Fiche du document numéro 10371

Num
10371
Date
Mardi 3 mars 2015
Amj
Auteur
Fichier
Taille
190889
Pages
20
Urlorg
Titre
Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les opérations en cours
Nom cité
Type
Langue
FR
Citation
La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre, c’est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons pour faire le point sur les opérations tant extérieures qu’intérieures.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Je suis heureux de pouvoir m’exprimer, une nouvelle fois, devant votre commission. Lors de ma dernière audition, quelques jours après les attentats du début du mois de janvier, je m’étais concentré sur l’opération Sentinelle. Aujourd’hui, j’aborderai la situation de nos armées sur l’ensemble des théâtres d’opérations, extérieurs et mais aussi intérieur, compte tenu de l’imbrication croissante entre la défense à l’extérieur de nos frontières et la sécurité de nos concitoyens sur notre propre territoire. La menace terroriste reste toujours très présente même si les médias l’évoquent moins : il importe que nous exercions la plus grande vigilance.

Cette situation, inédite par son ampleur, s’inscrit à présent dans la durée et sur un vaste champ de confrontation, à la fois géographique et fonctionnel. Elle mobilise nos moyens à un niveau élevé et met sous tension notre système de défense. Les limites des contrats opérationnels fixés par le Livre blanc sont atteintes, voire dépassées dans plusieurs domaines.

Il serait néanmoins impropre de parler ici de « rupture stratégique », puisque ce même Livre blanc fait bonne place au terrorisme et que les modes d’action de nos forces sont très conformes au modèle d’armée retenu dans la loi de programmation militaire (LPM). Ce qui ressort aujourd’hui, c’est plutôt la soudaineté des crises, leur intensité et, le plus préoccupant pour ce qui nous concerne, leur simultanéité.

La prise en compte de cette confrontation persistante constitue une tendance lourde. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité rouvrir rapidement que le chantier de l’actualisation de la LPM, qui était prévu de toutes façons en 2015. Elle fera l’objet d’un débat au Parlement avant l’été.

Nos priorités, nos objectifs et les grands équilibres entre les fonctions stratégiques demeurent à mon sens pertinents. Toutefois, des ajustements et des améliorations doivent être étudiés en raison du niveau d’engagement de nos forces. J’aurai l’occasion de venir prochainement vous présenter nos réflexions à cet égard.

Aujourd’hui, 20 000 militaires assurent, jour et nuit, la lutte contre les groupes terroristes djihadistes, au plus loin, et la protection de notre territoire, au plus près. Ils contribuent directement à notre sécurité avec un extrême professionnalisme.

Au plan militaire, notre stratégie n’a pas changé. Nous cherchons toujours à faire refluer les groupes terroristes armés en leur infligeant des défaites sur le terrain, en détruisant leurs bases et leurs moyens les plus significatifs et à entraver la mise en résonance des différents mouvements terroristes.

J’aborderai avec vous l’arc de crise qui s’est dessiné d’Ouest en Est, avant de revenir sur le territoire national. Je vous parlerai enfin brièvement de la République centrafricaine puisque l’origine de cette crise ne relève pas du terrorisme, même s’il ne faut pas minorer les risques de prolifération.

Commençons par la bande sahélo-saharienne : relativement calme au centre, agitée sur les marges.

Au Mali tout d’abord, et sur un plan politique, les négociations à Alger ont dans un premier temps permis d’aboutir dès le 19 février dernier à un accord de cessation immédiate des violences entre protagonistes signataires, accord aujourd’hui respecté. Plus important à mes yeux, ce dimanche 1er mars a été paraphé l’accord de paix inter-malien à Alger, en présence de l’ensemble des représentants des groupes – d’une part, la Coordination, qui réunit le MNLA, le HCUA et la partie pro-Azawad du MAA, d’autre part, la Plateforme, qui réunit le GATIA et la partie pro-Bamako du MAA –, des représentants des parties prenantes à la médiation – le gouvernement algérien, les pays voisins, l’Union africaine, l’Union européenne, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) –, la France et les États-Unis.

La Coordination des Mouvements de l’Azawad, notamment Bilal Ag Cherif du MNLA, n’a pas souhaité parapher le document, demandant une consultation préalable des populations dans un délai « raisonnable ». C’est la première fois que nous disposons d’un texte susceptible de faire l’objet d’un accord général et je voudrais rendre hommage au travail mené par le ministre des affaires étrangères algérien, M. Ramtane Lamamra, qui a déployé une énergie considérable depuis des mois que durent ces discussions pour obtenir cet accord, qui a aussi été validé par le gouvernement malien.

Cet accord reconnaît symboliquement la notion d"Azawad", ce qui est une ouverture notable de la part du gouvernement malien. En outre, il propose, tout en rappelant l’intégrité territoriale du Mali et le redéploiement progressif des forces de sécurité dans le Nord, une décentralisation poussée comprenant la libre administration du Nord, un large processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), une réforme du secteur de la sécurité (RSS) et des mesures de développement spécifiques pour le Nord. Pour accompagner cet accord inter-malien, la conférence de suivi des engagements financiers pris à Bruxelles le 15 mai 2013 par la communauté internationale s’est tenue à Bamako le 17 février.

Certains points restent à préciser, notamment la représentation de la diversité des populations dans les institutions et les forces de sécurité, le pourcentage des recettes issues de l’exploitation des ressources naturelles qui seront reversées aux collectivités, les mesures visant la réconciliation nationale.

Il n’en demeure pas moins que cet accord politique présente désormais pour nous un intérêt capital en ce sens qu’il nous permettra de séparer à l’avenir les signataires engagés de ceux qui chercheraient à poursuivre la déstabilisation du Mali. Il existait un risque de porosité entre éléments des groupes armés signataires et des groupes armés terroristes. L’enclenchement de ce processus rend désormais les choses beaucoup plus claires. C’est une avancée significative que je tenais à souligner.

Au plan sécuritaire, nous constatons depuis plusieurs semaines un retour au calme qui suit épisodes de tension, attaques perpétrées par les Groupes armés terroristes (GAT) contre la MINUSMA ou les forces armées maliennes et accrochages significatifs entre groupes armés signataires pro-Mali et pro-Azawad sur la boucle du Niger.

S’il est encore trop tôt pour conclure à une victoire et à une pacification, je note avec satisfaction que plusieurs des axes de la stratégie que nous avons mise en place avec l’opération Barkhane portent à présent leurs fruits.

En premier lieu, je citerai la régionalisation, qui nous permet d’agir avec efficacité sur l’ensemble de cette zone d’opération. Certains d’entre vous ont pu le constater lors du déplacement que nous avons effectué au début de l’année.

Je vous donnerai ici deux exemples.

La neutralisation par Barkhane, le 30 janvier, de l’un des proches lieutenants d’Iyad Ag Ghali, chef d’Ansar Eddine et chef de file des djihadistes touaregs liés à AQMI. Cette opération des forces spéciales était appuyée sur des renseignements provenant de plusieurs services, mêlant moyens humains et techniques, en particulier des drones. Elle a permis la mise hors de combat de dix terroristes et l’arrestation de trois autres, ainsi que la destruction d’un nombre important d’armes et de munitions à la fin du mois de janvier. Une opération du même type est en cours et, hier, dans le cadre d’une opération de contre-terrorisme menée dans le Tigharghar, Barkhane a pu neutraliser neuf autres djihadistes et s’emparer d’une quantité importante d’armements.

