Fiche du document numéro 17155

Num
17155
Date
Mardi 30 juin 2009
Amj
Auteur
Fichier
Taille
622283
Pages
5
Urlorg
Titre
Rwanda 1994 : témoignage rétrospectif
Page
3-7
Mot-clé
Cote
Bulletin No 18
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
REFLEXIONS SUR LE TEMPS PASSE ET PRESENT

RWANDA 1994 : témoignage rétrospectif
Michel Cuingnet
AROM, dans son bulletin n° 12 de juin 2007, avait déjà traité du Rwanda en soulignant, sous la
plume de Jacques Bourdillon, « les interrogations qui demeurent ».
Quinze ans après le génocide, les témoignages restent contradictoires, non pas tant sur l’étendue
et l’horreur du crime que sur ses causes et les passions politico-médiatiques qu’il a déchaînées. Avec
le Tribunal d’Arusha, les tribunaux gachasa, la présentation de Mme Rose Kabuye devant un juge
fraçais et les déclarations toujours apaisantes de M Kouchner, une page semblait avoir été tournée,
mais c’est sans compter sur la profondeur du conflit ethnico-politique qui continue à miner ce pays.
Le Mémorial de la Shoah à Paris a marqué en mai, pendant une semaine, ce douloureux anniversaire par des tables rondes et la présentation en avant première du fim d’Anne Aghion « Mon voisin,
mon tueur ». Le risque d’amalgame a déplu à certains, mais fallait-il pour autant s’abstenir ?
Michel Cuingnet, ancien chef de mission d’aide et de coopération à Kigali, membre d’AROM, qui
se trouvait à l’époque sur le terrain, donne ci-dessous son analyse de la situation qui prévalait en
1994 au Rwanda et d’un certain nombre de raisons ou d’erreurs qui ont, selon lui, contribué à
rendre inévitable le génocide.

Trois évidences sont à rappeler pour comprendre dans quelle situation se trouve le Rwanda à la veille d’avril 1994 :

1. La situation économique et sociale du paysannat rwandais composant alors 85% de la population de ce petit pays d’Afrique centrale montagneux et surpeuplé.
2. La responsabilité des grandes institutions financières
internationales, Banque Mondiale (B.M.), Fonds monétaire international (FMI) qui influencèrent de façon unilatérale les responsables politiques des pays, dont la France, en charge du développement de l’Afrique.
3. Le comportement des responsables militaires français et l’engrenage de l’escalade guerrière.

Le Président Juvénal Habyarimana et Mme Rose Kakuye accusée de
l'organisation de l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion qui le ramenait
d'Arusha



I - Situation économique et sociale du Rwanda en 1994

La démence génocidaire s’enracine dans le surpeuplement, et le binôme « paysan-espace » est étroitement lié aux données socio-politiques du pays. Dans un territoire trop exigu, « l’espace vital » est en filigrane d’une logique de conflits et le déséquilibre est croissant entre des ressources disponibles et l’augmentation continue de la population, plus 3,4% l’an, depuis de nombreuses années. Sur certaines collines, en quatre-vingts ans, la population a été multipliée par dix, si l’on se réfère aux premiers recensements effectués par les Belges. En 1992, il résul-

tait d’une enquête démographique du monde rural, qu’une
famille de 10 personnes (moyenne d’un foyer rwandais)
devait vivre sur un demi-hectare… Au Rwanda le manque
cruel de terre, une surpopulation des campagnes, des
cultures de rente imposées (café-thé) aux cours déficitaires, au détriment des indispensables cultures vivrières ;
à cela s’ajoutent, sous l’autorité de l’Etat, une armée de
gueux sans commandement, et des milices extrémistes
hutues, les « interhamwé » répandues dans tout le pays.
Tels sont les facteurs incitatifs au désespoir meurtrier ;
l’importance de la démographie en période de crise ou de
révolution ne peut être éludée dans le contexte rwandais.
En avril 1994, des centaines de milliers de rwandais

