Fiche du document numéro 17534

Num
17534
Date
Mercredi 16 novembre 2016
Amj
Auteur
Fichier
Taille
172474
Pages
16
Urlorg
Titre
Commission de la défense nationale et des forces armées : Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les opérations en cours
Nom cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
Mme Marie Récalde. Ma question peut paraître anachronique, car elle porte sur
une ancienne opération extérieure, mais c’est en tant que membre de la
commission de la Défense et du groupe d’amitié France-Rwanda que je vous la
pose.

Une dépêche AFP datée du 1er novembre relaie des accusations particulièrement
graves de la commission nationale de lutte contre le génocide du Rwanda à
l’encontre de vingt-deux officiers français. Cette campagne médiatique semble
destinée à discréditer notre pays et ses institutions au moment où la justice
française relance l’enquête sur l’attentat contre le Falcon du président
rwandais en avril 1994. L’enjeu n’est pas mince, car cet attentat avait marqué
le début du génocide rwandais.

Cette publication intervient au moment où une nouvelle commission rogatoire
internationale a été lancée par la justice française au début du mois
d’octobre contre le général Nyamwasa, qui vit actuellement sous protection
policière en Afrique du Sud. Cet ex-chef d’état-major rwandais est un ancien
proche du président Kagame, mais il l’accuse depuis plusieurs années d’être
responsable de l’attaque contre l’avion de l’ancien président rwandais. Quelle
est la position du ministère de la Défense sur ces informations ?


[...]
M. le ministre. Madame Récalde, il me paraît important que votre commission
sache bien de quoi l’on parle. La dépêche du 1er novembre dernier, qui relate
l’accusation portée par la Commission nationale de lutte contre le génocide
mise en place par le gouvernement rwandais contre les militaires français
engagés dans l’opération Turquoise, n’apporte, sur le fond, rien de nouveau.
En effet, plusieurs membres de cette commission faisaient déjà partie de la
commission dite « Mucyo », du nom de son président, dont l’objectif était de «
rassembler des éléments de preuve montrant l’implication de l’État français
dans la préparation et l’exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994 ».
Rien de neuf non plus, dès lors que, dès le mois d’août 2008, la commission
Mucyo publiait un rapport qui soulignait la responsabilité de vingt militaires
français appartenant à la chaîne de commandement de l’opération Turquoise, de
chefs d’état-major et de responsables militaires entre 1990 et 1994. Cette
récente publication s’inscrit donc dans la droite ligne des thèses
précédentes, affirmant la responsabilité de vingt-deux militaires français,
dont la liste est à peu près identique à celle de 2008.

Si j’en viens au point de situation judiciaire, une trentaine de procédures
sont actuellement conduites par des magistrats instructeurs du tribunal de
grande instance de Paris, la plupart au pôle « Crimes contre l’humanité et
crimes de guerre », et, à ce jour, seules deux procédures sont susceptibles de
mettre en cause la responsabilité des militaires français. Il s’agit, tout
d’abord, du dossier dit « Turquoise-Bisesero », dans lequel une dizaine de
demandes de déclassification de documents ont été traitées avec la plus grande
diligence par le ministère de la Défense. J’ai en effet toujours suivi les
avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Nous
avons ainsi déclassifié, au total, 1 100 documents, qui ont été communiqués
aux magistrats. Je tenais à apporter cette précision, car j’entends et je lis
parfois, y compris en France, des choses contradictoires à ce sujet. Aucun
militaire français n’a été mis en examen dans ce dossier. J’ajoute, pour être
complet, que quatre d’entre eux bénéficient, en raison des mises en cause dont
ils font l’objet, du statut de témoin assisté par nos soins. Dans le second
dossier, qui concerne des accusations de viol au préjudice de femmes
rwandaises, aucune mise en examen de militaires français n’est intervenue – je
le précise, car, là aussi, j’ai lu ou entendu des déclarations qui ne vont pas
en ce sens.

Enfin, une nouvelle affaire est en cours d’instruction, qui concerne
l’attentat contre le Falcon du président Habyarimana, dans lequel deux pilotes
français ont également perdu la vie. C’est dans le cadre de cette affaire que
les magistrats ont sollicité l’audition du général Nyamwasa.

Puisque vous abordez ce sujet, je saisis l’occasion pour réaffirmer à votre
commission que j’entends défendre sans concession l’honneur des militaires
français lorsqu’ils sont injustement accusés. La vérité ne se découpe pas
selon les vœux de tel ou tel, ni au gré des circonstances qui déplaisent à
l’un ou à l’autre.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le ministre. Affirmer que l’armée française a pris part au génocide est un
mensonge indigne, que je ne tolérerai jamais. Faut-il rappeler que, seule
parmi les membres de la communauté internationale, la France a pris toutes ses
responsabilités et engagé avec courage ses forces sur le terrain contre la
barbarie ? C’est le devoir de vérité, et lui seul, qui nous permettra de
panser les blessures du passé.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024