Au total, sur une année calendaire, de novembre 2013 à novembre 2014, les forces françaises auront neutralisé environ 220 djihadistes, dont 45 ont pu être remis aux autorités locales, sous le contrôle de la Croix-Rouge et de l’Unicef s’agissant des mineurs interpellés.

Le nombre de djihadistes actifs demeurant dans la zone ne semble pas très élevé, mais comme ces hommes sont susceptibles de mener des opérations suicides, nous nous devons de prendre ce risque en considération.

Le deuxième axe d’effort repose sur la prise en compte par les pays de la région de leur propre sécurité, ce qui suppose de les aider à mieux contrôler leurs espaces frontaliers. Là aussi, nous pouvons nous réjouir de la dynamique du « G5-Sahel » et de sa déclinaison militaire à travers des opérations bipartites, tripartites ou quadripartites récemment menées avec le soutien de la France. Aux confins du Niger, près de la passe de Salvador, nos forces ont pu détruire la semaine dernière des plots logistiques. Elles sont également intervenues, aux côtés des Mauritaniens et des Maliens, au Mali dans la forêt de Ouagadou, là où opérait il y a quelques semaines la katiba Al-Forkane.

En bref, la régionalisation sur laquelle repose l’opération Barkhane fonctionne. Une dynamique positive est marche : les pays de la région sont en train de prendre en charge leur propre sécurité et la complémentarité entre actions est effective.

Enfin, la mission de formation de l’Union européenne au Mali, EUTM Mali, commandée par un général espagnol, contribue à la restructuration progressive de l’armée malienne. Elle regroupe environ 500 militaires, parmi lesquels 10 % de Français. Le 6e bataillon des forces armées maliennes vient d’être qualifié pour y participer.

J’en viens à Boko Haram.

Comme vous le savez, les attaques de ce groupe débordent aujourd’hui le Nigeria pour viser le Cameroun, le Tchad et le Niger, ce qui démontre un changement de stratégie majeur de sa part. En réponse, la volonté de l’Union Africaine et des quatre pays du lac Tchad – le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Nigeria – ainsi que du Bénin de prendre eux-mêmes en main leur sécurité est un signe particulièrement encourageant. L’organisation d’une réponse régionale progresse en effet sous l’effet de cette mobilisation. Le dernier sommet de l’Union africaine a ainsi approuvé le principe du déploiement d’une Force multinationale mixte (FMM) qui doit maintenant faire l’objet d’une résolution du Conseil de sécurité. Les pays de la région se sont également entendus sur un concept d’opérations (CONOPS).

Sur le terrain, en sus d’un engagement nigérian affiché mais encore difficile à cerner, ce sont déjà 8 700 soldats africains qui opèrent à présent, dont environ 5 000 Tchadiens. Même si Boko Haram cherche à garder l’initiative et défend avec âpreté son territoire, plusieurs succès récents ont été enregistrés par nos partenaires. Citons la prise de Gambaru et la progression vers les villes de Monguno, Baga et Dickwa. La jonction entre les forces tchadiennes et nigérianes permet désormais de rouvrir l’axe logistique N’Djamena- Maiduguri et d’envisager de scinder en deux la zone contrôlée par la secte.

Face à cette réponse militaire, Boko Haram vient de modifier drastiquement ses modes d’actions, en délaissant les attaques massives pour des attaques asymétriques.

Plusieurs défis demeurent néanmoins préoccupants : tout d’abord, la capacité du Tchad en particulier mais aussi du Cameroun et du Niger à soutenir dans la durée leurs opérations, en raison des coûts humains et financiers élevés, ainsi qu’à maintenir leur dispositif de protection le long de leurs frontières ; ensuite, la poursuite des actes criminels indiscriminés de Boko Haram dont témoignent les attentats de la semaine dernière – dix personnes tuées à Kano, dix-sept à Potiskum, dix-huit à Biu et dix-sept à Jos.

À ce stade, aucune intervention directe de la force Barkhane contre Boko Haram n’est envisagée, mais nous devons tenir compte des sollicitations de nos partenaires, notamment des situations de légitime défense dans lesquelles ils peuvent se trouver, face à un adversaire qui n’hésite pas à franchir les frontières comme on l’a vu récemment au Niger.

Notre intérêt est qu’ils réussissent à contenir et réduire cette menace au Nigeria. Pour cela, et je vous en avais déjà parlé, nous avons mis sur pied à N’Djamena une cellule de coordination et de liaison (CCL) afin d’appuyer la mise en place de la Force multinationale mixte – nous avions pu la visiter en janvier avec certains d’entre vous. Une douzaine d’officiers français y sont affectés. Nous attendons avec impatience l’arrivée des Britanniques. J’ai eu l’occasion de rappeler il y a quelques jours à mon homologue britannique les liens historiques de son pays avec le Nigéria.

Nous appuyons donc la dynamique régionale naissante, à la fois sur un plan diplomatique et sur un plan logistique – nous apportons un soutien en matière de renseignement et de matériel léger à nos partenaires tchadiens et nigériens et, de façon plus modeste, aux Camerounais. Nous sentons une volonté nouvelle chez les Nigérians d’intégrer le dispositif.

S’agissant de la lutte contre Boko Haram, je suis plus optimiste que je ne l’étais lors de mon audition du mois de décembre. Il nous faut néanmoins rester prudents.

J’en arrive à la Libye, dont la situation me paraît chaque jour plus préoccupante pour nos objectifs de sécurité. Nous assistons à une inexorable dégradation de la situation intérieure et à la mise en place d’un réseau de katibates djihadistes se partageant une partie importante de son territoire.

Le dialogue national se poursuit, sous l’égide de l’ONU et de son représentant Bernardino León. Nous le soutenons, mais nous considérons qu’il faut se donner une échéance pour en mesurer le succès. Le gouvernement de Tobrouk, qui s’était retiré des discussions, vient seulement de les rejoindre. La situation reste extrêmement fragile.

Sur le terreau d’un État décomposé et d’une société divisée, prolifèrent aujourd’hui les groupes extrémistes comme Ansar al-Charia, ainsi que des groupes ouvertement liés à Al-Qaïda, tels qu’AQMI et Al-Morabitoune venus du Mali. La zone sud n’est plus seule concernée, les groupes terroristes sont disséminés sur tout le territoire. Élément nouveau particulièrement préoccupant : l’État islamique y a développé son action. Il a revendiqué l’attentat de l’hôtel Corinthia à Tripoli et agit aux côtés d’Ansar al-Charia à Syrte. Il a aussi assassiné vingt et un chrétiens coptes égyptiens à Derna, ce qui a conduit l’Égypte à des opérations de représailles contre Daech en territoire libyen.

Le délitement de la Libye s’aggrave. Pour la première fois, nous avons identifié la présence de combattants étrangers au sein des groupes de Daech dans ce pays. Le risque de connexion de l’action terroriste entre le Levant et la Libye, que je souligne depuis un certain temps, s’accroît. Nous devons éviter collectivement de faire de ce pays un point d’attraction et de fixation ou une base arrière pour les combattants de l’étranger. Rappelons que la Libye ne se situe qu’à 350 kilomètres de la frontière italienne. La structuration des différents groupes n’est pas effective, mais elle pourrait le devenir. J’appelle votre attention sur cette question, qui est l’une de mes plus grandes préoccupations en ce moment.

