Fiche du document numéro 13405

Num
13405
Date
Mercredi 27 avril 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
104549
Pages
2
Urlorg
Titre
À Mulindi, au quartier général du FPR
Cote
no 15458
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial.

LE poste-frontière de Katuna, entre l'Ouganda et le Rwanda, est tenu par des militaires sénégalais, membres de la Mission de l'ONU pour le Rwanda (MINUAR). La tête du commandant sénégalais s'encadre dans la fenêtre du 4 x 4. Rapide contrôle d'identité. La voie est libre. D'abord, un seul changement notable: le sens de la circulation. En Ouganda, vous roulez à gauche; à droite, au Rwanda.

Après 2 kilomètres de route, je dois m'engager sur un embranchement à gauche de la piste. La pluie torrentielle limite la visibilité. Les roues patinent malgré les rondins de bois comblant les principaux trous ou enjambant les ruisseaux de montagne. Enfin, au bout d'une distance difficile à apprécier, je parviens au but de cette première étape: Mulindi, quartier général du Front patriotique rwandais (FPR).

A flanc de la colline (le Rwanda n'est-il pas surnommé le « pays des Mille Collines »?), en pleine jungle, une concentration de baraquements et de cases traditionnelles. Des combattants du FPR passent et repassent à chaque accalmie de ce déluge. Ni électricité, ni eau courante, ni téléphone. Les communications sont assurées par radio et par les 4 x 4 garés ici ou là.

Mulindi appartient à une zone tenue par le FPR depuis 1992, après que de violents combats l'eurent opposé aux FAR (Forces armées rwandaises). Dans la période suivante, les FAR tentèrent plusieurs contre-offensives. En vain.

Première discussion improvisée: un officier du FPR accourt, ravi d'entendre un accent français, qui, dit-il, lui rappelle ses deux années d'études à Montpellier. Très vite, la question fuse: « Mais enfin, au Rwanda, à quel jeu se livre le gouvernement français, toutes ces dernières années ? »

Comme dans toutes les zones équatoriales, la nuit tombe brutalement, vers 18 heures. Le froid vient rappeler que nous sommes en altitude. Sous une toiture de tôle martelée par des gouttes de pluie, nous nous retrouvons à six ou sept autour d'un feu de bois. Arrivent deux militantes du FPR, avec un petit poste transistor: il est 20 h 30, l'heure du bulletin en français émis par la radio du FPR.
Une friture épouvantable gomme la moitié des mots. A mon intention, les commentaires complètent les informations. Mais tout le monde ne semble pas traduire (imaginer conviendrait mieux, vu la médiocrité de l'audition) exactement le même discours. Ce qui alimente aussitôt une discussion interrompue tout le temps du bulletin.

Dîner. Le menu est celui, immuable, du guérillero rwandais: une platée de haricots rouges et de riz. Avec deux tasses d'eau chaude que l'on peut boire après y avoir jeté quelques brins de thé ou un peu de Nescafé. La vertu première exigée du plat est toujours la même: tenir au corps.

J. C.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024