Fiche du document numéro 124

Num
124
Date
Mardi 10 novembre 1992
Amj
Auteur
Fichier
Taille
731821
Pages
20
Titre
Rapport du colonel Capodanno sur sa mission au Rwanda (3 - 6 nov 1992)
Nom cité
Nom cité
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Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
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Cote
N° 000198/MMC/SP/CD
Source
MMC
Fonds d'archives
MIN
Type
Document militaire
Langue
FR
Classification
CD
Citation
CONFIDENTIEL DEFENSE

MINISTERE DE LA COOPERATION
ET DU DEVELOPPEMENT
20, rue Monsieur - 75700 Paris
Mission Militaire de Coopération
N° 000198/MMC/SP/CD
Paris, le 10 NOV 1992

RAPPORT
DU COLONEL CAPODANNO
SUR SA MISSION AU RWANDA.

(3- 6 novembre 1992)


J'ai pu rencontrer du côté Rwandais, le Ministre de la Défense, M. GASANA et les chets d'Etat-Major de l'Armée et de la Gendarmerie. Côté français, j'ai eu un entretien avec notre ambassadeur, M. MARTRES et j'ai visité la totalité des AMT, y compris le DAMI/Panda, sur leurs lieux de travail.

Les autorités rwandaises m'ont exprimé, avec chaleur, leurs remerciements pour l'aide que nous leur apportons. Elles attendent que nous poursuivions nos efforts, voire que nous les augmentions tant pendant la période actuelle du cessez-le-feu, que dans celle qui suivra la signature d'un accord de paix et qui se traduira par la réorganisation des FAR. avec intégration des FPR.

Concrètement il apparaît que nous devons dans l'immédiat aider à la remise en conditions et à l'amélioration des capacités opérationnelles des formations existantes tout en préparant les structures de la future armée rwandaise : c'est dire que nous ne devons pas perdre de vue que certaines des unités dans lesquelles nous sommes aujourd'hui impliqués devront soit disparaître soit être profondément remaniées.

1- LE CONTEXTE

Le ministre de la Défense estime que la signature de l'accord de paix interviendra début 1993. Nous devons donc, pendant les trois mois qui viennent, appuyer le maintien du cessez-le-feu et préparer la réorganisation de l'Armée Rwandaise, la mise en oeuvre de la restructuration pouvant commencer en février-mars 1993.

Le cessez-le-feu est pour l'instant globalement respecté. Son maintien reposera, en ce qui concerne le FPR, plus sur la dissuasion que constitue l'amélioration des capacités défensives des FAR que sur l'action du GOMN dont l'efficacité est à peu près nulle.

Dans ce domaine nos efforts devront porter en priorité sur :

- les 3 bataillons "d'élite" qui viennent de passer en réserve générale (1) dont l'action serait, le cas échéant déterminante tant les bataillons qui tiennent aujourd'hui la ligne de front (Bataillons de recrues) paraissent fragiles.

- les unités d'artillerie (Batterie de 105, batterie de 122 et batterie de Mo. 120 mm).

- les sections de Génie à former au niveau des bataillons pour compléter l'action du DAMI/Génie qui vient d'être mis en place.

Au plan intérieur, la situation n'est pas moins préoccupante. Les confits ethniques (500 morts environ en 1991, 300 en 1992), les attentats ou pose de mines (40 de décembre 1991 à juin 1902) ont nettement diminué grâce à l'action entreprise sur la Gendarmerie Rwandaise.

Mais on doit s'attendre dans les semaines qui viennent à une recrudescence des troubles intérieurs : augmentation du banditisme, multiplication des manifestations et contre-manifestations organisées par les partis politiques (15 partis ont vu le jour entre fin 1991 et mi- 1992) dont les plus durs (MRND, MDR, PSD et surtout CDR) n'hésitent pas à organiser des expéditions punitives, sorte d'opérations commandos.



Ces troubles intérieurs ne manqueront pas d'être attisés par les extrémistes du FPR -les déçus des accords d'Arusha- comme par ceux proches du pouvoir.

En ce qui concerne la Gendarmerie rwandaise, nos efforts devront donc porter :

- Sur la poursuite de la mise sur pied des unités de maintien de l'ordre : 3ème Compagnie du Groupement de Kigali (la première est déjà formée, la deuxième achève son instruction) et deux compagnies destinées aux préfectures de GITARAMA et KIBUYE, actuellement dépourvues de toute force de Gendarmerie ;

- sur la formation accélérée d'unités de police judiciaire pour faire le partage entre affaires de droit commun et affaires politiques et déjouer les provocations.