Ce constat conforte notre stratégie de renforcement des maillons vulnérables, dans un espace régional particulièrement fragilisé.

Avec l’Égypte, nous sommes en train de créer un véritable partenariat stratégique, qui accompagne le récent contrat de vente de Rafale et d’une frégate multi-missions (FREMM). Fort de 85 millions d’habitants, ce pays majeur du monde arabe à l’histoire millénaire occupe une position stratégique et a montré sa détermination à coopérer avec la France.

En Tunisie, nous sommes en train d’engager une coopération avec le nouveau gouvernement, sur le modèle de DONAS, mais à moindre échelle, afin d’aider les forces armées tunisiennes à renforcer leur capacité de lutte contre le terrorisme, en particulier pour ce qui est des forces spéciales.

Au Liban, le contrat DONAS vient d’entrer en vigueur avec les premiers versements de l’Arabie saoudite. Il va offrir aux forces armées libanaises (FAL) des équipements militaires français permettant de contribuer à la lutte contre les menaces terroristes.

En Jordanie, la présence de nos avions au départ vers l’Irak et de nos forces spéciales et moyens de renseignement nous permet de coopérer étroitement avec les autorités et forces du pays, lui aussi directement menacé par Daech.

Je me tourne maintenant plus à l’Est, avec l’opération Chammal.

Au Levant lui-même, depuis l’automne 2014, la dynamique offensive de Daech est stoppée. Sous les coups de la coalition, l’organisation terroriste a subi de lourdes pertes avec la mort, d’après les estimations de la Coalition, de près de 5 800 combattants sur les 30 000 qui, au vu des évaluations disponibles, composaient cette armée terroriste en août 2014. Daech est à présent contraint d’effectuer une bascule d’effort de la Syrie vers l’Irak et tente de protéger ses lignes de communication, en particulier celles menant à Mossoul, érigée en capitale du califat.

Sur un plan tactique, Daech réarticule ses troupes en petites unités moins vulnérables et poursuit ses actions de harcèlement et d’attaques limitées en plusieurs points de la vaste zone où il opère afin d’user les Peshmergas au Nord, dans la région de Sinjar et Kirkouk, les forces de sécurité irakiennes au centre, autour de Baiji, et à l’ouest de Bagdad autour de la base d’Al-Assad.

Enfin, les forces pro-gouvernementales irakiennes, soutenues par des moyens aériens, mènent depuis ce week-end une offensive qu’elles estiment d’envergure – qualificatif à prendre avec précaution – pour tenter de reprendre aux djihadistes la ville de Tikrit, bastion du groupe de l’État islamique.

Ne nous trompons pas, Daech reste une force solide. Alliée à de nombreux acteurs sunnites, elle est capable d’affronter des armées conventionnelles, et use de la terreur comme arme de communication et comme arme politique, comme l’ont montré les récents enlèvements de chrétiens assyriens et la destruction du patrimoine historique et culturel irakien et syrien.

Daech est toujours un aimant pour des populations travaillées par l’islamisme radical. Plus de 400 individus de nationalité française sont présents au Levant, 90 sont présumés morts au cours de combat, 194 sont de retour en France et font l’objet d’un suivi très poussé des services du ministère de l’Intérieur. On dénombre aussi des Britanniques, des Allemands, des Belges et d’autres ressortissants européens, des Saoudiens, des Australiens, et d’autres nationalités encore, comme les Tchétchènes, sorte de forces spéciales dont la participation est jugée particulièrement « tonique ».

Dans cette guerre, la France tient pleinement son rang. Derrière les États-Unis, nous sommes le deuxième contributeur aux opérations aériennes avec à présent 36 avions dont 33 chasseurs – 21 embarqués à bord du Charles-de-Gaulle, engagé pour une mission de huit semaines, et 12 à terre en Jordanie et aux Émirats arabes unis. Depuis août 2014, près de 2 500 objectifs ont été frappés par la coalition dont 1 400 en Irak. Une quarante-neuvième frappe française a eu lieu cette nuit au voisinage de Mossoul, avec trois objectifs traités.

Au sol, nos forces spéciales poursuivent au nord l’entraînement et le conseil des Peshmergas, qui mobilisent une centaine de nos militaires, tandis qu’à Bagdad se met en place une équipe de l’armée de terre pour conseiller les forces de sécurité irakiennes dans le cadre du programme Assist and Advise. La formation de ces dernières sera toutefois longue, voire très longue.

Enfin, j’aimerais faire un point sur la Syrie, même si nous n’y intervenons pas directement. La situation est plus figée, je relève néanmoins quatre tendances.

Kobané constitue pour Daech une première grosse défaite : 3 000 djihadistes seraient morts dans les combats.

Les Kurdes, qui sortent grand vainqueur de cette bataille, mènent également un combat pour les lignes de communication. Leur stratégie prévoit de créer un tampon le long de la frontière turque pour priver Daech d’accès facile à la Turquie.

Par ailleurs, Jabhat al-Nosra, lié à Al-Qaïda, se renforce dans le nord-ouest et l’ouest de la Syrie.

Le régime de Bachar-al-Assad poursuit son action de défense de la Syrie utile, en desserrant l’étau autour de Damas et en poursuivant son entreprise d’asphyxie d’Alep. Il ne reste plus que quelques kilomètres de lignes à prendre pour que cette emprise soit totale. La bataille d’Alep va reprendre. Les éléments sont réunis pour que la ville soit enserrée par les forces loyalistes, lesquelles sont elles-mêmes enserrées par les insurgés de l’armée syrienne libre.

Ajoutons à cela une accentuation de la coordination entre mouvements chiites, qu’il s’agisse du Hezbollah en Syrie – qui a mobilisé 1 500 combattants – ou des milices chiites en Irak présentes dans la partie sud-est du pays, et des appuis apportés par la force Al Qods venue d’Iran.

Nous avons fait savoir aux Américains notre volonté de participer au programme Syria Train and Equip, qui mobilise 500 millions de dollars. Il a pour objectif d’améliorer la formation de 5 000 combattants de l’armée syrienne libre susceptibles de participer au redressement de la Syrie d’après. Les Américains peinent toutefois à mettre ce programme en œuvre, en particulier parce qu’il est très difficile d’établir un processus de recrutement sûr.

Je me consacrerai maintenant à nos opérations en France.

Comme à l’extérieur, la mobilisation du ministère est totale sur le front intérieur. « Sentinelle » est de fait aujourd’hui notre première opération militaire, eu égard au volume des effectifs déployés.

Le pic de la menace n’est pas passé. La mouvance djihadiste fait montre d’une forte agressivité à l’encontre de la France : la majorité des groupes terroristes ont salué les attaques des 7 et 9 janvier et appellent régulièrement, via les réseaux sociaux, à commettre de nouvelles actions. Dans un communiqué du 30 janvier, Al-Qaïda en péninsule arabique (AQPA) désigne la France comme l’ennemi n° l de l’islam devant les États-Unis. Le 3 février, trois militaires ont été agressés à l’arme blanche et légèrement blessés dans le centre de Nice. Plus récemment, les Shebab somaliens ont appelé dans une vidéo à s’attaquer aux centres commerciaux occidentaux, en particulier parisiens. L’attentat commis contre un centre culturel et une synagogue dans la ville de Copenhague mi-février est un autre signe du poids de la menace. Nos services suivent plusieurs pistes dans le but d’entraver des projets d’attentats avérés et déclenchent régulièrement des interpellations.

