Traduction
Bonjour, mon nom est Sam Kiley. Je suis journaliste. Au moment du massacre de Bisesero, j’étais le correspondant Afrique du Times basé à Johannesburg.
La raison pour laquelle nous avons pu découvrir ce qui s’est passé à Bisesero est que le 25 ou le 26 juin, j’étais à Kibuye avec un collègue Scott Peterson du Daily Telegraph lui aussi en reportage sur les massacres qui se passaient là-bas.
Et pendant que j’étais là-bas, j’ai croisé un prêtre franciscain nommé Vjeko Curic, qui escortait le nonce papal, l’ambassadeur du Vatican dans la partie occidentale du Rwanda et qui essayait de le convaincre qu’un génocide était effectivement en train de se dérouler ici au Rwanda.
Je connaissais Vjeko de précédents reportages au Rwanda. Vjeko m’a parlé et indiqué clairement la route vers Bisesero et il m’a dit que des massacres de Tutsi continuaient à avoir lieu là-bas.
C’était une information incroyable, car d’après ce que nous savions, il n’y avait quasiment plus de Tutsi vivants au Rwanda, tous avaient été tués ou avaient fui.
Donc découvrir des poches importantes de Tutsi vivants était un scoop et un gros sujet.
Ma voiture était abîmée, nous y sommes allés, nous sommes arrivés à l’aurore le lendemain ou le jour-même.
Je me rappelle très clairement des indications qu’il m’avait données. Nous avons trouvé facilement. Nous avons monté un kilomètre sur cette route peut-être moins, peut-être 4 ou 500 mètres. Nous sommes passés à côté de maisons en flamme. La nuit tombait. Il y avait des Interahamwe dans les rues ou sur la route de chaque côté de la voiture avec des lances et des machettes. Il était clair que les massacres continuaient. Puis il y a eu des tirs au-dessus de notre voiture.
J’avais Scott Peterson qui était à moitié délirant à cause du paludisme, donc nous avons décidé de faire demi-tour et je l’ai ramené pendant la nuit et le jour suivant à Gisenyi puis à Goma où j’ai aussi fait réparer ma voiture.
Mais sur la route, ça devait être le 26, il faut que je vérifie mes notes, que malheureusement je n’ai pas avec moi, nous avons rencontré une équipe des forces spéciales françaises qui allait vers le sud accompagnée par des journalistes. Parmi eux, il y avait CNN, pour qui je travaille maintenant, CNN était là-bas.
J’ai arrêté le convoi, j’ai parlé avec l’officier responsable qui, je pense, était colonel. J'ai insisté auprès de lui pour qu’il m’écoute quand je lui ai décrit ce que j’avais vu.
Je lui ai montré l’endroit exact que j’avais marqué sur ma carte du Rwanda. Je lui ai dit : « C’est une zone où vous devez aller et y aller maintenant car des Tutsi se font tuer et je crois qu’il y en a beaucoup ».
Cet incident a été filmé par CNN, je ne sais pas si cela a été diffusé à la télévision.
Après je suis rentré à Goma, j'ai fait réparer ma voiture, et j'ai passé la nuit à Goma.
Je suis retourné à Gishyita, qui était le hameau le plus proche de l’embranchement vers Bisesero. Par hasard ou non, j'ai trouvé une unité des forces spéciales françaises, différente de celle que j’avais informée la veille. Commandée par l’homme qui s’est révélé… a dit s’appeler Marin Gillier. Il faisait partie d’un commando de marine. Les Français, je dois le préciser, partout au Rwanda pendant l’opération Turquoise étaient convaincus que je faisais partie des forces spéciales britanniques ou le MI6 ou les deux.
Ça m’a un peu compliqué la vie parfois, mais d’autre fois, comme ils voulaient me garder à l’oeil, ils toléraient ma présence. Cela est lié, je l’ai compris plus tard, au syndrome de Fachoda, ou une obsession militaire française qui voit derrière le FPR, le mouvement rebelle dominé par les Tutsi, une sorte de complot anglophone. Expliqué par un journaliste français, ça me semblait incroyable, mais ce que je voyais sur le terrain c'était exactement cela.
Donc nous somme arrivés à Gishyita, et sommes allés - j’étais avec Dominic Cunningham-Reid qui était reporter free-lance … photographe pour Associated Press.
