à n'imp3rt î q x^l i
n-
digène A vous dira q ae les noms propres n'ont pas de sens réel. N .us trou-
vons actuellement des noms propre ; teL que Gakaba (petit tonnerre) Kim va (gros
-
se pluie) qui ne sont p s plui sl-n fica ifs que Kijava (firmament) Kobo (trou).


Même si ces noms de la préhiGtoire (Kijuru. etc.. ) n'ont pas correspondu à



des personnages réels, ils ont sûrement correspondu à une période d'évolution qu
i.
a été la préparation du royaume- hamite.

On comprend mieux ainsi que Gihanga, fort de tout une lignée d'apparentés
et alliés (Bazigaba et Basinga qui occupaient uas r/rande partie du Ruanda actue
l),
apparaisse comme le principal personnage de l'époque. De là pour le fier mutu-
tsi, fait pour commander, à s'imposer comme Mwimi (roi), il n'y avait qu'un pas.

Il le franchit et fonda la dynastie des Banyiginya, laquelle règne encore. «C'es
t
Gihanga qui a fat le Ruandc. (au sens large d'organiser): Gihangct niwe wahanze
Urwanda», dir enoore la rumeur publique.

C'est un fait historique que les roitelets des Bazigaba et des Basinga ont ac-
cepté l'autorité des rois Banyiginya sans résisSance {batayobotse, disent-ils) :
ils fu-
rent «conquis » par les femmes qu'ils reçurent des Hamites.

Tandis que l.!S autres, comme les Babanda, les Bongera, les Benengwe, au
centre, les Benyandorwa, les Banyagisaka, sur la périphérie du Ruanda, furent le

fruit de conquêtes guerrières longues et laborieuses.

2° A QUELLE E-ATE POURRAIT-ON SITUER LA VENUE DES BIMANU
KA OU PREMIERS HAMITES AU RUANDA?

En nous basant sur les dires de nos informateurs, nous ferions les Bimanuka
contemporains des Basita. premiers rois hamites qui régnèrent au Bunyoro (coloni
e
anglaise de l'Uganda), chefferie de l'ancien royaume de Kitara, vers l'an 1 000-
1 100.

Les Bimanuka n'étaient pas apparentés aux Basita, mais étaient des hamites
comme eux ; ils purent les accomoagner ou les suivre, avec leurs troupeaux de va
-
ches à longues cornes, du Haut-Nil vers le centre africain, à la recherche des g
ras
pâturages.

Tandis que les Basita se fixaient au Bunyoro ; ils continuèrent leur progres-
sion vers le Sud et à travers le Nkole et le Mpororo, arrivèrent au Ruanda, dans

la chefferie du Mu tara.

Ils n'ont, que nous sachions, laissé nulle trace dans les régions qu'ils travers
è-
rent ; ils devaient former un bloc familial bien uni, avançant progressivement
à l'a-
venture ; peut être avaient ils entendu parler des régions où étaient les source
s du
Nil ?

Quoique la lécjende n'en r.omrie que trois : Sabizeze, Mututsi et leur soeur Nya
-
mpundu, ils n'éteient pas seuls ce leur clan, et sûrement ils avaient aussi des
serviteurs bahutu oui les aidaient à garder et convoyer les troupeaux : mais des
Ba-
hutu nul souvenir n'est resté dans l'histoire ; ils durent se fondre dans la mas
se de
leurs congénères bantous.

Par contre la légende parle d'un Mutwa, nommé Mihwabaro, qui était avee
eux, et serait l'ancêtre de Bgami dont certain clans batwa se réclament encore.

Outre les bêtt-s à cornes, ils t.vaient aussi des couples d'animaux : de chiens,

de moutons, c'e peu les.

Il semble évident que Sabize-e, Mututsi et leurs soeur Nyampundu, ne sont
que les prototype:- d'un clan lui-même.

Dans le langage indigène au Ruanda, se disent frères et soeurs, non seulement
ceux qui ont les mêmes parents, mais aussi les cous ns dont les parents sont fr
ères.

Rien ne s'oppose à croire que Sabizeze épousa sa soeur, c'est-à dire une pa-

8



Le Ftère Pancrace
a la fondation de
Rwaza (1902)




Le Père Paul Barthélémy
fondateur de Zaza (1901)
A sa droite, Nkwaya
(Abazigaba) (p. 156)



Le Major Declercq,
Premier Résident du
Ruanda, est le premier
à avoir vu la Reine
Mère et les femmes de
Musinga.

