Fiche du document numéro 14578

Num
14578
Date
Vendredi 5 août 1994
Amj
Fichier
Taille
127706
Pages
2
Urlorg
Titre
Jean Carbonare président de Survie : Donner crédit au nouveau gouvernement
Sous titre
Le président de Survie, une association née de l'appel de 101 prix Nobel pour une nouvelle coopération, rentre de Kigali.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
- Je viens de faire deux séjours au Rwanda, à trois semaines d'intervalle. Le premier, avant la prise de Kigali ; le deuxième, pour la prestation de serment du nouveau gouvernement. J'ai donc surtout séjourné dans les zones « libérées ». Et j'y ai vu des changements assez spectaculaires. La première fois, tout était sens dessus dessous. Il y avait des gens partout sur les routes, Kigali ressemblait à une ville morte. La deuxième fois, c'était un retour timide à la vie, des paysans dans les champs, un début de vie dans l'est du pays. Il n'existe pas d'autres solutions que de faire confiance aux nouvelles autorités, de les aider dans leur souci de réinstaller les populations dans des sécurités réelles, des espérances communes. J'y crois beaucoup.

- Il y a quelques jours à peine, on les appelait encore des rebelles, quelle représentativité a ce gouvernement ?

- Il est regrettable que l'on accorde si peu de crédit aux engagements qu'il vient de prendre. On nous parle de rebelles, de gouvernement du FPR, alors qu'il y a nombre de Hutus modérés en son sein et ce ne sont pas des faire-valoir. Il en est parmi eux que je connais personnellement depuis longtemps et ce sont des hommes de qualité, compétents. Quand j'entends Alain Juppé les apostropher : « Serez-vous capables ?… », j'ai envie de lui retourner la question. La France a, dans cette tragédie du Rwanda, de grandes responsabilités. On fait aujourd'hui beaucoup de bruits et de tapage pour les occulter. Elle doit cesser de se comporter ainsi, en terrain conquis. L'opération « Turquoise » a certainement permis de sauver quelques milliers de vies humaines, mais elle fut surtout une formidable bouée de sauvetage pour des criminels. Ainsi, on a vu François Léotard, le ministre de la Défense, serrer la main de deux généraux impliqués dans les massacres de Kigali.

- Cette responsabilité ne date pas d'hier ?

- Je suis allé quatre fois au Rwanda. Il y a quelques années, j'ai rencontré des instructeurs militaires français dans des camps où des milliers de civils, emmenés par camions, étaient torturés, interrogés, assassinés et ensevelis dans des fosses. Je l'ai dit à l'ambassadeur de France, à l'époque. Le gouvernement le savait et il a continué à soutenir ce régime qui massacrait. Militairement, politiquement, financièrement. Nos gouvernants doivent nous rendre des comptes sur leur politique africaine, leur soutien à Bongo, à Mobutu, aux dictateurs. D'ailleurs, le rapporteur de la commission de l'ONU a situé quatre niveaux de responsabilités. Et l'un de ces niveaux parle de « certains pays étrangers dont il faudra clarifier la position ».
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