Fiche du document numéro 34760

Num
34760
Date
Jeudi 19 décembre 2024
Amj
Taille
1072202
Titre
Paris-Kigali : détention à perpétuité confirmée contre l’ancien adjudant-chef Philippe Hategekimana
Sous titre
Comme en première instance, la cour d’assises de Paris a reconnu l’ancien adjudant-chef de gendarmerie, naturalisé français sous le nom de Philippe Manier, coupable de génocide et de crimes contre l’humanité perpétrés en avril et mai 1994 à Nyanza, dans le sud du Rwanda. Elle a confirmé le verdict de 2023.
Nom cité
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Lieu cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Philippe Hategekimana, 67 ans, surnommé Biguma au Rwanda, connu en France sous le nom de Philippe Manier depuis sa naturalisation en avril 2005, a été condamné le 17 décembre à la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour génocide et crimes contre l’humanité à l’issue de son procès en appel.

Sa présence en Bretagne sous un nom d’emprunt, sa véritable identité et les accusations dont il était l’objet de la part de rescapés du génocide avaient été signalées en juin 2015 au Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR). Les enquêtes menées sur le terrain ont rapidement confirmé les soupçons pesant sur cet ancien adjudant-chef de la brigade de gendarmerie de Nyanza (province du Sud) pour son rôle durant le génocide. Le CPCR avait alors déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès des juges d’instruction du Pôle crimes contre l’humanité du TGI de Paris.

Une information judiciaire avait été ouverte le 22 septembre 2015. « Dans ses enquêtes préliminaires, le CPCR avait recueilli le témoignage d’un nombre important de victimes et de personnes condamnées au Rwanda », rappelle Alain Gauthier, président du Collectif.

Fuyant le Rwanda après la victoire du Front Patriotique qui mit fin au génocide contre les Tutsi, Hategekimana a vécu successivement au Zaïre, puis au Congo-Brazzaville, en Centrafrique et au Cameroun. Il se présenta alors comme une victime auprès de prêtres catholiques. Ceux-ci ont facilité sa venue en France en 1999. Pour brouiller les pistes il s’est alors déclaré sous le nom d’Hakizimana et a soigneusement dissimulé sa profession de gendarme. Au moment de sa naturalisation il a pris le nom de Manier.

L’ancien adjudant-chef n’avait pas tardé à apprendre que Parquet national antiterroriste (Pnat) enquêtait sur son compte. Le 13 novembre 2017, Philippe « Manier » quittait la France en prétextant rendre visite à un de ses enfants vivant au Cameroun. Mais il « oublia » de revenir en France. « Le 23 mars 2018, un mandat d’arrêt international est émis par les autorités du Rwanda, raconte Alain Gauthier. Trois jours plus tard, il se fait arrêter par les autorités camerounaises alors qu’il était venu accueillir son épouse à l’aéroport de Yaoundé. »

Près d’un an plus tard, le 15 février 2019, « Philippe Manier » est remis aux autorités françaises. Il est immédiatement placé en détention provisoire et mis en examen pour génocide et crimes contre l’humanité. En raison des risques de fuite, il est maintenu en détention jusqu’à son premier procès. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en juin 2023 par la cour d’assises de Paris, il fait appel.

On peut se référer au compte-rendu précis des audiences qui se sont tenues devant la cour d’assises en 2023, puis devant la cour d’assises de Paris siégeant en appel sur le site du CPCR. Philippe Hategekimana a constamment affirmé qu’il n’était plus à la brigade de Nyanza au moment du génocide, qu’il est victime d’une homonymie, qu’il a sauvé des Tutsi et que les témoins qui l’accusent ont été instrumentalisés par le régime de Kigali. Autant d’arguments qui ont été balayés par le jury dans des attendus détaillés. L’ancien gendarme rwandais a été reconnu coupable de génocide et crime contre l’humanité pour quasiment tous les chefs d’accusation qui pesaient à son encontre.

Alain Gauthier a exprimé sa satisfaction après l’annonce du verdict. « Personnellement, je n’avais aucun doute sur la décision qui serait prise. Monsieur Hategekimana avait la même ligne de défense qu’en première instance. C’était une défense impossible, qui ne pouvait convaincre les jurés.

Cependant, à la suite de ce verdict demeurent bien des zones d’ombre, notamment celle-ci : comment la brigade de gendarmerie de Nyanza pouvait-elle posséder une arme lourde de guerre, un mortier de 60 mm qui lui a permis de briser la résistance collective des Tutsi ? Le général Jean Varret, qui dirigeait la coopération militaire française en Afrique jusqu’à son éviction en 1993 avait refusé la livraison d’armes lourdes à la gendarmerie rwandaise. « La France n’a pas livré ce type d’arme létale à la gendarmerie jusqu’à mon départ, et aucun militaire français n’a formé les gendarmes à ce type d’arme », nous précise-t-il.

L’adjudant-chef Philippe Hategekimana, qui a reconnu sur audition avoir été formé à l’usage du mortier et a démontré sa compétence en la matière, a été formé par qui ? A quelle date ? Le mortier a été acheté où ?

Autre interrogation : à notre connaissance, aucune procédure de déchéance de nationalité n’a été engagée contre des Rwandais réfugiés en France qui ont obtenu le précieux sésame par des déclarations mensongères. Pourquoi ?

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024