Fiche du document numéro 1282

Num
1282
Date
Mercredi 24 février 1993
Amj
Auteur
Fichier
Taille
3348154
Pages
1
Sur titre
RWANDA : fuyant la guerre civile
Titre
Plus de six cent mille paysans ont été
contraints de quitter leurs villages
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La reprise des combats entre les rebelles du Front patriotique rwandais
(FPR) et les troupes régulières, début février, dans le nord du pays, a
poussé des centaines de milliers de paysans à fuir leurs villages. Au
total, la population déplacée serait aujourd'hui de plus de six cent
mille personnes, selon les estimations des organismes humanitaires.
Lorsqu'ils ont lancé l'offensive, le 8 février, contre les principales
villes du nord, les rebelles du Front patriotique rwandais n'imaginaient
sans doute pas qu'ils étaient en train de commettre une de leurs plus
graves erreurs. En fuyant, par centaines de milliers, les zones de
combats, les populations déplacées ont, comme le résume un journaliste
de Kigali, " voté avec leurs jambes ". La " libération " du Rwanda,
façon FPR, ne fait pas plus recette que la " défense du territoire
national " pour laquelle est censée se battre l'armée régulière.
A l'issue de quinze jours d'affrontements et d'exactions meurtrières à
l'encontre des populations civiles, le chef de la délégation du Comité
international de la Croix-Rouge (CICR, Genève), M. Walter Stocker,
estimait, lundi 22 février, à " plus de neuf cent mille " le nombre des
personnes " affectées par la guerre ". Un chiffre considérable pour ce
petit pays de seulement 7,5 millions d'habitants.
Quant au nombre des " déplacés ", évalué à plus de trois cent mille en
janvier, il aurait pratiquement doublé : au total, " entre six cent
mille et sept cent mille personnes " presque un dixième de la population
ont dû déserter leurs villages, abandonnant parcelles et troupeaux. Près
de deux cent mille d'entre eux sont aujourd'hui réfugiés à une dizaine
de kilomètres au nord de Kigali.
Aux côtés du CICR, qui travaille en étroite collaboration avec le
ministère des affaires sociales, la Croix-Rouge rwandaise, la
Croix-Rouge belge et les équipes de Médecins sans frontières (MSF)
assurent les premiers secours. Un avion affrété par le Programme
alimentaire mondial (PAM) devrait quitter, mercredi, l'aéroport
d'Entebbe (Ouganda) à destination de Kigali : " Théoriquement, cet avion
pourra apporter 3 000 à 4 000 tonnes de nourriture chaque mois ",
précise M. Stocker.
Deux cents soldats arrêtés
Les troupes du FPR, malgré quelques " dérapages " sanglants, ne se
seraient généralement pas opposées à cet exode des populations, qu'ils "
ont laissé partir vers le sud ", note le responsable du CICR. Les
accusations de " massacres ", lancées par les milieux proches de la
présidence, ont été " sans doute exagérées ", nous a affirmé, lundi
après-midi, le premier ministre, M. Dismas Nsengiyaremye. Le camp de
déplacés de Rebero (province de Biumba), donné comme une des cibles des
maquisards, a reçu la visite d'une équipe du CICR, le 19 février : " Le
camp était complètement vide et, s'il y a eu des violences, nous n'en
avons pas relevé la moindre trace ", rapporte M. Stocker.
Le Comité de liaison des associations rwandaises de défense des droits
de l'homme (CLADHO) n'en a pas moins dénoncé, dans un document publié à
Kigali, le 16 février, les " expéditions punitives " perpétrées par les
maquisards du FPR, notamment dans la ville de Ruhengeri, où " plusieurs
dizaines de civils ont été regroupés dans des maisons et massacrés ",
pour la simple raison qu'" ils appartenaient aux partis MRNDD et CDR "
c'est-à-dire au " clan " du président Juvénal Habyarimana, fondateur du
Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement
(MRNDD, ex-parti unique) et que soutient la Coalition pour la défense de
la République (CDR).
En attendant qu'une éventuelle commission d'enquête puisse confirmer ou
démentir les exactions du FPR, c'est l'armée rwandaise qui fait, à ce
jour, l'objet des accusations les plus sérieuses. Assassinats, viols,
pillages : la liste est longue des méfaits et des crimes commis par les
troupes régulières. " Depuis une semaine, nous avons procédé à
l'arrestation d'environ deux cents soldats ", souligne le premier
ministre.
Conscient du " discrédit " jeté sur l'armée nationale, le chef du
gouvernement qui est aussi un des dirigeants du Mouvement démocratique
républicain (MDR, opposition) et se pose, à ce titre, en adversaire,
voire en futur rival, du président Habyarimana prône une vigoureuse "
restructuration " des Forces armées rwandaises (FAR). Et il confirme,
bien volontiers, que c'est " sur la demande conjointe du gouvernement et
de la présidence " que sont arrivés, samedi, les nouveaux renforts
militaires français (le Monde du 23 février).
Etre contraint d'appeler Paris à la rescousse est " un aveu de faiblesse
", reconnaît M. Nsengiyaremye. Mais c'est surtout, ajoute-t-il aussitôt,
" la preuve de l'échec du régime Habyarimana, qui n'aura pas été
capable, plus de trente ans après l'indépendance, de défendre nos
frontières ".
Partisans d'un règlement pacifique du conflit, les trois principaux
partis de l'opposition, membres du gouvernement de transition, espèrent
visiblement tirer leur épingle d'un jeu où s'épuisent, depuis plus de
deux ans, les affidés hutus du chef de l'Etat et les guérilleros,
généralement tutsis, du FPR. Trop habiles pour accuser ouvertement,
eux-mêmes, leur puissant voisin ougandais soupçonné de soutenir la
rébellion , ils en laissent le soin à leur nouvel allié français (le
Monde du 17 février).
Les représentants du FPR, de la présidence et du gouvernement devaient
se retrouver, mardi, à Bujumbura (Burundi), pour discuter et peut-être
signer les protocoles d'accord, élaborés ces derniers mois à Arusha
(Tanzanie). L'un de ces protocoles prévoit un cessez-le-feu immédiat, un
autre l'entrée du FPR dans le futur gouvernement : une façon de mettre
un frein à la dangereuse " politique tribale ", et de faire, enfin, de
la politique tout court.
DOC:AVEC UNE CARTE
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