Compte tenu de la permanence de la menace terroriste, le Président de la République a décidé, lors du conseil de défense du 25 février dernier, de prolonger jusqu’au 1er juillet prochain le déploiement du dispositif de protection du territoire national tel qu’il existe aujourd’hui.

S’agissant du déploiement de nos forces armées, la première relève des militaires mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle s’est déroulée la semaine dernière et s’est achevée le 23 février. Aujourd’hui, 682 sites sont protégés par nos soldats en France métropolitaine et outre-mer, dont 330 en Île-de-France, en étroite collaboration avec les forces de sécurité intérieure – police nationale, gendarmerie nationale et polices municipales. À cet égard, je tiens à souligner la bonne coordination entre les préfets et les officiers généraux de zone de défense et de sécurité.

En fonction de la nature des sites, de leur fréquentation, de la présence ou non de public, la protection des lieux peut être statique, dynamique ou mixte, permanente ou diurne seulement. Le choix du mode d’action le plus approprié fait systématiquement l’objet d’un dialogue avec les responsables des communautés religieuses.

Pour accomplir cette difficile mission, nos militaires reçoivent une formation spécifique. Preuve en est le sang-froid qu’ont manifesté les trois militaires attaqués à l’arme blanche à Nice – la tentation aurait pu être grande de tirer mais leur grande maîtrise leur a fait choisir un autre mode de réaction.

La présence que requiert l’opération Sentinelle est très exigeante. À titre d’exemple, en Île-de-France, où sont principalement déployés nos effectifs, la surveillance des écoles juives se fait par une présence statique de 7 heures à 19 heures 30 pour les établissements classiques, et par une présence statique 24 heures sur 24 pour ceux assurant un internat. S’agissant des sites à caractère religieux –- synagogues, centres culturels – la surveillance s’effectue par le biais de patrouilles mobiles permanentes de 6 heures 30 à 22 heures 30.

Nous nous penchons actuellement sur l’amélioration du soutien de la force, notamment en matière d’hébergement. Nous sommes également amenés à prendre de nouvelles mesures d’adaptation internes jusqu’au 1er juillet 2015, sachant que le dispositif pourra être prolongé, compte tenu de la gravité de la situation.

Celle-ci rend d’autant plus pertinente la réflexion que nous avons déjà entamée sur l’adaptation de notre réserve militaire afin que cette dernière prenne une part plus importante à la réalisation du contrat opérationnel. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre des travaux d’actualisation de la loi de programmation militaire qui devront prendre en compte les évolutions induites par cette nouvelle mission confiée à nos armées.

Je terminerai mon tour d’horizon des opérations en cours par un regard particulier sur la Centrafrique.

Nous sommes dans une phase plutôt positive. La dynamique de nuisance des ex-Séléka radicaux semble s’effriter fortement dans l’Est du pays. Nous sommes intervenus avec détermination, il y a quinze jours à Bria, pour y déloger Arda Hakouma, le leader FPRC, ou près de N’Délé à l’encontre du général Kanton. Tous deux s’opposaient à la tenue des consultations populaires qui doivent précéder le Forum de Bangui. La neutralisation des éléments perturbateurs a directement permis le retour de l’administration centrafricaine dans cette partie du pays.

Sur le plan politique, les fidèles de François Bozizé et de Michel Djotodia, qui recherchaient dans le cadre des récents pourparlers de Nairobi la déstabilisation du gouvernement de transition et la scission du pays en deux, n’ont finalement pas réussi leur entreprise. Le médiateur désigné par Commission économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le président Denis Sassou-Nguesso, œuvre pour la tenue du Forum de Bangui, étape clef vers les élections de l’été. Il semblerait qu’un processus vertueux ait été enclenché, même s’il faut rester modeste et prudent.

Le plein déploiement de la MINUSCA permet d’entamer la diminution des effectifs de Sangaris de à 1 900 à 1 700 soldats, avec l’objectif d’être en dessous de la barre des 1 000 à l’automne.

Enfin, l’avenir de la RCA passe par l’accompagnement des forces de sécurité centrafricaines, à reconstruire presque entièrement. La mission EUFOR RCA, qui était orientée vers le combat, a débuté sa manœuvre de retrait. Il convient à présent que l’Union européenne prenne le relais à travers la mission de formation EUMAM RCA, dont le principe a été arrêté non sans mal. Elle permettra la reconstitution de l’armée centrafricaine en vue d’accompagner le processus politique que je viens de décrire.

En conclusion, l’activité de nos forces est intense : je suis frappé par leur professionnalisme, leur courage, leur détermination mais aussi par la tension qui pèse sur nos dispositifs. Celle-ci justifie une actualisation de la loi programmation militaire.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le ministre. Vous êtes en effet très occupé. Il y a bien longtemps qu’un ministre de la Défense n’a été mobilisé par autant d’opérations majeures.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le ministre, merci pour cette présentation aussi exhaustive que précise. J’en retire deux impressions.

Premièrement, l’armée française fait bien son boulot partout.

Deuxièmement, depuis deux ans, le terrorisme se propage comme un feu de brousse. Le vent mauvais de la haine l’attise et quelques flammèches gagnent l’Europe. Heureusement le terreau y est moins fertile et l’opération Sentinelle permet d’éviter des drames.

La situation en Afrique est très préoccupante : au Nigeria et dans les pays voisins avec Boko Haram ainsi qu’en Libye.

Boko Haram prospère. Le président Goodluck Jonathan a déclaré vouloir faire le maximum, mais les élections présidentielles du 28 mars approchent. Qu’en sera-t-il ensuite ? C’est une autre question. La pertinence de la lutte contre les groupes terroristes exige que la France ne soit pas seule à agir. Or force est de constater que, mis à part les Américains qui exercent un leadership from behind, nous sommes seuls. Le Nigeria est membre du Commonwealth. Le Royaume-Uni ne peut rester inactif. À quels types d’opérations les Britanniques pourraient-ils prendre part dans ce secteur ?

S’agissant de la Libye, les Italiens se trouvent en première ligne, du fait de leur proximité géographique qui les expose à une immigration massive et incontrôlée. Quel rôle pourrait jouer la Tunisie ?

M. Philippe Folliot. Je m’exprimerai aussi en tant que président du groupe d’amitié France-Égypte. Le fait que notre pays ait renoué des relations avec l’Égypte est très important. Son poids démographique et sa position géostratégique au confluent de trois mondes – le monde méditerranéen, le monde arabo-musulman, le monde africain – en font un acteur-clef de cette région. De surcroît, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, de la conclusion des contrats de vente des Rafale et de la FREMM.

L’Égypte a engagé des démarches auprès des Nations unies afin qu’une résolution autorise une intervention en Libye. Vous n’êtes pas ministre des Affaires étrangères, mais pouvez-vous nous dire quelle est la position de la France d’un point de vue diplomatique ? Cette question est déterminante, compte tenu des 1 200 kilomètres de frontières communes entre la Libye et l’Égypte et des liens forts qu’un tiers de la population libyenne, notamment dans la partie est du pays, entretient avec l’Égypte.

L’Égypte a également mené une opération de représailles après l’assassinat révoltant de vingt et un chrétiens coptes égyptiens. La France est-elle prête à soutenir ses initiatives militaires ?

