Fiche du document numéro 19143

Num
19143
Date
Jeudi 23 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
87420
Pages
2
Urlorg
Surtitre
Lu dans la presse
Titre
Paris en cavalier seul
Mot-clé
Cote
no 15507
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« LA France entre émotion et culpabilité »… Cette expression de Joël Aubert dans « Sud-Ouest » résume à sa manière la tonalité de nombre des éditoriaux d'hier et l'embarras de leurs signataires. Dans l'ensemble, la prise de position est indiquée par le titre va-t-en-guerre du « Quotidien » : « Rwanda : Y aller quand même ! ». Mais le journal de Philippe Tesson sent bien que l'opinion publique est plus déboussolée que convaincue ; page 3, Henri Vernet apporte plus qu'un bémol : « Pourquoi la France ? Pourquoi maintenant, si tard ? Etant donné le passé, pour ne pas dire le passif, de la politique française au Rwanda, ces questions devaient inévitablement se poser (…). Montrée du doigt depuis de longues semaines, la France s'appliquerait donc aujourd'hui à redorer son blason, par le biais de l'humanitaire. »

Suivait cette comparaison à garder en tête : « L'exemple des Américains en Somalie - avant, bien sûr, que Restore Hope ne sombre dans le surréalisme tragique - montre que ce terrain de l'humanitaire est très payant auprès de l'opinion publique. »

Editorial de Charles Lambroschini dans « le Figaro » : « La solitude de la France dans l'affaire du Rwanda confirme une vieille règle de la politique étrangère. Le risque ne se prend pas par consensus. »

Suit le traditionnel discours présentant le drame rwandais aux couleurs de la guerre ethnique, de la fatalité en quelque sorte, afin de laver le gouvernement français des accusations pesant sur lui, compte tenu de son soutien de longue date à la dictature : « Le carnage au Rwanda ramène au point de départ : la réalité africaine est d'abord tribale »… Deux autres citations montrent la contradiction minant un tel raisonnement : l'envoi de 2.000 soldats français viserait à « protéger les îlots de réfugiés tutsis encerclés par les Hutus »… « Les Tutsis du FPR restent déterminés à saboter toute tentative d'intervention française »…

Toujours dans « le Figaro », page 3, ce titre : « Rwanda : la France lâchée par l'Afrique ». Mais on trouve dans l'article qui le suit des rappels parfois cruels. Exemple : « Début 1993, la Fédération internationale des droits de l'homme publie un rapport d'enquête accablant sur le régime rwandais. Le chef de l'Etat rwandais est nommément mis en cause. Le rapport parvient à l'Elysée. Sans que les autorités en tiennent compte. »

« Libération » campe sur son quant-à-soi, posant des « questions sur une intervention », sans vraiment y apporter de réponses. « Quels problèmes l'opération Turquoise soulèverait-elle ? Comment les soldats français seraient-ils accueillis ? », se demande ainsi la une du quotidien.

Page 4, deux titres empruntés à des déclarations d'Alexis Kanyarengwe, président du FPR, et de Faustin Twagiramungu, premier ministre pressenti pour un gouvernement de transition, ciblent beaucoup plus crûment le problème : « Paris veut maintenir le régime à tout prix »… « L'image de la France est ternie ».

« Gâchis » proclame l'éditorial du « Monde » : « Paris n'était pas au départ le candidat idéal pour une telle intervention (…). Il reste que le ``devoir d'ingérence humanitaire'' dont Paris s'est fait une spécialité est une notion légitime et nécessaire. » Suit un coup de griffe aux diplomates de l'ONU qui « discutaient gravement, il y a quelques jours, sur le point de savoir si le terme de ``génocide'' était approprié ».

Exact, mais il faut rappeler que lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU a refusé l'adoption de ce terme, c'est notamment parce que le représentant de la France s'y était opposé.

JEAN CHATAIN.
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