Fiche du document numéro 19061

Num
19061
Date
Jeudi 13 novembre 1997
Amj
Auteur
Fichier
Taille
26967
Pages
2
Urlorg
Titre
Meurtre de Dulcie September : le rôle trouble de la France
Soustitre
L'enquête sur la mort de la militante de l'ANC pourrait rebondir.
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le Cap, de notre correspondante.

Qui a tué Dulcie September? La question est à nouveau posée près de dix ans après l'assassinat à Paris de la représentante du Congrès national africain (ANC) en France. Une enquête présentée cette semaine en Afrique du Sud invite aujourd'hui à rouvrir le dossier de cette affaire. « Dulcie September a été tuée le 29 mars 1988 par les services secrets sud-africains avec la complicité passive des services secrets français », affirme Peter Hermes, le directeur de l'Institut néerlandais pour l'Afrique australe. Emanation d'anciens mouvements antiapartheid aux Pays-Bas, cet institut a été mandaté pour compléter l'enquête inachevée sur le meurtre de Dulcie September, à la demande de la commission Réconciliation et Vérité, chargée de faire la lumière sur les crimes de l'apartheid en Afrique du Sud.

En réalité, la culpabilité des services secrets du régime de l'apartheid ne fait depuis longtemps aucun doute. Et la « complicité passive » des services secrets français a déjà été évoquée. Mais la résurgence de l'affaire semble à présent intéresser l'ANC, aujourd'hui au pouvoir, qui a réclamé mardi une enquête « en détails » sur le rôle des services secrets français.

« Les services secrets français n'ont pas participé directement à l'assassinat. Mais ils étaient au courant de sa préparation », affirme Hermes, qui a repris à son compte un certain nombre d'éléments parus dans la presse française, impliquant directement l'entourage de Charles Pasqua alors ministre de l'Intérieur. Mais Hermes s'est aussi efforcé de comprendre pourquoi Dulcie September a été assassinée. « Si le régime de l'apartheid voulait affaiblir l'ANC en exil, il aurait pu choisir d'autres cibles plus importantes », explique-t-il avant de lancer quelques pistes: « Dulcie September était une cible facile pour les services secrets sud-africains qui considéraient que le mouvement antiapartheid n'était pas suffisamment mobilisateur en France pour provoquer des manifestations à Paris, à la différence de Londres ou Amsterdam. Mais le vrai motif du meurtre pourrait bien être ailleurs: Dulcie September s'intéressait de trop près au commerce des armes entre Paris et Pretoria. »

Toute la lumière n'a pas encore été faite sur les liaisons dangereuses entre certains pays européens, dont la France, et l'Afrique du Sud de l'apartheid. L'enquête aura peut-être le mérite de susciter un intérêt nouveau pour ces relations ambiguës qui ont souvent permis aux services secrets sud-africains de bénéficier d'une certaine impunité dans le cadre de leurs « activités extérieures ». « Ces opérations d'escadrons de la mort ont fait beaucoup de victimes aussi bien dans les pays frontaliers de l'Afrique du Sud qu'en Europe », souligne Peter Hermes qui a enquêté également sur la mort, en 1984, de l'ancien président mozambicain Samora Machel dans un mystérieux accident d'avion, ainsi que sur la « piste sud-africain » évoquée dans l'assassinat d'Olof Palme, le Premier ministre suédois en 1986. Les résultats « confidentiels » de ces enquêtes ont été confiés à la commission Réconciliation et Vérité. Reste à savoir quel en sera l'usage. « Les travaux de la commission s'achèvent en mars prochain et d'ici là beaucoup d'affaires n'auront pas le temps d'être examinées, regrette Peter Hermes. Mais je suis certain que le dossier Dulcie September ne sera pas oublié ».
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024