Toutes ces questions sont décisives : la situation en Libye sera notre principale préoccupation dans les mois et les années qui viennent. Il y a nécessité de tout faire pour instaurer un semblant d’État de droit dans ce pays qui n’en a jamais vraiment fait l’expérience.

M. Alain Marty. J’aimerais avoir davantage de précisions sur la République centrafricaine. Tout le monde ne tire pas les mêmes conclusions de sa situation. Les pays européens, notamment la France, s’accordent sur la nécessité d’organiser des élections pour recréer un État. Mais tel n’est pas le cas de tous nos partenaires. Certains ont mis des moyens à disposition des anciens présidents Bozizé et Djotodia pour qu’ils puissent se réunir à Nairobi avec certains chefs de guerre comme Nourredine Adam, qui contestent notre présence. Quel est votre sentiment sur ces démarches qui tendent à retarder le processus de normalisation ?

Les consultations populaires ont-elles pu se tenir à N’Delé et Birao, villes auxquelles nos forces avaient du mal à accéder il y a peu de temps encore ?

Je rejoins les préoccupations de mes collègues s’agissant de la Libye. Ce pays est proche de l’Europe, or il devient de plus en plus poreux à la menace des groupes terroristes dont les possibilités d’action sont démultipliées, du fait de l’absence d’État. Ne faudrait-il pas envisager la création d’une coalition pour assurer la création d’un État de droit ?

Enfin, pouvez-vous nous dire quelques mots de l’action engagée par nos services pour libérer notre otage au Yémen ? Avez-vous des informations ? Notre tâche est d’autant plus compliquée que la France n’a plus de représentation diplomatique dans ce pays.

M. Joaquim Pueyo. Monsieur le ministre, je vous remercie pour l’état des lieux très précis que vous avez dressé.

S’agissant de la Libye, il y a plusieurs mois déjà, vous appeliez notre attention sur les graves conséquences du délitement de l’État. Daech pourrait-il s’installer dans ce pays, compte tenu des difficultés qu’il rencontre en Syrie ?

Je me félicite que vous ayez repris de bonnes relations diplomatiques avec l’Égypte, pays que je connais bien pour l’avoir parcouru du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Ce sera un élément important car nous voyons bien que le problème libyen ne pourra être résolu à moyen terme qu’à condition que l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte travaillent de concert avec la France et les États-Unis. Quel est l’état des relations diplomatiques avec ces trois pays ?

Le 5 et 6 mars aura lieu à Riga une conférence interparlementaire sur la politique de sécurité et de défense commune, à laquelle je participerai. Tous les thèmes que vous avez abordés seront l’objet de discussions. Parmi les projets de résolution figure le renforcement du dispositif Athena. Lors du conseil européen de décembre 2013, il avait été demandé à ce que son mécanisme de financement soit revu. Pouvez-vous nous donner des informations à ce sujet ?

Enfin, ma troisième question porte sur un sujet qui peut paraître anecdotique mais qui me préoccupe. Depuis quelques jours, la presse se fait l’écho d’un mouvement parti des États-Unis de création de milices pour défendre les chrétiens d’Irak. De jeunes Français, même d’anciens militaires, les auraient rejointes. Avez-vous des précisions à ce sujet ? Ne pourrait-on pas plutôt encourager ces personnes à s’engager dans l’armée régulière ?

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, j’aimerais vous interroger sur l’impact des dernières évolutions que vous venez de nous présenter sur l’exécution du budget 2015.

Il y a un an, évoquant la réorganisation des forces prépositionnées et des OPEX, vous envisagiez une diminution très sensible de nos effectifs au Mali. Vous espériez passer de 2 600 hommes au premier semestre 2014 à 1 000 hommes engagés dans la lutte contre le terrorisme. Or l’opération Barkhane mobilise 3 800 militaires au sol.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Permettez-vous de vous interrompre, monsieur Lamour. Les chiffres actuels sont conformes aux évolutions que j’avais dessinées. L’opération Barkhane regroupe de l’ordre de 3 000 hommes, à N’Djamena, à Ouagadougou, à Niamey, en Mauritanie et à Gao, au Mali, où ils sont environ 1 000.

M. Jean-François Lamour. L’armée supprimera 1 500 postes de moins que prévu en 2015. Comment allez-vous intégrer cette charge supplémentaire dans un budget déjà très contraint ? Le coût des OPEX continuera de dépasser le milliard d’euros, les ressources exceptionnelles sont en souffrance, l’opération Sentinelle mobilise un million par jour, le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) est en hausse.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la participation d’autres pays aux diverses opérations extérieures.

Il y a un point très positif : la participation européenne au Mali. La MINUSMA, dispositif d’action militaire essentiel pour la sécurisation du territoire, compte 400 Néerlandais, 200 Suédois, des Allemands et des Espagnols et les Britanniques continuent de nous aider en matière de transports. Avec mes homologues suédois et néerlandais, nous allons nous rendre prochainement au Mali pour bien marquer la dimension européenne de cette force. Nous pourrions toujours revenir sur la situation du passé, qui appelle une autre question : parmi les pays européens, qui a la capacité d’entrer en opération en premier ? À part la France et le Royaume-Uni, s’il le veut bien, il n’y en a pas d’autres. Mais s’agissant de la situation actuelle, il n’y a rien à dire.

Pour le Nigeria, les choses sont différentes. Nous n’y sommes pas présents et, pour être clair, nous n’avons pas l’intention d’aller directement au combat. Si un État avec lequel nous sommes alliés, comme le Niger ou le Tchad, avait besoin de notre soutien, nous le lui apporterions, mais il n’est pas demandé d’intervention au Nigeria. Notre mission dans la région recouvre l’assistance, le conseil, le renseignement dans le cadre de la cellule de coordination et de liaison installée à N’Djamena dans les locaux qui abritent le poste de commandement de l’opération Barkhane.

Certes, il serait bon que les Britanniques participent. Pourquoi ne le font-ils pas encore ? Plusieurs raisons peuvent expliquer leur attitude. Tout d’abord, ils se trouvent dans une période pré-électorale. Ensuite, ils sont confrontés à un précédent : en août 2013, le Parlement britannique a voté contre l’intervention en Syrie. Enfin, ils sont au début d’une révision de l’équivalent de leur Livre blanc et de leur loi de programmation militaire, qui ne sera effective qu’après les élections. Cela n’empêche pas nos relations d’être bonnes. J’ai pu ainsi dire à mon homologue qu’il serait des plus utiles que deux officiers britanniques rejoignent rapidement la cellule précitée.

Je me réjouis par ailleurs qu’une véritable volonté africaine se soit fait jour et se manifeste très concrètement, alors qu’auparavant ces initiatives tenaient souvent du déclaratoire. Les soldats se battent. Il faut dire que ces pays sont directement menacés. Prenons le cas du Tchad, confronté au Nord aux combats en Libye, au Sud à Boko Haram, à l’Est aux Shebab. Nous devons pouvoir accompagner cette dynamique positive.

Je dois dire que je suis plus optimiste qu’il y a quelques jours pour ce qui est de la lutte contre Boko Haram.

