Fiche du document numéro 1715

Num
1715
Date
Vendredi 19 août 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
27707
Pages
3
Sur titre
La fin de l'opération « Turquoise » restant fixée au 22 août
Titre
Les soldats français ne resteront pas un jour de plus au Rwanda
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Les organisations non gouvernementales ont beau crier à la catastrophe, le discours du Quai d'Orsay ne varie pas : l'opération Turquoise ne durera pas un jour de plus que prévu. Le mandat de deux mois accordé par l'ONU s'achevant lundi 22 août, les 650 soldats français encore présents dans la Zone humanitaire sûre (ZHS) seront donc partis au plus tard dimanche.

Paris demeurera inflexible. La France, qui a réussi à lever les soupçons dont son initiative était initialement entachée, va donc prendre le risque de provoquer, par son départ, un nouvel exode, alors qu'on l'adjure de rester sur place. En deux mois, la situation au Rwanda a totalement changé : intervenus en pleine guerre pour interrompre un génocide, les militaires français confirment leur départ alors que, la guerre terminée et la victoire du Front patriotique rwandais (FPR) acquise, ils jouent un rôle essentiel de tampon entre les deux communautés, après le gigantesque exode que l'on sait.

Trente mille Rwandais seraient sur les routes de la zone humanitaire sûre, en direction de Bukavu, au Zaïre, où vingt mille réfugiés sont déjà arrivés ces trois derniers jours, selon les organisations humanitaires. Si « on est loin du fleuve humain annoncé », comme le dit un porte-parole de l'opération « Turquoise », ce nouvel exode, provoqué par le départ progressif des Français les Hutus ayant peur des représailles du FPR , risque de prendre de bien plus grandes proportions dans les jours à venir. Mais même si tel était le cas, la France maintiendrait sa position.

Silence des Nations unies



Les propos d'Edouard Balladur sur la question n'ont pas toujours été aussi clairs que le laissait entendre le porte-parole du Quai d'Orsay, mercredi 17 août, en déclarant que « le premier ministre s'est exprimé clairement sur cette question : la France retirera [ses hommes] à la date prévue ». En visite à Goma, le 31 juillet, M. Balladur avait en effet affirmé que « si nous avions le sentiment que notre action pouvait fragiliser la situation et déterminer de nouveaux troubles, de nouveaux exodes, c'est bien entendu quelque chose qui pèserait sur notre décision ». Force est de constater qu'à quatre jours de l'échéance, la France ne semble pas convaincue de l'imminence de nouveaux troubles ou d'un nouvel exode, quand bien même la relève de l'ONU tarde à se déployer.

Pour le moment, la relève est maigre : seulement 650 Ghanéens et 150 Ethiopiens ont pris position dans la zone humanitaire, dans le cadre de la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), qui doit déployer 2 000 hommes dans la zone. Outre que ces troupes sont beaucoup moins bien équipées et armées que celles de « Turquoise », elles n'ont pas la confiance des Rwandais, échaudés par l'expérience vécue en avril dernier (l'ONU avait rappelé ses « casques bleus », ne laissant sur place qu'un petit contingent au pire moment des massacres). La France, demeurée inflexible quant à la durée de son opération afin, notamment, de mettre la communauté internationale devant ses responsabilités, n'a pas été entendue : les 5 500 hommes initialement prévus par l'ONU pour l'ensemble du pays sont loin d'être rassemblés.

Le secrétaire général de l'ONU, comme les Etats-Unis, ont donc instamment prié Paris de revoir sa position. Mais en cette période estivale, les Nations unies demeurent bien silencieuses depuis quelques jours, alors qu'un maintien des troupes françaises supposerait le vote d'une nouvelle résolution de l'ONU. L'homme fort du nouveau régime rwandais, le général Paul Kagamé, dont l'avis est autrement plus important pour Paris, s'est en revanche exprimé. Si les Français décidaient de rester « cela signifierait qu'ils cherchent des ennuis, a-t-il affirmé mercredi, et les ennuis attirent les ennuis ». Et le vice-président, ministre de la défense, d'ajouter : « ce serait de la provocation qui ne pourrait avoir que des effets négatifs ».

Alors que la France était intervenue en juin sans l'autorisation du FPR qui n'était alors pas encore au pouvoir, pas question, aujourd'hui, de rester sur le territoire rwandais sans son autorisation. « Tous les signaux qui nous ont été donnés montrent que le gouvernement de Kigali ne veut en aucun cas que nous restions », note-t-on dans l'entourage d'Alain Juppé. Aussi nul ne doute que l'opération « Turquoise » prendra fin dimanche, la France ne laissant qu'environ 450 hommes au Zaïre, en appui logistique aux troupes africaines qu'elle a convaincues de s'engager.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024