Fiche du document numéro 145

Num
145
Date
Samedi 18 juin 1994
Amj
Fichier
Taille
156252
Pages
4
Titre
Communiqué de la Présidence de la République
Source
Fonds d'archives
FM
Type
Communiqué
Langue
FR
Citation
PRÉSIDENCE
DE LA Paris, le 18 juin 1994
RÉPUBLIQUE

COMMUNIQUE

Les accusations portées par les représentants de la Fédéra-
tion internationale des droits de l'homme contre la politique française
au Rwanda depuis 1990 à propos des massacres qui s'y sont déroulés
appellent la mise au point suivante :

1. SUR L'INTERVENTION FRANCAISE EN 1990

En octobre 1990, une offensive militaire lancée depuis le ter-
ritoire d’un pays voisin menaçait gravement les fragiles équilibres du
Rwanda.

La France et la Belgique envoyèrent à Kigali un détachement
pour protéger et évacuer leurs ressortissants. La France est ensuite
restée sur le terrain pour éviter la reprise des combats tout en menant
une action diplomatique en vue d’un accord politique entre les parties.

Ceux qui critiquent aujourd'hui, quatre ans après, cette déci-
sion, considèrent-ils qu'il fallait laisser cette intervention
s'accomplir ? Si telle avait été la décision des autorités fran-
çaises, que n’eût-on entendu sur l'abandon par la France de ses amis
africains.

Considèrent-ils également que toute minorité, quelle que soit
la légitimité de ses droits, peut les faire prévaloir par les armes avec le
soutien de tel pays extérieur ? On imagine aisément à quel chaos
conduirait l'application d’un tel principe en Afrique.

2/...

2. SUR LES OBJECTIFS DE L'INTERVENTION FRANCAISE

On prétend aujourd’hui que l'intervention de la France
n'aurait eu d'autre but que de soutenir un régime dictatorial. Cette
allégation ne résiste pas à l'examen.

Les conditions et les objectifs de la politique française au
Rwanda ont été clairement fixés par le Président de la République, en
particulier dans une lettre au Président Habyarimana du
30 janvier 1991. "Ce conflit, écrivait le Président Mitterrand, ne peut
trouver de solution durable que par un règlement négocié et une
concertation générale dans un esprit de dialogue et d'ouverture".

Il précisait que plusieurs conditions devaient être remplies :
“l'ouverture d’un dialogue direct avec toutes les composantes de la
nation, l'avènement d’un Etat de droit respectueux des droits de
l'homme, le règlement de la question des réfugiés".

D'octobre 1990 à décembre 1993 jusqu'à l'arrivée de la
MINUAR, la présence militaire française, loin de constituer un soutien
unilatéral au régime en place, a eu un effet sur chacune des parties :
dissuader le F.P.R. de rechercher une solution militaire ; pousser le
Président Habyarimana à accepter un partage négocié du pouvoir avec
le F.P.R.

À chaque fois qu'elle a eu connaissance d'exactions et
d’atteintes aux droits de l’homme, la France est aussitôt intervenue,
multipliant les démarches pour que les responsables soient recherchés
et poursuivis.

3. SUR LES RESULTATS DE L'ACTION DE LA FRANCE

Cette action avait permis de mettre en route un processus de
réconciliation nationale qui avait rapidement produit des résultats
significatifs : cessez-le-feu (mars 1991), nouvelle constitution
(juin 1991), création de neuf partis politiques (juillet 1991),
gouvernement de transition conduit par un Premier ministre de

3/...

l'opposition (avril 1992), en dépit des tentatives des extrémistes des
deux camps de contrarier ces efforts.

Les négociations ont abouti aux accords de paix d’Arusha
(21 août 1998) qui organisent le partage du pouvoir entre gouverne-
mentaux et F.P.R. et le retour des dirigeants et d’une partie des forces
au F.P.R. à Kigali.

L'accord d'Arusha fut unanimement salué comme un succès.
Le Président du F.P.R., M. Kanyarengwe, écrivit au
Président Mitterrand le 28 août 1993 pour lui “exprimer ses remercie-
ments les plus sincères pour le rôle joué par la France" dans les négo-
ciations.

Personne alors, en France ou ailleurs, ne s'avisait de dénigrer
une politique qui, conformément à l'esprit du discours de la Baule,
marquait un progrès de la démocratie et de la paix au Rwanda.

4. SUR LES EVENEMENTS SUCCESSIFS A L'ACCORD D'ARUSHA

Conformément à l'obligation qui lui était faite par l'accord
d’Arusha, la France a retiré sa présence militaire du Rwanda au
moment où s’installait la MINUAR.

Curieusement, certains de ceux qui stigmatisaient cette pré-
sence ont dénoncé son retrait au motif que la France aurait ainsi
laissé le champ libre aux massacreurs.

Mais pour avoir retiré ses militaires, la France ne s’est pas
pour autant désintéressée du sort du Rwanda. Elle n'a cessé
d'intervenir pour mobiliser la communauté internationale. Ainsi dès le
27 septembre 1993, le Président de la République écrivait-il au
Président Clinton que "si la communauté internationale ne réagit pas
rapidement, les efforts de paix que les Etats-Unis et la France ont,
avec les pays de la région, fermement appuyé, risquent d’être
compromis.

Voici les faits. Que reproche-t-on alors à la France ? De
n'avoir pas laissé se perpétrer une action déstabilisatrice contre un
pays ami ? D'avoir pesé de tout son poids pour pousser les adversaires
à négocier et à s'entendre ? D'avoir alerté la communauté internatio-
nale pour qu’elle relaye ses propres efforts ?

Est-ce bien là la “politique détestable" que l'on fustige ? Et si
cette politique était détestable, quelle était la politique de rechange,
assurément sympathique et efficace, qu'il convenait de mener ? Quel
pays l'a préconisée ? Qui s’est proposé d’en assumer la responsabilité ?

L'émotion légitime que suscite le spectacle de l'horreur au
Rwanda ne justifie pas que l'on instruise des procès sommaires, au
mépris de la simple vérité.
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