La Tunisie, monsieur Pueyo, a, en effet, un rôle essentiel à jouer. Jusqu’à l’élection du président Essebsi à la fin du mois de décembre 2012, le pays se trouvait dans une situation politique complexe. Il est à présent entré dans une logique de coopération plus active. L’Algérie soutient la restructuration de l’armée tunisienne et la France est entrée dans un processus collaboratif, conjointement avec les Émirats arabes unis.

Avec l’Égypte, le renforcement de nos relations va au-delà de la vente de Rafale, de la FREMM et de quatre corvettes. La formation des pilotes et marins appelle le développement d’étroites collaborations, marquées par le volontarisme de part et d’autre. Nous avons passé un accord de principe dans le domaine des forces spéciales et du renseignement et deux directeurs de nos services de renseignement se rendront sur place dans les jours qui viennent.

Si l’armée égyptienne a attaqué plusieurs positions de Daech autour de Derna en représailles de l’assassinat de ses ressortissants coptes, je ne suis cependant pas sûr qu’elle soit en mesure de mener des opérations au sol d’envergure en Libye. La longueur de ses frontières exige qu’elle puisse protéger également la partie sud de son territoire.

Entre l’Égypte et l’Algérie, il n’y a pas de convergence au sujet de la Libye. Ma volonté personnelle – mais j’entre sur un terrain qui ne relève pas directement de ma compétence – est que l’Égypte, l’Algérie et le Tchad adoptent une position commune. Ce serait un préalable à la mise en place d’un processus qui pourrait avoir le soutien de l’Italie, de la France, des États-Unis et des Nations unies.

Compte tenu du fait que le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Ramtame Lamamra, s’est, il faut le dire, beaucoup impliqué dans la résolution du processus de pacification au Nord-Mali, une action de l’Algérie est-elle possible du côté de la Libye ? Cela n’est pas certain. Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe Al-Mourabitoune, né de la fusion avec le MUJAO, qui a organisé la prise d’otages du site In Amenas, menace à nouveau la sécurité algérienne. On peut penser qu’il y aura une prise de conscience mais, pour l’instant, elle n’est pas effective.

La mission des Nations unies dirigée par Bernardino León a du mal à aboutir. J’ai cru comprendre qu’une date butoir serait fixée par une résolution pour déterminer jusqu’à quand les négociations pourraient avoir lieu, mais je n’en suis pas certain.

Le cas libyen préoccupe particulièrement l’Italie. Une rencontre entre les ministres de la défense et des affaires étrangères italiens et français aura lieu dans les jours qui viennent pour décider des initiatives qui peuvent être prises.

S’agira-t-il de pousser Bernardino León à conclure un accord provisoire pour permettre à un embryon d’État de se mettre en place ? Auquel cas, cela nécessiterait de déployer des forces d’accompagnement pour consolider la sécurité du dispositif. Pour l’heure, la France n’a ni la vocation ni la capacité à assurer seule ce genre d’opération. Le Premier ministre Renzi et son ministre des Affaires étrangères travaillent à un concept d’opération de maintien de la paix. Espérons qu’il y aura rapidement des éclaircies en ce domaine. Je reste prudent et très inquiet.

S’agissant de l’Égypte, je ne voudrais pas oublier de mentionner la visite que j’ai rendue au pape de l’église copte Théodore II, pour présenter les condoléances de la France au nom du Président de la République. Je tiens à le rappeler car cet acte très symbolique a été éclipsé dans les médias par la signature du contrat Rafale.

Quant au mécanisme Athena, je ne peux que vous encourager à travailler à son élargissement, monsieur Pueyo. À cet égard, je dois vous préciser que lors de la réunion informelle des ministres européens de la Défense à Riga il y a dix jours, j’ai poussé un « coup de gueule » comme on dit, à propos du dispositif EUMAM de formation des cadres de l’armée centrafricaine. Le principe de la participation de soixante officiers a été acté il y a deux mois par une réunion formelle des ministres de la Défense et il a été impossible de faire venir ces soixante officiers, alors même qu’ils bénéficient de la protection de la MINUSCA et de Sangaris. L’une des raisons de cette situation particulièrement irritante est financière. Tant que le dispositif Athena ne couvrira que 10 % des coûts d’une opération, les vocations ne pourront être stimulées. Les Britanniques, qui bloquent la situation, m’ont dit qu’ils feraient un effort. Pour l’heure, l’effort que je crois deviner est extrêmement marginal. Il est nécessaire d’élargir le périmètre du dispositif Athena aux transports et aux équipements des armées auxquelles nous apportons notre soutien.

Quant aux milices de défense des chrétiens d’Irak, je ne dispose pas d’informations précises à ce sujet.

Vous évoquez, monsieur Marty, la possibilité d’une intervention de la France en Libye. Pour l’heure, nous n’en voyons même pas le début. Nous nous en tenons à des actions de renseignement, en particulier dans le Sud. Les Italiens, comme je l’ai dit, travaillent à la mise en place d’une opération de maintien de la paix, mais celle-ci ne sera possible que s’il y a un accord politique. Or, deux gouvernements et deux parlements continuent de coexister et le président égyptien Sissi ne reconnaît que celui de Tobrouk, considérant qu’il a été élu et l’autre pas, ce qui est au moins en partie vrai. Même si les Égyptiens ont abaissé le niveau de leurs exigences, la perspective d’une résolution n’est donc pas encore proche. Je ne peux prendre d’engagement sur une intervention de la France, compte tenu du très fort niveau d’emploi de nos forces, même si les effectifs dédiés à Sangaris sont appelés à diminuer.

Pour ce qui est de l’otage française, je me suis fixé pour principe de ne rien dire dans ce type de situation. Nous ne restons pas inertes, nous suivons de très près cette affaire, soit directement, soit indirectement. Je remarquerai seulement que le fait que l’enlèvement n’ait pas été revendiqué incite à aller vite.

S’agissant de la RCA, les consultations populaires sont en cours. Elles sont organisées dans chacune des préfectures et couvrent 80 % de la population. Certains voulaient empêcher qu’elles aient lieu à N’Delé et Bria, mais elles ont finalement pu s’y tenir. Un seul endroit a été laissé de côté pour l’instant, la préfecture de Vakaga, avec Birao, comme cela a déjà été le cas par le passé.

Vous le savez, nous avons condamné le processus de Nairobi, auquel ont pris part des hommes tels Michel Djotodia ou Nourredine Adam, qui feront l’objet de poursuites de la part de la Cour pénale internationale. Certains affirment que les Américains ont joué un rôle dans cette initiative tout à fait inappropriée. Peu importe. Notre ligne est de soutenir le processus initié en vue de la tenue du Forum de Bangui et des élections, sous l’égide du médiateur Denis Sassou-Nguesso.

Monsieur Lamour, j’en viens aux questions budgétaires que vous avez soulevées.

Je vous indique tout d’abord que la charge supplémentaire induite par les 1 500 postes que le mouvement de moindre déflation préserve pour 2015 peut être intégrée dans le budget, compte tenu des baisses du coût du carburant et de certains effets déflateurs.

S’agissant des OPEX, le surcoût a été de 140 millions d’euros pour janvier et février, soit un niveau inférieur à l’année dernière, du fait notamment de la moindre ampleur de l’opération Sangaris. Nous espérons maintenir cette tendance jusqu’à la fin de l’année. Le porte-avions Charles-de-Gaulle devait de toute façon être mobilisé pour des missions opérationnelles, notamment en Inde. C’est dans ce cadre que s’insérera, pendant huit semaines, sa participation à l’opération Chammal. Je vous rappelle que, conformément à l’article 4 de la loi de programmation militaire, le surplus global des coûts fait l’objet d’un financement interministériel. Il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas cette année.