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REFLEXIONS SUR LE TEMPS PASSE ET PRESENT

vivaient sous des bâches plastiques bleues dans un complet dénuement ; c’étaient les populations hutues chassées
par l’avance des troupes du
front patriotique rwandais
(FPR), tutsis obligés de fuir
leur pays, réfugiés en
Ouganda et désireux de
retrouver leurs terres. Les
milliers de « déplacés »
hutus étaient à la merci de
l’aide alimentaire internationale mais aussi des flots de
haine que déversait la radio
d’Etat : « radio des mille
collines » réclamant le
meurtre des « envahisseurs »
tutsis.
Le
Président
Habyarimana et son entourage ont recréé et amplifié
l’idéologie du « Hutu-Power
» déjà existante du temps de
Kayibanda, politique d’un
racisme inimaginable à l’encontre des tutsis.
Dans les moments difficiles,
il faut désigner l’ennemi à la vindicte des sans-terre, des
sans-le-sou. La création d’un ennemi « Inyenzi : le cafard
» qu’il faut écraser, a permis de rassembler une population
à la dérive autour d’un despote usé et dépassé par sa
propre maison : « l’Akazu », gardienne de la « nation
hutue ». On diabolise à nouveau l’autre - en l’occurrence
le tutsi - car, depuis quarante ans de massacres connus de
tous, l’impunité était garantie par le pouvoir hutu. Car si
les Tutsis du Front patriotique rwandais envahissent le
nord du pays, arrivent jusqu’à Kigali, ils tueront à leur
tour… On ne peut donc pas laisser les tutsis reprendre
leurs terres et le pouvoir conquis depuis 1960 avec le
concours de l’église catholique belge et les complaisances
de l’ancien colonisateur.
Quelques semaines avant le 6 avril 1994, date de la mort
du Président Habyarimana dans le crash de son avion, on
croisait dans les rues de Kigali des défilés de « interhamwe » chantant : « notre ennemi est unique, nous le
connaissons, c’est le Tutsi qu’il faut tuer». pour s’en protéger, le gouvernement avait fait distribuer des milliers de
machettes, en provenance de Chine. Il faut rappeler que
sur ce petit territoire, les Twas, les Tutsis et les Hutus
cohabitaient, même si ces derniers étaient majoritaires.
Dès l’annonce de l’attentat contre l’avion présidentiel, la
chasse à mort aux tutsis a commencé dans Kigali et ses
environs immédiats où étaient installés les camps de réfugiés hutus qui envahirent la capitale en quelques heures ;
dant toutes les rues, on voyait des hommes, des femmes,
des enfants dépecés, laissés aux chiens. Tuer l’autre à
coup de machette ; tuer pendant des jours, des semaines.
Parcourir les rues, les villages, forcer les maisons, les

églises et donner des coups de lance sur la tête et les
membres de tous ceux qu’il fallait « écraser » et selon les
mots d’ordre de la « radio
des mille collines » : « bien
achever le travail » – car il
ne doit rien rester en vie de
la population tutsie. Réduire
ainsi une surpopulation,
bénéficierait aux survivants….
A quel degré d’exaspération
faut-il être conduit pour
«couper» l’autre en morceaux, le Rwandais semble
n’avoir qu’une religion : la
peur. Mais la misère a été
aussi tranchante que la
machette, on a tué pour avoir
la place de vivre, de manger,
de cultiver sur un espace
plus grand et surtout les tutsis furent massacrés par
crainte viscérale du retour
d’Ouganda des Tutsis rescapés des massacres perpétrés
par les hutus en 1959, en 1962, 1963, 1973 « s’ils venaient
demander des comptes ».
Les dirigeants du pouvoir hutu ont exploité les craintes et
les peurs des populations, sans travail, sans ressource,
sans raison politique. Ils ont ordonné de liquider l’ennemi
« désigné » dont on s’emparerait des biens pour mieux
vivre. Il s’en est suivi une tuerie inter-ethnique comme

jamais l’Afrique n’en avait connue, un génocide.
En 1994, au Rwanda petit pays chrétien d’Afrique centrale, après cent ans de colonisation européenne, un
nombre incalculable de personnes ont été tuées, l’une
après l’autre, à la main… Il n’y eut ni bombardement, ni
chambre à gaz, mais un individu a massacré, à coup de
machette, un autre individu, qu’il voyait, qu’il tenait…
comme on extirpe une mauvaise herbe de son champ….

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REFLEXIONS SUR LE TEMPS PASSE ET PRESENT
Et cela s’est répété pendant des semaines, des dizaines de
milliers de fois…

sont reportées.
En 1993, les effectifs militaires de 5 000 hommes en 1989
sont passés à 40 000 auxquels s’ajoutent 10 000 miliciens
(interhamwe). Dès janvier 1993, reprise de la guerre interethnique, 500 000 déplacés dont plus de 200 000 autour
de la capitale Kigali, les tensions sociales croissent sur les
collines comme dans les villes.

II - La responsabilité des grandes institutions financières internationales
Dans les années 1980, le Rwanda est considéré comme le
bon élève du FMI et de la Banque mondiale avec un taux
d’endettement bas, une monnaie forte mais aussi une
démographie galopante, près de 280 habitants au Km2, en
majorité paysanne.

