Fiche du document numéro 14036

Num
14036
Date
Vendredi 24 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
88992
Pages
2
Urlorg
Titre
Mobutu, le dictateur ami
Cote
no 15508
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
L'INTERVENTION française au Rwanda a pour effet direct de mettre en lumière le rôle que les puissances occidentales - Paris et Washington, notamment - continuent à faire jouer au plus ancien dictateur africain, le maréchal Mobutu Sese Seko. Cet allié inconditionnel du régime rwandais
- l'essentiel des armes fournies aux tueurs du régime de Habyarimana ont transité par Kinshasa - accorde obligeamment toutes les facilités au corps expéditionnaire envoyé par Paris au Rwanda, en toute « légitimité internationale », depuis le vote du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le Zaïre demeure pour les gouvernants français la base essentielle de la « stabilité » en Afrique centrale. Ce que Mobutu a exploité à fond en laissant entendre que la situation, explosive depuis des années dans son propre pays, pourrait « dégénérer ».

Ce dictateur au pouvoir depuis vingt-neuf ans a été de tous les mauvais coups en Afrique. Constituant le pilier central d'une alliance triangulaire avec l'Afrique du Sud raciste et le Maroc de Hassan II au nord, il a bénéficié de l'aide militaire américaine et française. Officiellement il est persona non grata depuis quelques années dans les capitales occidentales. En réalité, les liens, notamment avec Paris, n'ont jamais été rompus. C'est François Mitterrand qui, lors du sommet de la francophonie en octobre dernier à l'île Maurice, a spectaculairement « réhabilité » le maréchal en lui accordant un entretien en tête à tête. Le chef de l'Etat français a, à cette occasion, affirmé à Mobutu qu'il ne soutenait « personne » au Zaïre, livrant ainsi à la vindicte du dictateur l'opposition zaïroise que Paris avait pourtant assurée de son soutien.

Le dernier massacre perpétré par les hommes de Mobutu date de janvier 1993. La division spéciale présidentielle (DSP), véritable Gestapo formée dans les années soixante-dix par des mercenaires européens, a noyé dans le sang un soulèvement d'une partie de l'armée accompagné d'une révolte populaire. Des centaines de personnes ont été massacrées, sous le regard indifférent et protecteur des paras français, envoyé en toute hâte à Kinshasa, sous couvert de protéger les ressortissants étrangers. Quelques jours plus tard, Mobutu est allé se reposer sur la Côte d'Azur. Deux ans plus tôt, en 1991, une opération française similaire avait sauvé le maréchal. Déjà, en 1977, puis en 1978, les paras avaient « sauté sur Kolwezi » sous ce même prétexte, mettant fin au soulèvement du Shaba.

Mobutu a pris le pouvoir en 1965, dans cette ex-colonie belge (le Congo belge) peuplée aujourd'hui de 40 millions d'habitants. Dans ce pays, grand comme cinq fois la France, la misère est effroyable et la répression présidentielle a fait, au fil des ans, des dizaines de milliers de victimes. Le pays est très riche en ressources naturelles, ses mines de cuivre, d'or, sa production de cobalt et de diamants expliquent aussi l'intérêt que les puissances lui portent.

Malgré cela, le produit national brut (PNB) n'était que de 220 dollars/an par habitant. L'inflation, en plein délire, n'est plus contrôlée depuis des années. La dette extérieure était évaluée à près de 11 milliards de dollars. Mobutu est à la tête d'une fortune personnelle colossale, évaluée à près de 6 milliards de dollars. Elle se trouve essentiellement dans des banques suisses. Il possède plusieurs résidences en France, parmi lesquelles un luxueux appartement situé avenue Foch.

MICHEL MULLER
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