Vos questions renvoient à une double interrogation.

Premièrement, quel contrat opérationnel notre pays donnera aux forces armées pour la protection du territoire sur la durée ? Ce sera le sujet de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Nous ne sommes plus dans l’hypothèse prévue par la LPM en cours, qui prévoyait la mobilisation de 10 000 hommes en une semaine pour une courte durée. Il faudra bien en tirer les conséquences. Je ne suis pas en mesure de vous apporter des réponses aujourd’hui, car nous sommes en train de travailler sur le type de mobilisation que l’on peut attendre de nos forces armées au titre de la mission de protection du territoire, qui est l’une des trois missions essentielles qu’elles sont appelées à remplir, aux côtés de la dissuasion et de l’intervention extérieure.

Deuxièmement, comment seront pris en charge les coûts liés à l’opération Sentinelle ? Je vous confirme que son coût est bien d’environ un million par jour, compte tenu des dépenses liées aux primes, à l’alimentation, à l’hébergement et au MCO. Son statut d’opération militaire intérieure, OPINT, l’a fait rentrer dans la catégorie des OPEX +. Elle constitue selon moi une forme d’OPEX. Je serai amené à mettre ces questions sur la table à la faveur de l’actualisation de la LPM.

M. Alain Moyne-Bressand. Ma question sera brève : sur quels financements s’appuie Daech pour couvrir un champ d’action aussi large ?

M. Philippe Nauche. Ma première question porte sur les réserves : quand comptez-vous les intégrer dans l’opération Sentinelle et dans quelles proportions ?

Deuxièmement, vous vous êtes félicité des excellentes relations entre services de renseignement intérieur et services de renseignement extérieur. Qu’attend votre ministère du projet de loi sur le renseignement prochainement présenté en conseil des ministres ?

M. Marc Laffineur. Monsieur le ministre, quelle est la situation économique au Mali ? Une reprise se fait-elle sentir ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous donner des chiffres plus précis à propos du nombre de combattants étrangers que compte Daech ?

Enfin, s’agissant des Rafale, la signature d’un contrat avec les Émirats serait imminente. Pouvez-vous nous en dire plus ? Où en est-on avec l’Inde ?

Mme Marie Récalde. Le Président de la République se rendra demain, mercredi 4 mars, à l’usine d’assemblage du Rafale en Gironde, ce qui réjouit les industriels comme les personnels de Dassault Aviation. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les délais de livraison des appareils à l’Égypte ainsi que sur les perspectives de signature avec d’autres pays ? Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les échéances du contrat DONAS de livraison d’armes au Liban ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Daech peut compter sur plusieurs sources de financement : le trafic des armements laissés par l’armée irakienne en déroute lors de la prise de Mossoul ; le trafic de pétrole, dont le produit est toutefois en diminution du fait des bombardements ; la taxation obligatoire qu’il impose aux ménages et aux commerçants en tant qu’État ; la monnaie d’échange que constituent les enlèvements, comme on le voit notamment pour les chrétiens.

Monsieur Nauche, l’apport des réserves à l’opération Sentinelle est aujourd’hui marginal, ce type d’opération réclamant une mobilisation extrêmement rapide. Toutefois, compte tenu du fait que la durée des opérations de protection du territoire sera longue, j’en suis convaincu, la question se pose de savoir comment mettre à contribution les réserves de manière flexible, c’est-à-dire dans des délais rapides et pour des périodes courtes. Cette interrogation ne fait que s’ébaucher. Nous sommes entrés dans une situation inédite dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. Jusqu’à présent, les réserves n’étaient pas considérées par les armées comme un enjeu stratégique, elles sont en train de le devenir. Je ferai des propositions à ce sujet.

Quant au projet de loi sur le renseignement, je préfère l’évoquer dans le cadre d’une audition spécifique.

Monsieur Laffineur, vous m’interrogez sur la signature d’un contrat de vente de Rafale en Inde. Un proverbe indien résume bien la situation : « La patience vient aux impatients et l’impatience vient aux patients ». À la différence de l’Égypte, le processus est extrêmement lent. J’ai rendu visite au nouveau ministre de la Défense dès après sa nomination en novembre et l’ai revu récemment, ainsi que l’entourage du Premier ministre. Les Indiens soufflent le chaud et le froid. À ce jour, Rafale est le seul à avoir été retenu suite à l’appel d’offres mais toute une série de paramètres entrent en ligne de compte, y compris une forte pression exercée par la Russie. Les autorités indiennes insistent pour que Dassault noue un partenariat industriel fort avec le groupe indien HAL et accorde une totale garantie de qualité aux avions fabriqués en Inde, ce que le groupe français se montre réticent à faire, point sur lequel on ne peut lui donner tort. Le Premier ministre Narendra Modi se rendra en France à la fin du mois d’avril. Sa visite marquera-t-elle la fin de l’histoire ou bien l’issue vers l’avenir ? Nous ne saurions le dire. Nous ne pouvons prendre des risques trop grands s’agissant d’un contrat de longue durée.

Pour ce qui est des Émirats, je dirai en toute prudence que nous sentons des frémissements. Les négociations ont été poussées jusqu’à la fin de l’année 2011 puis elles se sont brisées de mauvaise manière, les parties prenantes s’étant fâchées. Aujourd’hui, nos relations sont plus positives et nous avons, depuis, vendu un ensemble satellitaire.

S’agissant des délais de livraison des Rafale en Égypte, madame Récalde, le Président de la République apportera certainement des précisions lors de sa visite de demain. Les conditions du contrat prévoient la mise à disposition d’appareils avant même que ne soit entamé le processus de production. Nous les prélèverons sur les stocks de l’armée de l’air selon le schéma suivant : trois appareils biplaces dès maintenant, trois autres dans six mois, trois autres dans douze mois, puis trois monoplaces l’année prochaine. La livraison spécifique commencera plus tard, à t+40, si mes souvenirs sont bons. Entendons-nous bien, ces prélèvements ne viendront en rien diminuer les capacités de nos forces car de nouveaux appareils seront livrés en substitution. Le contrat prévoit également une garantie de la COFACE à hauteur de 60 %, ce qui constitue un geste exceptionnel de la France.

Pour la frégate multi-missions, la négociation d’ensemble prévoyait une mise à disposition très rapide, dans la perspective de protéger le canal de Suez élargi, les combats dans le Sinaï faisant peser une menace directe. Les travaux de doublement devraient être achevés à l’été et la frégate Normandie sera livrée le 4 août prochain.

À cela s’ajoutent des modules de formation pour les Rafale et la FREMM.

Monsieur Laffineur, vous me demandez quelle est la situation économique du Mali. Je ne suis pas directement compétent. Une grande partie de son renouveau relève de la mobilisation financière de la conférence de Bruxelles. L’aide au développement commence d’arriver et me semble plutôt bien gérée. Le changement de Gouvernement a permis la formation d’une équipe caractérisée par le sérieux et le professionnalisme, y compris dans le domaine de la défense. Cela s’est traduit par l’engagement du président Ibrahim Boubacar Keïta à respecter les accords d’Alger, volonté qui ne s’était jamais manifestée auparavant. Pourvu que ça dure !