En septembre 1993, outre les mesures de démobilisation
suite aux accords de paix d’Arusha, il fallait prévoir et
organiser le retour des « déplacés » et programmer une
aide très importante pour ce faire. Dès 1992, le rééchelonnement de la dette s’imposait, mais ne fut pas fait.
L’incapacité des institutions financières internationales à
« conforter », par une aide massive, le Gouvernement de
transition (G.T.B.E.) mis en place après les accords
d’Arusha a eu les conséquences les plus dramatiques.

En 1992, le premier ministre Balladur souhaite « multilatéraliser » l’aide à l’Afrique et fait reposer son développement sur la politique définie par la Banque mondiale. Le
Rwanda est livré aux stratèges du FMI et de la BM. Les
séminaires répétés sur la programmation du développement rural à long terme sont autant de signes de désarroi
des experts que de mobilisation des énergies. Tous les
grands projets sont marqués du sceau de la BM, mais le
scandale de la déforestation du massif de Gishwati, au
N.O du pays, pour la création d’un élevage bovin et d’une
laiterie présidentiels, entièrement financés par la BM fut
vite étouffé.
En 1990, un programme d’ajustement structurel est mis en
place par la BM et le FMI. A cette date, la pluviométrie
insuffisante avait nécessité une importante aide alimentaire et la BM estimait que 50% de la population vivait
sous le seuil de pauvreté.
Le programme d’ajustement structurel avait conduit à une
première dévaluation de 40% du franc rwandais et en
1992 une nouvelle dévaluation de 15% est imposée.
Pendant la période 1987 à 1992, la chute du cours du café,
qui représente 75% des recettes d’exportation, est de plus
50%. En 1989, les cours de l’étain s’effondrent. Devant
l’accroissement des dépenses militaires, plus de 200% en
1992, le FMI et la BM suspendent leur aide et la deuxième
tranche du crédit d’ajustement structurel de 90 millions de
dollars n’est pas mise en place. A ce moment en supposant
que les dons et crédits extérieurs représentent environ 200
millions de dollars, le financement du déficit budgétaire
nécessiterait un apport du même montant, auquel il faudrait ajouter 75 millions de dollars pour rétablir le niveau
des réserves de change. Le programme d’ajustement structurel
n’a pas réussi.

Le chef du FDLR

Guerriers interhamwé

D’août 1993 à avril 1994, pendant neuf mois, la famine
s’installe sur les collines, une grande partie des fonctionnaires ne perçoit qu’une moitié de solde, sauf les militaires qui absorbent 70% des dépenses ordinaires de l’état,
pratiquement en faillite. Or les militaires connaissaient les
mesures de démobilisation, préconisée à Arusha, mais
rien ne leur était proposé… chômeurs potentiels, sans
solde, sans travail, condamnés au brigandage. Pendant
cette période la moitié des entreprises de la zone industrielle de Kigali était en chômage technique faute d’eau et
d’électricité. Sans moyens, les retours des déplacés sur
leurs terres étaient impossibles car, dès septembre 1993, il
aurait fallu fournir semences et outils à des centaines de
milliers de paysans cantonnés dans les camps de réfugiés
et démunis de tout. Ces données étaient connues du FMI
et de la BM.

En 1992 le PNB par habitant se
situe à 215 dollars. En quelques
années le Rwanda est devenu
l’un des pays les plus pauvres du
monde et les réformes foncière et
fiscale comme également la privatisation des sociétés d’état

Après les accords de paix d’Arusha, une réunion avait été
programmée à Washington entre des ministres représentants du FPR et des membres du Gouvernement de transition issu d’Arusha. La BM se trouvait placée devant l’urgence à financer le programme des résolutions des
accords d’Arusha. Non seulement la deuxième tranche du

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REFLEXIONS SUR LE TEMPS PASSE ET PRESENT
crédit, inscrit, n’a pas été mise en place, mais en août
1993, alors que les accords de paix étaient signés, la
Banque Mondiale a suspendu tout concours tant que le
Gouvernement de transition n’était pas en fonction…

le ton et pour l’Elysée « un pays ami » doit être défendu
contre des rebelles (le Front patriotique rwandais, tutsi)
venant de l’extérieur. A Paris, les hauts responsables de
l’état-major sont très écoutés et qualifieront les troupes
FPR de guérilleros, de « khmers noirs ». Pour ces officiers
supérieurs, comme pour le Président Mitterrand, ces
rebelles n’ont aucun avenir politique et seule la majorité
hutue doit conduire le pays L’aide militaire française au
Rwanda doit se mettre au côté des autorités démocratiquement élues. Depuis 1973, Habyarimana est réélu à la tête
de l’Etat rwandais, ainsi la France manifestait une certaine
cohérence avec le camp qu’elle avait choisi. Mitterrand,
fidèle aux pratiques clientélistes, soutiendra jusqu’au bout
son « ami » Habyarimana.

