Fiche du document numéro 10488

Num
10488
Date
Lundi 22 janvier 2007
Amj
Auteur
Fichier
Taille
87934
Pages
2
Urlorg
Titre
De l'AFP au marigot africain
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Source
Type
Langue
FR
Citation
Pendant les voyages officiels en Afrique dont François Mitterrand raffolait, son fils Jean-Christophe se tenait souvent seul, légèrement à l'écart. Silhouette massive, moustache en bataille et regard malicieux, costume mal repassé, il n'était plus un journaliste pour ses nombreux confrères présents, mais pas totalement non plus un conseiller du prince. Plutôt un membre de la suite, à l'abord certes sympathique, mais qui n'était pas tout à fait à sa place sous les lambris élyséens.

Surnommé « Papamadit » par tous, parce qu'il avait l'habitude de s'abriter derrière l'autorité du père lorsqu'il voulait commenter la politique africaine, Jean-Christophe Mitterrand « a eu la malchance d'être le fils du président », note un observateur. Il a toujours un peu été le « mal-aimé « de la famille, le « vilain petit canard » moins brillant que son frère, Gilbert, juriste et député. Celui aussi dont on s'est peu occupé parce que la vie de militants des Mitterrand laissait peu de temps pour les enfants. Une ancienne ministre se souvient combien, plus tard, Danielle Mitterrand se fera du souci pour ce « fils difficile ». Elle s'inquiétait de savoir ce qu'il allait devenir. « Quand il y avait un problème, elle allait en parler à son frère », raconte-t-elle.

Pourtant, tout avait bien commencé. Licence d'histoire en poche, Jean-Christophe Mitterrand partait en 1970 comme professeur coopérant à El-Oued, oasis du Sud-Est algérien. De retour en France, il entre, en 1973, à l'Agence France-Presse. Correspondant à Nouakchott puis à Lomé, il découvre l'Afrique, y tisse ses premières relations. Mais, en 1981, la victoire de son père à la présidence le met dans une situation intenable. Il quitte l'AFP et devient, l'année suivante à l'Elysée, archiviste à la cellule africaine dirigée par Guy Penne, pour 10 000 francs mensuels.

Un marchepied. Fils du chef, il devient vite le Monsieur Afrique de l'Elysée sur un continent où la politique est d'abord une affaire de relations. Il transmet les messages de son père aux chefs d'Etat, qui mesurent leur cote à l'Elysée à l'aune des voyages du fils. Il construit ainsi des réseaux pour Mitterrand dans une Afrique maillée depuis plus de trente ans par les hommes du gaulliste Jacques Foccart. Plus que la grande politique, ce sera là sa principale activité. Celle où se mêlent de façon désinvolte l'officiel et le privé, le service de l'Etat et les affaires. « Imagine-t-on, écrivent Antoine Glaser et Stephen Smith dans « Ces messieurs Afrique », le fils du président français arriver en visite officielle à Bonn et emprunter en bas de la passerelle la Mercedes framboise écrasée avec minibar et vidéo du fils du chancelier ? » Jean-Christophe Mitterrand se le permettait au Gabon et ailleurs, où il était aussi connu dans les boîtes de nuit que dans les palais officiels.

« Papamadit »

Plus grave, fourvoyé dans la grande et la petite politique, « Papamadit » mêle rapidement les affaires et sa fonction. Dès 1985, il entre au conseil d'administration de la Comilog, la société d'exploitation du manganèse gabonais, où il siège aux côtés de Bongo. Il n'oublie pas non plus ses amis : Jean-Pierre Fleury, directeur d'Adefi, qui deviendra le grand manitou de la communication dans le pré carré africain, ou le député socialiste Jeanny Lorgeoux, bientôt incontournable dans les relations entre Paris et Pretoria. Il y aura aussi Jean-Yves Ollivier, proche de Charles Pasqua et de Jean-Christophe, qui joue sa partition en Afrique du Sud et aux Comores, notamment. Au fil des années, l'imbrication en Afrique des réseaux RPR et des nouveaux réseaux mitterrandiens fonctionne parfaitement dans nombre de pays.

Un mélange des genres qui scandalise certains. Jean Audibert, nommé conseiller à l'Elysée en 1986 pour garder un oeil sur Jean-Christophe, préfère démissionner trois ans plus tard. « J'ai tenté de dire au président que son fils pourrait être une bombe à retardement », dit-il un jour. En vain.

L'aventure élyséenne de « Papamadit » ne s'arrêtera qu'en 1992. Ses histoires africaines se poursuivront. Il était toujours le fils d'un président en place et demeurait un « excellent placement » pour ceux qui voulaient l'utiliser sur l'Afrique. Une légèreté qui allait le conduire à la prison de la Santé le dernier Noël du millénaire.

par Mireille Duteil
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