Le contrat DONAS repose sur un accord entre la France, le Liban et l’Arabie saoudite pour la fourniture d’équipements d’un montant de 2, 5 milliards d’euros. La ligne de crédit permettant le premier paiement a été ouverte le 22 février dernier, ce qui a dissipé les incertitudes liées au changement de roi saoudien. Le plan d’équipement prévoit, dans le domaine terrestre, des véhicules de combat VAB, des éléments d’artillerie, dans le domaine aérien, six Cougar, et, dans le domaine naval, des patrouilleurs rapides de cinquante-six mètres, mais pas de corvettes, auxquelles nos interlocuteurs ont renoncé après de longues discussions. À cela s’ajoutent des moyens de surveillance maritimes et aériens, un ensemble de dispositifs anti-terroristes et des livraisons de missiles anti-char HOT et MILAN, sans oublier un programme de formation. Bref, c’est un bon accord : gagnant-gagnant. Le mieux serait évidemment qu’il y ait un président de la République au Liban.

M. Nicolas Bays. Mes questions porteront précisément sur le Liban, dont je reviens. Le pays est confronté à des percées de Daech et de Jabhat al-Nosra. Au nord-est, ces mouvements constituent l’une des grandes inquiétudes des forces armées libanaises. Le problème se posera également à terme au sud-est, autour du plateau du Golan où les unités népalaises de la FINUL se sont déjà trouvées aux prises avec Daech et Al-Nosra.

Pourrait-on envisager un contrat DONAS + : la France est-elle prête à fournir à son propre compte des équipements à l’armée libanaise, sachant que les Américains ont déjà commencé la livraison d’armes supplémentaires ?

Qu’en est-il de nos forces prépositionnées au Sud-Liban ? Si Daech devait pénétrer sur le territoire libanais, à quelle réaction peut-on s’attendre ?

A-t-on des informations sur la provenance des matériels utilisés par Daech et Al-Nosra sur le plateau du Golan ? Il a été question d’Israël.

Pour ce qui est de l’opération Sentinelle, monsieur le ministre, quelle amélioration envisagez-vous pour l’hébergement des militaires, qui sont logés dans des conditions beaucoup moins bonnes que les gendarmes et les policiers qui effectuent les mêmes missions qu’eux ?

J’aimerais aussi vous interroger sur le rythme d’emploi des forces. Les soldats qui rentrent du Liban fin mars seront affectés à l’opération Sentinelle seulement un mois après leur arrivée en France. La surutilisation de nos militaires dans les OPEX ne risque-t-elle pas d’aboutir à une fatigue généralisée ?

La moindre déflation touchera 7 500 postes. Sait-on aujourd’hui comment ils se répartiront ? S’agira-t-il plutôt de « biffins » ou bien de postes non liés au terrain ?

Enfin, ne serait-il pas temps d’envisager une loi consacrée à la réserve, devenue un véritable enjeu ? Elle pourrait comporter des incitations pour les entreprises à engager des réservistes et à les libérer en cas de besoin.

M. Jacques Lamblin. Une question très brève, monsieur le ministre. L’efficacité des interventions aériennes en Irak dépend très largement de la qualité des renseignements dont on dispose sur les cibles : quelles sont les modalités de leur collecte en l’absence d’effectifs au sol ? Sur quels partenaires peut-on compter pour obtenir les informations utiles à nos militaires ?

M. Philippe Meunier. Un État peut faire la guerre directement, comme la France en Irak, ou indirectement, en fournissant des armes à des belligérants. Fournissons-nous des armes aux rebelles anti-Assad en Syrie et, si oui, de quels types, en quelles quantités et pour quelles organisations ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Je commencerai par cette dernière question : oui, tout comme les Américains, nous fournissons des armes aux combattants de ce que l’on appelle dans le jargon diplomatique l’armée syrienne libre, à des katibates dûment identifiées, en nous entourant au maximum des précautions d’usage. Nos services de renseignement suivent les livraisons et assurent un marquage. J’ai déjà eu l’occasion de le dire.

M. Jean-François Lamour. Et sur qui frappent-ils ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Sur l’armée de Bachar al-Assad, car ils ne sont pratiquement pas en contact avec Daech.

Monsieur Lamblin, les renseignements que nous collectons proviennent de multiples sources : des satellites, des survols aériens, de la frégate de défense anti-aérienne Chevalier Paul, de l’un nos sous-marins nucléaires d’attaque, des équipes insérées parmi les Peshmergas et les forces de sécurité irakiennes, qui permettent de recueillir des renseignements au sol mais de manière plus limitée, car nous n’avons voulu déployer que peu d’effectifs sur le terrain. Nous sommes les deuxièmes derrière les États-Unis pour la fourniture de renseignements.

Pour répondre à Nicolas Bays, je dirai que les 1 500 postes préservés pour cette année ne sont pas encore tous identifiés. Le plan de suppression est en cours de révision. Je serai amené à vous donner des précisions à l’occasion des travaux d’actualisation de la LPM.

Je suis d’accord avec vous sur le rythme d’emploi de nos forces. C’est sur le long terme que nous pourrons bénéficier de 7 500 postes supplémentaires, compte tenu du temps que prendra la réorganisation. Dans le court terme, l’opération Sentinelle impose une pression significative sur les militaires revenus d’opérations extérieures. Il importe que les moyens d’accompagnement en termes de logistique et d’hébergement soient renforcés. En Île-de-France, nous ne disposons que de très peu d’hébergements militaires, mis à part la base de Satory. Cela dit, leurs conditions de vie ne pourront approcher celles de gendarmes qui ont des traditions d’hébergement différentes.

S’agissant de notre contribution à la FINUL, nous ne prévoyons pas de changement. Je vous précise qu’il s’agit de forces en opération et non de forces prépositionnées comme à Djibouti ou Dakar. Nos effectifs se montent à 850 soldats, comme vous le savez puisque vous y avez servi récemment en tant que réserviste.

M. Nicolas Bays. Que faire face aux inquiétudes que suscite la situation au Sud-Liban ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Nous ne bougerons pas. Nous maintiendrons les effectifs à leur niveau actuel, conformément à la décision du Président de la République.

En outre, nous ne disposons pas de capacités financières suffisantes pour consentir un effort supplémentaire en faveur des forces armées libanaises. Du reste, elles devront se former à l’utilisation du large apport d’équipements dont elles bénéficient.

Les moyens supplémentaires doivent aller à l’Afrique, en particulier pour aider les Nigériens à assurer leur propre sécurité face à Boko Haram.

Enfin, la réserve nécessite d’entamer un important travail de réflexion dont l’actualisation de la LPM marquera le début. La constitution d’une véritable réserve en France nécessite une mutation culturelle, processus qui réclamera du temps. Il faut bien garder à l’esprit que les menaces terroristes ne sont pas près de cesser. Cette nouvelle donne induit une vigilance extrême de notre part. Je pense que vous aurez bien compris mon message, mesdames, messieurs les députés.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le ministre.

La séance est levée à dix-neuf heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Nicolas Bays, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Nathalie Nieson, M. Jean-Claude Perez, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy

Excusés. - M. Olivier Audibert Troin, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, Mme Marianne Dubois, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Éric Jalton, M. Charles de La Verpillière, M. Frédéric Lefebvre, M. Michel Voisin

Assistaient également à la réunion. - M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-François Lamour
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