Nous sommes arrivés à Gishyita en fin d’après-midi, vraisemblablement le 27, sur la séquence des évènements c’est clair, sur les dates non.
Aucun journaliste n’avait été à Bisesero à ce moment-là, personne n’en avait entendu parler. Donc je n’étais pas au courant de ce qui se passait.
Nous avons rencontré cette petite unité de commandos de marine et ils étaient avec d’autres militaires. Il y avait aussi des parachutistes et des gendarmes du GIGN. Nous sommes arrivés à leur camp et avons demandé si l’on pouvait camper avec eux par sécurité dans un… Ils campaient dans d’anciens bâtiments d’école ou quelque chose du genre.
Et Marin Gillier a dit « Oui » et nous avons campé là, préparé notre nourriture et ils nous ont dit que nous ne pouvions pas aller aux alentours car ils allaient lancer une opération le lendemain.
Donc nous nous sommes levés plus tôt qu’eux. Et sur une intuition, je suis monté en voiture en direction de Bisesero, au-delà, non, pas tout à fait, juste à l’endroit, peut-être un peu avant l’endroit où j’étais allé, qui est situé dans un virage très marqué de la route et j’ai attendu pour voir si le message que j’avais passé aux forces françaises de venir et sauver ces Tutsi survivants était bien passé.
Ils sont bien arrivés une heure plus tard et sont passés devant moi dans un petit convoi de jeeps avec des hommes des forces spéciales.
Ils avaient plutôt un armement lourd, équipement d’infanterie classique, mais ils avaient des roquettes anti-char ce qui n’est pas anodin.
En passant devant nous l’un d’eux a furtivement levé le pouce, peut-être en admiration du fait que j’avais deviné où ils allaient. C’était en fait une supposition et le hasard. Néanmoins, ils sont passés et nous avons suivi l’arrière de leur convoi. Ils sont passés à travers les zones de massacre. Ils ont été bien au-delà de là où les Tutsi étaient encerclés. Jusqu'en haut de la colline, où ils ont poireauté un moment.
A un moment, Marin Gillier s’est glissé derrière moi et m’a fouillé pour vérifier que je n’avais pas d’armes. Il était encore convaincu que j’étais des forces spéciales britanniques, ce que je suis pas.
Et il y avait à ce moment, je ne suis pas sûr de quand ils sont arrivés ou nous ont trouvés, une petite équipe de Paris Match, qui venait enquêter. Ils sont arrivés et nous étions au sommet de cette colline et ils parlaient avec les Interahamwe et les militaires restants des FAR.
Je parlais à Paris Match… Et il y avait un hélicoptère qui amenait de la nourriture au sommet de cette colline pour les Interahamwe, ce qui m’a horrifié, j’étais totalement stupéfait.
Donc j’ai dit aux militaires et aux journalistes français « ces hommes sont dans le mauvais camp et ils ne comprennent foutrement rien à ce qui se passe. Ce qui est important se passe là-bas ». Et j’ai pointé vers le bas vers le site où je savais que les massacres se déroulaient.
Donc je suis redescendu en voiture en emmenant l’équipe de Paris Match avec nous. En descendant, c'est sûr, nous avons trouvé des enfants. J’ai trouvé un enfant qui avait le sommet de son crâne découpé et manquant, encore en vie. Le sommet du crâne manquait comme un oeuf. Il y avait des corps partout, en particulier en remontant la colline vers la gauche, c’était horrible. Il y avait des gens avec des blessures récentes, d’autres avec de vieilles blessure pourries, des corps en décomposition, des corps récents.
Il n’y avait aucun signe des Interahamwe à ce moment, pas de signes manifestes à part ceux qui étaient en train de parler avec les militaires français en haut de la colline.
De ce que je me rappelle, pendant que j’étais en bas, les gens de Paris Match étaient choqués par ce qu’ils voyaient. Ils sont remontés sur la colline et ont trouvé deux parachutistes, et deux gendarmes du GIGN, ils les ont fait descendre pour leur montrer ce qu’ils avaient vu.