Au centre, Musinga
(p. 91). A gauche,
sa mère Kanjogera
(p. 125).







rente de son clan, ce qui pouvait être défendu par la coutume, comme le cas s6
présente encore pour les Bega et d'autres.

Quant aux Bashambo qui régnèrent au Mpororo jusqu'au début de ce siècle,
ils sont les frères des Banyiginya, comme eux fils de Gihanga. Ils ont les mêmes

coutumes, ils peuvent se marier entre eux, avec les Banyiginya et autres clans h
a-
mites ; ils ont la dot traditionnelle : la houe et le bident, et pas plus que le
s Banyi-
ginya, ils ne peuvent donner des Reines-mères. (1)

De plus, il est admis qu'au royaume de Kitara au Bunyoro, la dynastie des Ba-
sita dont nous venons de parler, après trois ou quatre siècles, fut supplantée p
ar cel-
le des Bacwezi. Les Bacw^ezi étaient un clan hamite, venu lui aussi des régions
in-
connues, mais de teint plus p^le que les autres, dit-on. Leur règne fut pendant
une
centaine d'années d'un éclat sans pareil et puis, il cessa subitement, et la dyn
astie
des Bacv^rezi fit place à celle des Babito, laquelle règne encore au Bunyoro. (2
)

Il est historique que les Babito du Bunj'oro, ceux que nos informateurs nom-
ment les Banyoro de Cwamali de Nyabungo, à deux reprises firent des incursions
pour razzier le Ruanda, le pays des vaches, et qu'ils furent repoussés. C'était
pen-
dant les règnes de Kigeri-Mukobanya et de Ruganzu-Ndori, entre 1475 et 1600. C'e
st
là semble-t-il une preuve évidente que les Banyiginya n'étaient pas seulement au

Ruanda, mais que leur dynastie y était fortement établie.

On situe en général vers 1520 la fondation des royaumes Bahinda au Sud du
Victoria-Nyanza : Kiziba, Ihangiro, Ujinja, Karagwe... par un descendant des Ba-

cwezi nommé Ruhinda rwa junege (Junege était sa mère et Wamala était son père).

Il est certain que la dynastie des Banyiginya au Ruanda est bien plus ancienne,
que celles des royaumes Bahinda, que nous venons de citer.

Le roi Ruganzu-Ndori, le ! 8 ième après Gihanga, fut élevé, pendant sa minori-
té, comme nous le disons ailleurs, chez sa tante paternelle Nyabunyana, femme de

Karemera I Ndagara, fils de Ruhinda, le fondateur de la dynastie des rois du Kar
a-
gwe (voir notice sur Yuhi 11 Gahima 1-16).

Bref, nous concluons de cet ensemble de circonstances, que les Bimanuka furent
les premiers hamites qui pénétrèrent dans les régions avancées du Ruanda, et
qu'au début ils y furent les seuls de leur race.

En résumé, en admettant la venue des Bimanuka ver s l'an 1 000- I 100, siècle qu
i



(1) Ce n'est que par insuffisance d'information que Mgr. Gorju a pu écrire dans
«Entic les lacs Victoria, Albert et Edouard » page 33, que les Banyiginya du Rua
nda
descendent des Bashambo du Mpororo.

Pourquoi alors auraient-ils inventé la légende de Sabizeze, qui, manquant de fem
-
me, épousa sa sœur Nyampundu ?

S'il y avait eu à proximité à quelques heures de marche, au Mpororo, d'autres Ha
-
mites amis, il n'aurait pas été embarrasé pour y trouver des épouses de son choi
x.
(Voir Ch. 111, les fils de Gihanga ; ou encore 11° partie, notice sur les Basham
bo).

Pour les Bahima, hamites des régions entre les lacs Albert et Edouard, ils puren
t
être les contemporains des Bimanuka, mais sans autres relations entre eux.

(2) Ce sont les esprits de ces Bacwezi qui sont devenus le motii; du culte des i
ma-
dwa dans une grande partie de l'Afrique centrale. Nous en parlons dans la notice
sur
les Bashambo (II).
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024