Fiche du document numéro 1299

Num
1299
Date
Samedi 20 mars 1993
Amj
Auteur
Fichier
Taille
163209
Pages
2
Surtitre
RWANDA : contre la guérilla et un gouvernement d'opposition
Titre
Le président Habyarimana se bat sur deux fronts
Soustitre
Drôle de situation au Rwanda : le pays aux mille collines est englué depuis deux ans et demi dans une guerre civile qui ne dit pas son nom, tout en étant engagé dans un processus de démocratisation. Le président Juvenal Habyarimana se bat donc sur deux fronts. D'un côté, il résiste, avec les Forces armées rwandaises (FAR) et l'aide de la France, aux rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). De l'autre, il essaie de négocier au mieux le passage au multipartisme, avec le Mouvement révolutionnaire national pour le développement et la démocratie (MRNDD), l'ancien parti unique qu'il dirige, ainsi que la cohabitation avec une opposition qui souhaite son départ.
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
KIGALI de notre envoyé spécial

Arrivé aux affaires après un coup d'Etat militaire, en 1973, le général
Habyarimana n'est pas homme à s'incliner sans lutter. Le gouvernement de
transition, en place depuis le 16 avril 1992, composé du MRNDD et de
quatre partis d'opposition, a signé le 7 mars avec les rebelles du FPR,
à Dar-es-Salaam, en Tanzanie, un accord incluant la fin des hostilités
et la reprise de négociations globales. Celles-ci devraient aboutir à la
paix, avant le 10 avril, et prévoir un partage du pouvoir débouchant,
dans les prochains mois, sur les premières élections libres de
l'histoire du pays (le Monde du 17 mars).

En dépit de multiples violations, le président Habyarimana considère que
le cessez-le-feu entré en vigueur le 9 mars à minuit est « globalement
respecté
 ». Au cours d'un entretien qu'il nous a accordé jeudi 18 mars,
il a cependant émis des doutes sur la bonne foi du « FPR, qui a bombardé
Byumba avec des katiouchas et des mortiers mercredi après-midi
 ». Le
président affirme vouloir respecter les termes de l'accord de
Dar-es-Salaam, qui prévoit le départ de la moitié des troupes françaises
si le FPR se replie « effectivement sur les positions qui étaient les
siennes avant le 8 février
 ». Le chef de l'Etat, qui apprécie « les
gestes d'amitié de M. Mitterrand pour le peuple rwandais
 », se réserve
toutefois « la possibilité de faire de nouveau appel à [ses] amis en cas
de violation grave du cessez-le-feu
 ».

Pour stabiliser la situation sur le terrain, M. Habyarimana compte
beaucoup sur « le déploiement de trois compagnies d'observateurs
internationaux des Nations unies sur la frontière rwando-ougandaise et
la présence d'une force d'interposition de trois mille casques bleus
dans la zone tampon libérée par le FPR
 ». Les massacres perpétrés en
janvier par ses partisans sur les membres de la minorité tutsie et des
opposants lui apparaissent aujourd'hui « condamnables », mais sont « un
faux prétexte brandi par le FPR pour attaquer le Rwanda
 ». Car, selon
lui, « les rebelles préparaient leur agression depuis le mois de
novembre
 ».

« La duplicité du chef de l'Etat »



M. Habyarimana, qui refuse de présider le conseil des ministres, où les
frictions sont grandes, estime néanmoins que ses « relations avec le
gouvernement de transition sont bonnes
 ». « Je ratifie ce que les
ministres décident
 », précise-t-il. Sur les échéances politiques à
venir, il souhaite que la fin de son mandat, le 31 décembre, coïncide
avec les premières « élections législatives et présidentielle »
pluralistes de l'histoire du Rwanda.

Le premier ministre, M. Dismas Nsengyiaremye, membre du Mouvement
démocratique républicain (MDR), nous a confirmé jeudi que « les rapports
du gouvernement avec le président
[étaient] difficiles ». Il a insisté
sur « la duplicité du chef de l'Etat et du MRNDD, qui s'accrochent au
pouvoir pour le pouvoir
 ». Comme le premier ministre des travaux publics
et de l'énergie, M. Félicien Gatabazi, membre du Parti social-démocrate
(PSD), il considère qu' « il faut aller vite mais rester prudent ».
Si les négociations d'Arusha, qui ont repris le 16 mars, se concluent
sur un accord de paix solide, « il faudra un mois, estime l'opposition,
pour former le nouveau gouvernement provisoire à base élargie incluant
cinq ministres FPR. Nous pourrons alors organiser les élections
municipales dans les six mois, puis les législatives, et ensuite nous
pourrons penser au scrutin présidentiel
 ». Une « chronologie à respecter
impérativement
 » pour l'opposition, qui redoute de voir M. Habyarimana
se présenter pour un nouveau mandat présidentiel, avec l'appui d'une
administration et d'une structure politique en place depuis longtemps,
issues de l'ancien parti unique et complètement acquises à sa cause.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024