Fiche du document numéro 16902

Num
16902
Date
Mercredi 27 avril 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
21253
Pages
3
Urlorg
Titre
Réponse du ministre des Affaires étrangères à une question d'actualité à l'Assemblée nationale [Sur la détention de ressortissants français de l'association « Première Urgence » en Bosnie]
Lieu cité
Source
Fonds d'archives
Type
Question d'actualité au Parlement
Langue
FR
Citation
Q - Monsieur le Président, ma question s'adresse à M. le ministre des Affaires étrangères. Monsieur le Ministre, depuis près d'un mois, onze jeunes volontaires français de l'association Première Urgence croupissent dans les cellules d'une prison militaire serbe. Leur seul crime a été de tenter de porter secours à une population par des vivres et des médicaments, à une population en proie à un siège effroyable.

La soldatesque qui les détient s'est autoproclamée gouvernement de la République serbe de Bosnie. Comme nous le savons tous, les dirigeants de ce soi-disant gouvernement sont en train d'être traduits par les nations démocratiques, dont la nôtre, devant un Tribunal international pour crimes contre l'humanité. Et ces criminels n'ont pas hésité à remplir de caisses d'armes les camions de l'association humanitaire pour mieux l'accuser avec de fausses preuves.

Devant un tel scandale, il me semble que les condamnations les plus fermes et une riposte appropriée sont nécessaires. Or, à ce jour, et c'est la raison de ma question, le Gouvernement français n'a pas condamné publiquement et n'a pas riposté. Les services du Quai d'Orsay ont recommandé à l'association Première Urgence et aux familles terriblement inquiètes la discrétion.

Pour avoir été confronté dans le passé, à plusieurs reprises, à des situations identiques, je crois pouvoir vous dire avec certitude que dans ce genre de situation, rien n'est plus néfaste que la discrétion. La discrétion ne profite jamais aux victimes, elle profite toujours aux bourreaux. Et aujourd'hui, les bourreaux s'enhardissent puisqu'ils viennent d'annoncer que les onze Français vont être traduits dans quelques jours devant un Tribunal militaire. Il me paraît évident, et je suis sûr que vous allez me le confirmer, Monsieur le Ministre, que la France ne va pas laisser traduire onze jeunes gens qui sont l'honneur de nos idéaux humanitaires devant le tribunal truqué des organisateurs de la purification ethnique.

Ma question est donc la suivante, Monsieur le Ministre, je voudrais tout d'abord vous demander de bien vouloir condamner de la façon la plus ferme aujourd'hui, devant la représentation nationale, ce nouveau crime des Serbes de Bosnie. Je voudrais ensuite vous demander ce que le gouvernement français compte faire pour obtenir la libération inconditionnelle et rapide de ces otages et pour éviter leur traduction devant un tribunal militaire, ce qui serait un grave discrédit international pour la France. Je suis sûr que votre gouvernement ne le permettra pas.

R - Monsieur le Président, Monsieur le Député, je peux vous dire que le gouvernement, Monsieur le Député, partage totalement à la fois votre analyse et votre souci. Je rappelle les faits : le 8 avril dernier, un convoi de l'organisation Première Urgence parti de Split et qui se rendait à Sarajevo pour y livrer 7000 colis familiaux a été intercepté par des forces bosno-serbes. Un montage a été effectué dans la nuit du 8 au 9 avril, puisque nos compatriotes ont été éloignés pendant toute cette nuit de leurs véhicules, ce qui a permis ensuite à la télévision serbe de montrer des armes qui n'étaient pas dans les convois, d'après toutes les informations, bien entendu, dont nous disposons. Elles y ont été introduites dans des buts de manipulation. Voilà les faits.

Je voudrais vous dire, Monsieur le Député qu'il y a bien longtemps, depuis le 8 avril, que la France a condamné cette interception et cette prise d'otages.

J'ai moi-même utilisé, je crois que c'est ici, en répondant à une question d'actualité le terme de "prise d'otages" ; j'ai immédiatement demandé la libération sans délai et sans condition de nos compatriotes. Nous avons multiplié depuis cette date toutes les démarches auprès de l'ONU, auprès du Haut commissariat aux Réfugiés, auprès du Comité international de la Croix rouge, à Belgrade - où notre chargé d'affaires a été faire les représentations nécessaires auprès des autorités serbes - à Paris, où nous avons convoqué le chargé d'affaires serbe, mais également à Sarajevo, et encore aujourd'hui, à Genève, d'où j'arrive à l'instant même.

Nous avons également tout fait pour entrer en contact avec nos compatriotes et avec leurs familles. Ces familles ont été tenues, par l'intermédiaire du Secrétaire général de Première urgence, au courant de nos démarches, jour après jour. Nous avons également organisé à leur intention deux réunions : l'une le 21 avril, l'autre le 25 avril, pour les tenir informés de nos démarches et depuis lors, nous sommes en correspondance téléphonique avec elles, chaque fois que nous avons une information.

C'est pour la première fois le 22 avril, si je ne me trompe, que notre ambassadeur à Sarajevo, M. Jacolin, accompagné de deux de ses adjoints, a pu rencontrer nos compatriotes pendant une heure et demie. Il a constaté qu'ils n'avaient pas subi de mauvais traitements, que leurs conditions de détention - qui étaient très dures au début - ont été légèrement améliorées. Il a pu leur remettre des messages de leur familles ainsi qu'un certain nombre de colis.

Vous voyez donc que nous sommes, en permanence présents sur le terrain, aussi bien d'ailleurs le ministère de la Défense que le ministère des Affaires étrangères, pour savoir ce qu'il en est et pour obtenir la libération. Et je redis, ici, de la manière la plus nette devant la représentation nationale - puisque la première fois où je l'avais dit, cela n'avait pas été suffisamment entendu, peut-être pas suffisamment bien exprimé - que nous condamnons, sans aucune hésitation possible ce qui est un acte sans justification et que nous exigeons la délivrance immédiate et sans condition de nos onze compatriotes, qui sont l'honneur de la France, parce qu'ils ont fait tout leur devoir humanitaire et rien d'autre.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024