Fiche du document numéro 14365

Num
14365
Date
Vendredi 22 juillet 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
107284
Pages
2
Urlorg
Titre
Radio-Muhabura a pignon sur rue
Cote
no 15532
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial au Rwanda.

RADIO-MILLE-COLLINES (RTMC) a quitté Kigali pour le Zaïre après avoir transité par Gisenyi puis, pendant un certain temps, par la zone sous contrôle français dans le sud-ouest du Rwanda. Cet émetteur, qui est notamment lié à la Coalition pour la défense de la république (CDR), la composante la plus ouvertement extrémiste de la dictature déchue, avait été l'un des instruments les plus efficaces de l'appel au massacre. Depuis plusieurs semaines, RTMC a en outre systématiquement lancé la population dans l'exode vers le Zaïre.

Un rappel pour bien faire comprendre le rôle joué par cette chaîne dans le déroulement du génocide voulu et planifié par la dictature. Nous sommes en avril : les massacres d'opposants politiques hutus et de familles tutsies se multiplient à travers tout le pays. A Butare, la ville universitaire du Sud, une première tuerie vient d'avoir lieu, laissant derrière elle des dizaines et des dizaines d'orphelins. Ceux-ci sont regroupés dans un établissement de la ville. A la grande fureur du « gouvernement intérimaire » face à ce qu'il considère comme un travail « inachevé ». Le « ministre » de l'Intérieur prend la parole sur l'antenne de RTMC pour appeler à parachever le massacre. Message reçu : les Interhamwe (expression qui a pris désormais un sens très précis : ceux qui tuent ensemble) se rendent à l'orphelinat. Il n'y aura aucun survivant parmi les enfants qui y étaient réfugiés.

L'immeuble occupé par Radio-Mille-Collines est maintenant à l'abandon. Toutes les installations ont été pillées ou détruites. A quelques centaines de mètres de là, un autre bâtiment accueille Radio-Muhabura (« le guide » en kyniarwandais). L'émetteur jusqu'alors clandestin du Front patriotique a désormais pignon sur rue. « Radio-Muhabura a été créée en mars 1991, raconte Emmanuel Mugonga, directeur du département de l'Information du FPR. Il nous fallait faire découvrir aux Rwandais un autre visage du Front que la caricature haineuse présentée par la propagande gouvernementale. »

« Dans un deuxième temps, Radio-Muhabura a élargi sa mission à ce que j'appellerais des programmes éducatifs. Nous voulions briser le carcan ethnicisant dans lequel le régime prétendait enfermer les opinions nationale et internationale. Au début, nous émettions uniquement en kyniarwandais ; très vite, nous nous sommes exprimés également en swahili, en français et en anglais. Nos moyens et notre équipe étaient réduits : une quinzaine de personnes. De plus, il nous fallait bouger sans cesse. Pour suivre les déplacements du Front et des populations. Egalement, bien sûr, pour des raisons de sécurité. Autant de contraintes qui n'ont pas empêché Radio-Muhabura de connaître rapidement une audience grandissante. Ses émissions étaient et sont toujours très suivies, tant dans le pays que dans les milieux émigrés des nations voisines. »

JEAN CHATAIN
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