Fiche du document numéro 17855

Num
17855
Date
Vendredi 11 novembre 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1184664
Pages
1
Sur titre
La fin du sommet de Biarritz
Titre
François Mitterrand n'a pas « le sentiment d'un échec en Afrique »
Sous titre
En clôture du sommet franco-africain _ le dernier auquel il participait _, le président François Mitterrand a affirmé, mercredi 9 novembre, à Biarritz, qu'il n'avait pas le sentiment d'avoir échoué dans sa politique africaine.
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Si le président François Mitterrand éprouve le moindre regret quant à la politique africaine menée par la France depuis 1981, il n'en laisse rien paraître. " Je ne partirai pas avec le sentiment d'un échec en Afrique ", a-t-il affirmé lors de la conférence de presse qui clôturait, mercredi 9 novembre, le dix-huitième sommet franco-africain. " Certains ont discerné dans mes propos je ne sais quelle amertume, a-t-il ajouté. Non, je sais comment sont les hommes, combien une oeuvre de cette envergure est difficile ; je sais le poids de l'Histoire."

Le dernier grand rendez-vous du chef de l'Etat avec l'Afrique a donné lieu à des adieux très sobres. " Ce n'est pas parce que le moment est venu où l'on va se séparer que l'on va verser des pleurs ; c'est la loi de la vie, de la nature ", a-t-il expliqué, en soulignant qu'il " garderait un réel attachement pour beaucoup de personnalités remarquables qu'[il a] eu l'occasion de connaître en Afrique ".

Quant aux critiques, de plus en plus virulentes ces derniers temps, il les balaie d'un revers de main : " Je ne pense pas avoir été complaisant, a-t-il déclaré en réponse à une question sur le retour du maréchal Mobutu sur la scène internationale. Je n'ai pas cherché la disparition des chefs de l'Etat, je n'ai pas le réflexe colonial ; j'ai souhaité qu'on passe à un stade supérieur de la démocratie. "

Si elle aboutit un jour, l'idée de créer une force inter-africaine de prévention des conflits aura eu Biarritz pour berceau. " Nous sommes au début d'un processus assez complexe mais qui me semble positif ", a estimé le président en faisant le point sur ce projet né à Paris et qui a occupé une grande partie des débats.

M. Mitterrand a indiqué qu'il avait suggéré que les ministres des affaires étrangères se réunissent avant le prochain sommet _ qui doit avoir lieu en 1996 à Ouagadougou, capitale du Burkina _ pour " traduire en termes concrets une idée dont on aperçoit les difficultés ". En soulignant l'absence du Nigéria, le " géant " anglophone de l'Ouest africain, le président burkinais, Blaise Compaoré, a mis le doigt sur l'une de ces difficultés : les chefs d'Etat présents à Biarritz appartiennent presque tous au monde africain francophone ; or il faudra éviter que cette force ne soit issue exclusivement de l'un des blocs régionaux du continent.

"Les mystères de l'éloquence"

La France serait prête à apporter son soutien logistique et à demander une participation à ses partenaires de l'Union européenne. " Un grand pays comme les Etats-Unis pourrait difficilement rester hors de ce mouvement ", a également déclaré le président, soulignant qu'un accord de principe s'est dégagé à Biarritz à propos de cette force. L'absence du Rwanda, qui n'avait pas été invité par l'Elysée (le Monde du 8 novembre), n'a pas fait l'objet de commentaires lors des réunions des chefs d'Etat _ courtoisie oblige. Réitérant les explications de son entourage à ce sujet, M. Mitterrand a justifié l'absence du gouvernement de Kigali en affirmant : " Son désir de venir n'a pas été clairement exprimé devant moi. " Mais, a-t-il ajouté, " il n'y a aucune objection de principe à la présence du Rwanda parmi nous ", présence qui " s'impose et s'imposera ".

Y-a-t-il eu, selon François Mitterrand " un " ou " des " génocides au Rwanda ? Selon la version écrite de son discours de la veille, le président a fait état des " génocides " (le Monde du 9 novembre), alors qu'oralement il a parlé du " génocide ". Lapsus ? Posée au cours de la conférence de presse, la question a donné lieu à un rapide échange : " Par écrit c'était au pluriel et oralement c'était au singulier. Ce sont les mystères de l'éloquence ", a déclaré M. Mitterrand. "Vous voulez dire qu'il y a eu un génocide qui s'est subitement arrêté avec la victoire des Tutsis ? ", a-t-il ajouté, laissant entendre que le génocide n'était pas seulement le fait des extrêmistes hutus. Et de répondre, au journaliste qui affirmait s'interroger sur la bonne version : " Et bien je m'interroge moi aussi. " Le président évoquait une question totalement différente lorsque, un moment plus tard, il saisit une occasion pour revenir indirectement sur le sujet : " Ce qui m'engage, dit-il, c'est ce que je dis. "

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