La Banque Mondiale est d’autant plus fautive de cette
décision qu’elle était le leader écouté de tous les bailleurs
de fonds.

Août 1993, accord d’Arusha, mais suspension de
la l’aide de la BM

Avril 1994, début du génocide.
Neuf mois de gestation d’un crime prévisible contre le
peuple rwandais sous le regard des experts de la BM et de
la communauté internationale.
III - Comportement des chefs militaires français

Entre les télégrammes diplomatiques adressés à Paris et ce
qui était vécu sur le terrain, les discordances étaient flagrantes.

Quel intérêt stratégique pouvait avoir la France en intervenant militairement dans ce petit pays de
l’Afrique centrale, ex-colonie belge. De 1991
à 1994, les medias français ont consciemment
tu « l’aventure militaire française au Rwanda
».
Les pays d’Afrique francophone faisaient
partie du « pré-carré » et du domaine réservé,
le Président Mitterrand déclarait au journal
«le Monde » le 20 janvier 1983 : « Il n’est pas
concevable qu’une politique soit mise en
œuvre sans mon accord, plus exactement sans
mon impulsion ».

Paul Kagamé, actuel chef de
l'Etat

A-t-on, volontairement ou par aveuglement
belliciste, caché à Mitterrand la vérité sur
l’évolution dictatoriale et raciste du régime
Habyarimana ? L’ordre doit régner…. «nous
avons la situation bien en main.» déclare
l’état-major français et les politiques suivront
les instructions de Paris, dictées par les militaires, dont le comportement manichéen facilite les décisions. Qui est l’ennemi ? qui
attaque ? s’il faut soutenir Habyarimana,
l’ennemi ne peut être que le FPR….

En 1993, le nombre de massacres de Tutsis
par les militaires « interhamwé » ne cesse d’augmenter et
la distribution d’armes à la population se généralise. «
L’entourage présidentiel continue à distribuer des armes
aux milices et à la population, le but ne peut être que de
provoquer, en temps opportun, des troubles sanglants pour
empêcher l’exécution des accords d’Arusha » déclarait fin
1993 l’Ambassadeur de Belgique, en résidence à Kigali.

En 1990, sommet de La Baule, la France se met au diapason de la Banque Mondiale et Mitterand annonce que les
aides seront mesurées aux efforts accomplis pour une plus
grande liberté démocratique. Au sommet de La Baule,
Habyarimana, considéré comme un ami de François
Mitterrand, s’engage à mettre en place, au Rwanda, le
multipartisme. En 1990, Juvenal Habyarimana est perçu
comme un chef d’état «sage» et promesse lui est faite
qu’il sera aidé tant sur le plan militaire que civil ; un
Falcon 50 lui est donné pour sceller cet engagement. Les
4 et 5 octobre de la même année ; après « la fausse »
attaque de Kigali, la France envoie une compagnie de
parachutistes pour « défendre les étrangers résidant au
Rwanda »…. On apprendra très vite que ce simulacre
d’attaque FPR sur Kigali fut monté par l’armée régulière
rwandaise pour « tester l’amitié de la France » ! Fin
octobre 1990, les troupes françaises représentent 600
hommes.

Les accords de paix d’Arusha ont été signés le 4 août 1993
mais, dès juillet, Habyarimana est désavoué par son
propre clan et la CDR, parti extrémiste, « coalition pour la
défense de la république » exige la démission du chef de
l’état. Habyarimana devient une gêne pour l’« Akazu »
qui veut fomenter un putsch militaire et organiser un soulèvement national contre l’envahisseur tutsi. Les accords
d’Arusha ne furent jamais appliqués, ils prévoyaient le
partage du pouvoir politique au niveau du gouvernement
(GTBE, gouvernement de transition à base élargie), la
fusion des deux armées (nationale et FPR) et le licenciement de 36 000 hommes en deux ans. Des troupes démobilisées, non réinsérées dans la vie civile, non payées, se
transforment vite en pillards et en « génocidaires ».