(1) Bataillon Ruhengeri, Batailion Para, Bataillon Muvumba.

CONFIDENTIEL DEFENSE :

Dans ce contexte les demandes présentées par les autorités rwandais et transmises par notre chef de MAM paraissent raisonnables.

Toutefois, il m'a semblé qu'au-delà du souci de pouvoir faire face à une reprise des combats sur le front et à une recrudescence des troubles intérieurs, les responsables rwandais nourrissaient quelques arrières-pensées. En effet, les efforts qui nous sont demandés s'appliquent en priorité à des formations qui devraient être peu touchées par la déflation à venir et dans lesquelles il sera difficile d'intégrer les éléments du FPR : c'est le cas de la Gendarmerie, du Bataillon Para et du Bataillon Ruhengeri qui, comme son nom l'indique, est composé d'originaires de cette région, fief du Président HABYARIMANA.

2- ORIENTATIONS DE NOS ACTIONS DE COOPERATION

2.1. Forces Armées

- Etat-Major

La transformation du poste de conseiller du chef d'Etat-Major en poste permanent est tout à fait justifiée. Il serait souhaitable que l'actuel titulaire, le LCL MAURIN, soit le bénéficiaire de cette transformation : il est parfaitement intégré dans le dispositif et a su gagner la confiance du CEM comme celle de notre chef de MAM.

En revanche la mise en place d'officiers en postes permanents aux B1, B2 et B4 n'est pas opportune. Il suffit pour l'instant de maintenir le sous-officier CT2/Rens. fourni par le DAMI.

Néanmoins il faut aider les Rwandais à définir les structures de leur future armée et préparer les mesures de déflation. Pour ce faire il faudrait mettre en place (1) en mission de courte durée une équipe de 2 ou 3 officiers ayant si possible déjà travaillé dans ce domaine.

Lorsque nous passerons à la phase d'exécution de la restructuration, théoriquement en mars 1993, notre dispositif -DAMI et missions de courte durée- devra naturellement être réajusté.

- Bataillon artillerie

Les batteries de 105, de 122 et de mortiers de 120 peuvent être considérées comme opérationnelles avec une légère restriction pour la batterie de 122 dont le commandement laisse à désirer. Leur capacité défensive est suffisante en cas de reprise des combats. Il est donc inutile de répondre à la demande de 2 batteries de 105 supplémentaires faites par le Président HABYARIMANA.

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(1) Mise en place théoriquement courant décembre, en fonction de l'avancée des négociations "militaires".

CONFIDENTIEL DEFENSE

La mise en place en poste permanent d'un conseiller commandant de groupement peut être différée. Il faut par contre maintenir l'officier subalterne et le sous-officier AGC rattachés au DAMI, tant il reste à faire en matière d'instruction et de maintien en condition.



- Bataillon parachutiste

Ce bataillon a été lourdement éprouvé dans les combats (pertes estimées : 300 à 400 hommes sur un effectif initial de 900). Il est en cours de recomplètement avec des personnels déjà formés, provenant des autres bataillons, ayant l'expérience du feu.

L'instruction actuellement dispensée ne porte que sur la spécialisation TAP de ces nouvelles recrues.

L'effectif visé est de 1.100 hommes ce qui laisse penser que les autorités rwandaises cherchent à se doter d'un outil qui, outre ses capacités opérationnelles, sera difficilement accessible au FPR et sur lequel elles pourront compter en cas de difficultés après les accords de paix.

L'instruction en cours absorbe complètement l'équipe AMT en place au Bataillon Para (1 officier - 2 sous-officiers dont 1 CRAP et 1 spécialiste matériel). Cette équipe doit donc être renforcée pour que parallèlement on puisse reconstituer la section CRAP rwandaise, elle aussi durement éprouvée (restent 16 hommes sur 34). Ce renfort sera fourni dans l'immédiat par le DAMI Panda qui détachera temporairement 2 spécialistes au Bataillon Para.

Ultérieurement, au printemps 1993, cette instruction spécialisée justifie l'ouverture d'un poste permanént.

Reste le problème des parachutes : la dotation souhaitable est de 500 parachutes. Actuellement 350 restent utilisables et le taux d'attrition va en s'accélérant.

Dans l'immédiat un complément pourrait être fourni par une cession de matériels de l'Armée Française, réformés et stochés à l'ERGM de Montauban (annexe 1).

Ultérieurement, compte tenu du coût des matériels TAP et de la mise à la retraite prochaine du seul Nord Atlas rwandais, il convient de s'interroger sur le devenir du Bataillon Parachutiste.

