Fiche du document numéro 181

Num
181
Date
Lundi 15 février 1993
Amj
Auteur
Fichier
Taille
131286
Pages
4
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. Objet: Rwanda
Source
Fonds d'archives
FM
Type
Langue
FR
Citation
PRÉSIDENCE
DE LA Paris, le 15 février 1993
RÉPUBIIQUE

Le Conseiller à la Frésidence

@

NOTE
à l’attention de Monsieur le Président de la République
(S/c de Monsieur le Secrétaire Général) /

A/s - RWANDA : MISSION A KIGALI et KAMPALA

Je me suis rendu avec le Directeur d'Afrique du Quai à
KIGALI (12.02) et KAMPALA (13.02).

Voici les principaux résultats et conclusions :

1) - Au RWANDA :

Le FPR est en position dominante sur le terrain. D’après nos
officiers présents à KIGALI, il est militairement en mesure de prendre
KIGALI.

Le Président HABYARIMANA et le Premier Ministre sont sur
des lignes différentes, reflétant le clivage entre Hutus du Nord et Hutus
du Sud, ce qui donne schématiquement :

Pour le Président : résistance sans concessions politiques
(‘mieux vaut mourir que d'être soumis aux tutsis").

Pour le Premier Ministre : négociation avec le FPR, pour à
terme chasser du pouvoir le Président HABYARIMANA.

Cette situation est désastreuse : elle offre un boulevard au
FPR qui, avec le soutien militaire de l'Ouganda, la sympathie belge pour
les tutsis, un excellent système de propagande qui s'appuie sur les,
exactions malheureuses commises par les extrémistes hutus, la
complicité bienveillante du monde anglo-saxon, ne cesse de marquer des
points sur le plan militaire et politique.

Après plusieurs heures de discussion avec le Président
HABYARIMANA (qui au début ne semblait pas mesurer la gravité de la
situation militaire et semblait compter sur un engagement direct des
troupes françaises pour défendre KIGALI puis avec le Premier Ministre
(à qui j'ai exposé les risques d'un jeu de troisième force en période de
guerre sur le sol national, de DIEM à MINH...), nous avons pu revoir les
deux hommes dans la nuit et obtenir, qu'à partir de concessions
réciproques, il lancent un appel commun à la nation et à la communauté
internationale, pour :

- dénoncer la violation du cessez le feu par le FPR,
- s'engager à poursuivre le processus de démocratisation,

- reprendre les négociations d’Arusha.

2 - A KAMPALA,



J'ai eu près de quatre heures de discussions avec le Président
MUSSEVENI. L'homme est résolu, malin et ambitieux quant au rôle
régional de son pays, qu'il vient de terminer de pacifier.



Nous avons pu obtenir de lui :

a) - qu’il incite 1e FPR à un cessez le feu et à un retrait
échelonné sur une semaine à ses positions initiales, sous la supervision
d'observateurs neutres.

b) - qu’il incite le FPR à une reprise d’Arusha.

c) - le déploiement d’observateurs des Nations-Unies le long
de la frontière internationale Ouganda-Rwanda.

Cela dit, il n'aime pas HABYARIMANA et souhaite
ouvertement son départ. Mais comme il est inquiet de notre attitude et
de notre degré d'engagement (sur lequel j'ai fait planer toute l’ambiguité
nécessaire à une bonne dissuasion), je pense qu'il devrait au moins
contribuer à freiner l’appétit du FPR.

ll faut dire que, comme il me l’a dit, son vrai problème est au
Nord : le Soudan. Il craint une offensive soudanaise contre GARANG qui
le laisserait à découvert face à l’expansionnisme islamiste vers le Sud. Il
a demandé à ce que la France lui permette d'acheter des Milan (missiles
antichar) en échange d’un “bon comportement" de sa part sur le dossier
rwandais.

-000-

Il reste à mettre en oeuvre ces résultats théoriques (cessez-le-
feu avec retrait du FPR, observateurs sur la frontière, reprise des
négociations d’Arusha). Nous nous y employons actuellement avec le
Quai d'Orsay. Mais la situation reste extrêmement délicate pour nous:

- Nous sommes aux limites de la stratégie indirecte d'appui
aux forces armées rwandaises. (Nous accélèrons les livraisons de
munitions et matériels). Leur degré de motivation est trop inégal (en
raison des divergences entre hutus du Nord et hutus du Sud) pour
envisager avec sérénité une stabilisation du rapport de forces militaires.
Au cas où le front serait enfoncé, nous n’aurions d’autre choix que
d’évacuer KIGALI (la mission officielle de nos deux compagnies



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d'infanterie est de protéger les expatriés), à moins de devenir co-
belligérants.



- Notre isole t sur ce dossier au plan international (Belges,
Anglais et Américains n'aiment pas HABYARIMANA) doit nous conduire à
déployer un effort diplomatique encore plus offensif pour recueillir les
appuis diplomatiques nécessaires à la mise en oeuvre des résultats -
théoriques - obtenus par cette mission à KIGALI et KAMPALA. Cet effort
est engagé par le Quai d'Orsay.



Bruno DELAYE.


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