En 1990, la coopération civile de la France en Afrique est
réduite, éclatée, souvent incohérente entre les différents
intervenants. Cette coopération fait l’objet de critiques
sévères, le rapport Vivien en est l’exemple. A défaut de
politique bien définie, ce sont les militaires qui donneront

La France, après être intervenue militairement en octobre

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REFLEXIONS SUR LE TEMPS PASSE ET PRESENT
1990 pour freiner l’avancée des troupes FPR, s’installa
militairement au Rwanda dès cette date et restera - officiellement - jusqu’au moment où le dispositif de la
Minuar (ONU) sera en place. La France interviendra
directement sur les lieux de combat contre le FPR, à
Ruhengeri, les 24 et 25 janvier 1991 ; les batteries d’artillerie étaient « servies » par des militaires français et la
capitale, Kigali, de 1991 à 1994, sera « tenue » par les
légionnaires français qui effectuaient la fouille des véhicules à l’entrée et la sortie de la ville où des barrages,
étaient installés. Les « instructeurs » français patrouillent
, sillonnent les routes, réorganisent et entraînent l‘armée
rwandaise. Les militaires belges sont, eux, placés sous le
commandement de l’ONU.

daises. Grand nombre d’officiers et de soldats, d’origine
rwandaise, se retrouve, de ce fait, dans les rangs du FPR
qui fort de « ses » troupes fraîches envahira le pays et
bénéficiera d’armes soldées par les Ougandais…
En 1993, la BM eut les mêmes exigences avec le Rwanda
et imposa la démobilisation et un programme de réintégration des 36 000 militaires des deux camps FPR (Front
patriotique rwandais) et FAR (Forces armées rwandaises)
qui devront être rendus à la vie civile. Dès les accords de
paix d’Arusha en août 1993, environ 600 soldats et officiers FPR sont installés dans l’immeuble du Parlement
contrôlé par la MINUAR (ONU)
En fin 1993 et début 1994, les aides humanitaires mobilisent beaucoup d’énergie. Dans ce maelström d’aides
d’urgence, de priorités de première nécessité, de secours
en tout genre, l’impression qui se dégage n’est pas le
constat d’une amélioration des conditions de vie des
populations, mais de cette concurrence effrénée des ONG
voulant tout faire, tout guérir …. Le sentiment qu’il faut
d’abord planter « son » drapeau. En décembre 1993, sur
77 ONG, de toutes nationalités, travaillant au Rwanda,
douze d’entre elles avaient un service de presse avec photographes et preneurs de son, aucune, un service de documentation sur le Rwanda et une connaissance minimale du
conflit.

Le chef du détachement français de la coopération militaire (le DAMI) cumule ses fonctions avec celle de
conseiller auprès du chef d’état-major des forces armées
rwandaises (FAR) et du Président Habyarimana.
Dans le contexte politique en déliquescence, Paris se laissait porter par la tactique militaire. Les colonels français
«bellicistes » organisaient « leur » guerre contre les tutsis
du FPR et recevaient matériels lourds et contingents
renouvelés des parachutistes légionnaires. L’évolution
tragique et sans retour de la situation n’est pas perçue
lucidement par la représentation française en poste : «elle
n’écoutait pas et n’entendait rien »… disait l’ancien
ministre rwandais de la défense, James Gassana, réfugié
en France depuis juillet 1993.

Le 6 avril 1994 à 20h 30, attentat contre l’avion présidentiel ; dès l’annonce de la mort des présidents rwandais et
burundais, l’extermination de tout tutsi présent à Kigali
commence. Dans la nuit du 6 au 7 avril, la capitale Kigali
devient un haut lieu de massacres, jusqu’à l’arrivée des
troupes du FPR. L’armée française comme le contingent
des Casques Bleus de l’ONU s’étaient retirés laissant le
pays aux « génocidaires ».Il faudra attendre de longues
semaines l’opération « Turquoise ». n

La France militaire est omniprésente au Rwanda : formation des cadres de la Garde nationale et présidentielle,
détachement des parachutisres « Noroit », interventions
techniques dans les combats de l’armée rwandaise avec le
FPR, acheminement d’équipements, envoi de gendarmes
spécialisés dans la lutte anti-terroriste. La France a besoin
de montrer sa force et sa volonté de protéger un dictateur
« ami » d’une offensive lancée par sa propre population,
exilée hors frontières qui, après trente ans de massacres
organisés par le pouvoir hutu, tente de rentrer chez elle.
Rappel : le 30 septembre 1990, lors des accords avec la
BM, le FPR attaque depuis l’Ouganda avec environ 3 000
hommes et envahit le nord du Rwanda. Il faut souligner
que le prêt d’ajustement structurel appliqué par la BM à
l’Ouganda était conditionné par la démobilisation d’une
partie des effectifs de l’armée de Museveni qui, sous cette
injonction commence par limoger « ses » troupes rwan-

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