- Bataillon RECCE

Ce bataillon est dans un triste état. Les pertes en matériels - combats ou défaut d'entretien -, le manque de fermeté du commandement, le désintérêt des autorités pour une unité mal adaptée au terrain et mal employée ont détérioré les capacités et le comportement de ce bataillon, ce que traduit bien l'aspect lamentable de son cantonnement où traînent les épaves et où s'entassent des pièces et des sous-ensembles hors d'usage.

CONFIDENTIEL DEFENSE

J'ai demandé au LCL MAURIN et à ses personnels en place (1 officier et 1 sous-officier (AEB) AMT renforcés par 2 sous-officiers du DAMI et 1 sous-officier Tourelle en MCD) d'entreprendre d'urgence un effort de réorganisation. Il convient en effet de revoir les structures, de redistribuer les matériels restants, de redéfinir l'emploi et surtout de reprendre en main une unité à la dérive.

Cela ne devrait pas toutefois remettre en cause ni le programme de dieselisation qui est envisagé ni la création du poste de spécialiste tourelle prévue pour 1993.

Demandes de matériels

Seules méritent d'être prises en compte les mitrailleuses 12,7 et leurs cartouches (cession Défense ?), les parkas et le prêt d'une station GONIO (au titre de NOROIT ?). Cette dernière demande aurait reçue l'aval du Général QUESNOT.

- DAMI-PANDA

Les activités du DAMI dont l'efficacité mérite d'être soulignée, sont planifiées jusqu'en janvier 1993 inclus. (cf annexes 2 et 3). Elles s'organisent autour des priorités suivantes :

- formation des sous-officiers ;
- reconstitution et recyclage des bataillons de réserve générale ;
- instruction des appuis : batteries d'artillerie et les sections de Génie qui doivent renforcer chaque bataillon ;
- reconstitution et instruction et la section CRAP.

Ces activités justifient amplement le maintien des effectifs à leur niveau actuel.

Le CEM, le Colonel NSABIMANA, demande en outre la mise en place d'une équipe
supplémentaire pour commencer dès maintenant la formation d'instructeurs rwandais susceptibles de relayer l'action du DAMI.

Cette demande, justifiée, peut-être satisfaite sans renforcement d'effectifs, en chargeant un peu plus l'emploi du temps des personnels présents et en plaçant rapidement les futurs instructeurs rwandais en doublure des français. Mais il faudrait alors ne pas appliquer la déflation de 2 postes prévue en compensation de la mise en place du DAMI/17ème RGP.

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(1) Est ainsi soulignée l'inaptitude du chef du DMAT TERRE (Lieutenant-colonel pilote d'hélicoptère et conseiller à l'ESCAVIT) à commander ses personnels et à orienter leur action (Bataillon AML ou bataillon Para). Le LCL MAURIN , s'il est confirmé dans son geste, devra reprendre les fonctions de chef du DMAT/Terre.





2.2. Gendarmerie

Comme il a été dit précédemment, la perspective d'une recrudescence des troubles intérieurs justifie que nous poursuivions et même que nous intensifions nos efforts au profit de la Gendarmerie rwandaise.

Il n'en reste pas moins que l'intérêt des responsables rwandais est de disposer, au moment de la signature de l'accord de paix définitif, d'une Gendarmerie formée aussi nombreuse que possible dans laquelle l'intégration du FPR sera difficile, sinon impossible.

C'est pourquoi il convient d'être mesurés dans notre réponse aux demandes du CEM, pour qui le label "DAMI-France" devrait être un des critères de sélection pour la future armée rwandaise.

Ainsi le Colonel NDINDIYIMANA demande-t-il un renfort d'instructeurs français pour entreprendre, dans les semaines qui viennent, la formation de 2.000 gendarmes regroupés dans deux groupements retirés du front (Groupement mobile et 6ème Bataillon) et qui n'ont jusqu'ici suivi aucune instruction spécialisée.

Notre réponse devrait se limiter, semble-t-il, à la formation de 300 gendarmes, qui seront mis en place dans les préfectures actuellement dépourvues de toute force de gendarmerie. Cette action nécessitera tout de même la mise en place d'un léger renfort -- 3 instructeurs -- à l'EGENA.

Ecole de gendarmerie -EGENA

L'instruction en cours -- formation 360 élèves APJ pour 8 mois ; 60 élèves OPJ pour 10 mois et complément d'instruction gendarmerie pour 60 sous-lieutenants sortis de l'ESM -- justifie le renouvellement à compter du 21 décembre du DAMI de 3 sous-officiers actuellement en place.

La formation de 300 gendarmes supplémentaires demande la mise en place de 3 instructeurs supplémentaires - 1 ACH GD, 1 ACH GM, 1 ADJ GD, cette mise en place étant subordonnée aux aménagements d'infrastructure auxquels devront procéder les Rwandais.

Gendarmerie mobile

Deux compagnies du Groupement de Kigali ont été formées. La troisième achèvera son instruction en mars 1993. Le renouvellement du DAMI -- 3 sous-officiers -- pour 5 mois à compter de janvier 1993 vient d'être accordée,

Il reste à mettre en place 1 officier conseiller au groupement
mobile, fonction actuellement tenue par le CEN Roux en plus de son
emploi de conseiller à la Garde Présidentielle.

Nous avons prévu d'ouvrir ce poste par suppression du poste de
conseiller à la Garde Présidentielle au départ du CEN
Roux.

Police judiciaire

Les résultats obtenus dans ce domaine sont intéressants -enquêtes sur les attentats et pose de mines. Le DAMI de 4 sous-officiers mis en place en juillet 1992 vient d'être prolongé jusqu'en décembre. Il conviendra de le renouveler jusqu’en juin 1993. Après quoi il pourra étre démonté, un poste de sous-officier conseiller au Centre de Recherches criminelles et de Documentation (C.R.C.D) pouvant alors être ouvert.

Garde Présidentielle


La Garde Présidentielle est un groupement d'environ 500 hommes articulé en 3 compagnies de marche et 1 compagnie motocycliste. Notre action a consisté jusqu’à présent, à travers un conseiller AMT - CEN ROUX - et un DAMI de 2 sous-officiers à remettre à niveau l'unité motocycliste (échec), à poursuivre l'entrainement des compagnies (en cours) et à créer un groupe de sécurité et d'intervention -GSIGP - dont la mise sur pied est maintenant effective.

La Garde Présidentielle est critiquée. On lui reproche notamment sa participations aux actions de déstabilisation de l'opposition. Nous avons prévu de supprimer le DAMI de 2 sous-officiers et de transformer le poste du CEN ROUX en poste de conseiller au Groupement mobile. C'est dire de cesser nos activités au profit de la Garde Présidentielle. Cette décision pourra être éventuellement réétudiée au printemps 1993 en fonction de l'évolution politique du Rwanda.

Infrastructure

Les autorités rwandaises nous demandent de participer & I'amélioration de infrastructure de l'EGENA et à la création d'un cantonnement pour le Groupement Mobile de Kigali

Il leur a été répondu que nous ne disposions pas de crédits pour ce genre d'opérations. A la rigueur nous pourrons procéder a la mise en place de quelques équipements, une fois décidé un financement rwandais.

3-ARMEE DE L‘AIR

Le Nord Atlas rentre en France en décembre 1992 pour une révision qui devrait le prolonger jusqu‘au printemps 1996. Se pose alors le problème du maintien ou de la suppression de notre assistance : soutien technique et relève des personnels du DMAT Air (cf annexe) dont nous envisageons aujourd'hui la suppression,



EN CONCLUSION, je recommande :

CONFIDENTIEL DEFENSE

- La transformation du poste du LCL MAURIN en poste AMT, poste à tenir par l'intéressé.
- La mise en place à l'EM/A.R, d'une équipe de 2 ou 3 officiers en MCD pour préparer la restructuration des Forces Armées.
- Le maintien du DAMI/Panda à ses effectifs actuels.
- Le maintien ou Le renouvellement des DAMI/Gendarmerie en cours, sauf Garde Présidentielle,
et ia mise en place de 3 instructeurs supplémentaires à l'EGENA.
- L'ouverture en 1993 d'un poste CRAP, et d'un poste CT2 Tourelle,

Ainsi l'évolution des effectifs de la MAM se présente de la façon suivante :



- en novembre 1992, effectif total de 88, chef de MAM compris dont :

- 20 permanents
- DAMI/Panda à 45
- 1 tourelliste en MCD au Bataillon AML
. DAMI/Gend à 15
- DAMI/17ème RGP à 7

à quoi il faut ajouter le LCL MAURIN et les 2 conseillers artillerie mis en place par l'EMA.



- début 1993, effectif total de 85, dont

- 23 permanents
- DAMI Panda à 45
- 3 officiers EM en mission courte durée
- DAMI/Gend à 13


Le colonel CAPODANNO
Adjoint du Général Chef de la Mission
militaire de coopération
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024