Je sais que les paras français avaient des bérets rouges et les gendarmes avaient des uniformes différents, des bérets différents. Ils sont venus en bas et nous leur avons montré ce que nous voyions et ils ont dit qu’ils remontaient sur la colline pour rapporter à leur officier ce qu’ils avaient trouvé et qu’il y avait des massacres en cours.
Quelques survivants Tutsi que l’on rencontrait, il y en a un ou deux qui sont sortis des buissons pour nous parler et nous dire ce qui se passait. Ils sont retournés se cacher. Il y a eu beaucoup d’aller-retours parmi les troupes françaises, alors qu’ils remontaient sur la colline d’autres descendaient, d’autres remontaient vers le sommet pour faire leur rapport par radio. C’est ça.
Donc les premières personnes qui sont descendues avec les paras, ils ont appelé à la radio. Deux gendarmes de plus sont descendus. Après ils sont remontés, les paras sont remontés car ils n’avaient pas de réponse à la radio. Finalement après plusieurs heures, Marin Gillier et son équipe sont descendus et ont clairement réalisé ce qui se passait, quels qu'aient été ses ordres. Et il m’a dit qu’ils étaient là pour stopper le FPR. Et que ça allait être dangereux au sommet de la colline et que nous ne devions pas traîner par là car il allait y avoir des combats à cause du FPR qui était proche, ce qui était vrai, et qu’il avait ordre de les stopper.
On avait dit à la plupart de ses hommes qu’ils allaient se battre contre le FPR, qui était derrière les massacres. Ils ont été salement désinformés sur presque tout. Ils sont finalement descendus, ont réalisé l’étendue du problème. Les médias étaient de plus en plus présents. Dès la fin de la journée les Français avaient commencé à arriver avec du renfort par hélicoptères.
Incidemment, j’ai fait une photo qui est au musée du génocide de Kibuye je crois, mon nom n’est pas mentionné, mais un universitaire canadien l’a découverte. C’est une photo des survivants Tutsi qui se sont regroupés. Des centaines et des centaines d’entre eux sont rassemblés sur le flanc de la colline le long de de la route, cherchant de l’aide. Et les Interahamwe sont passés avec deux véhicules sur cette route, ils venaient rencontrer d’autres troupes françaises qui étaient encore au sommet de la colline.
Mais les militaires français qui étaient plus bas avec les victimes du massacre et les survivants ont pointé leurs roquettes anti-char contre les Interahamwe qui souriaient et saluaient les Français en passant.
Cette photo est particulièrement significative car on y voit ces Tutsi qui avaient l'air désespérés observant leurs tueurs qui passent, maintenant protégés par les troupes françaises. Assez vite les troupes françaises ont commencé à amener du ravitaillement aux Tutsi en disant qu’ils allaient évacuer les blessés les plus graves par les airs vers Goma. Et c’est comme ça que les Français ont découvert qu’ils sauvaient des gens à Bisesero.
Ils auraient pu et dû intervenir plusieurs jours avant.
Il était clair pour moi que leurs ordres n’étaient absolument pas une intervention humanitaire en défense des victimes du génocide, mais était pour arrêter la progression tutsie si elle avait lieu.
Pendant que j’étais à Goma, en fait, j’ai rencontré des membres du 11e Choc, le service action de la DGSE qui étaient aussi convaincus de cela et même plus, qu’au sein du FPR il y avait des forces spéciales britanniques ou des mercenaires britanniques, ce que je n’ai jamais pu voir. Mais encore une fois cela renforçait leur opinion selon laquelle je faisait partie de cette conspiration.
Voilà, c’est vraiment l’histoire de la découverte de Bisesero en détails.
En résumé, j’ai été tuyauté par un prêtre franciscain, Vjeko Curic. Dans les 24 heures j’en ai parlé aux militaires français, des troupes françaises qui allaient vers le sud depuis Goma. 24 heures ou 36 heures plus tard, j’étais avec une unité différente à Gisenyi. En gros, je les ai forcés à intervenir en montrant le site du massacre à Paris Match qui a utilisé la pression médiatique pour obtenir une réponse de Marin Gillier, ses officiers et ses hommes.
Je dois dire que les parachutistes et les gendarmes qui ont été les premiers à descendre regarder ce que nous avions découvert avaient l’air absolument bouleversés par ce qu’ils ont vu.
Citation
Hello, my name is Sam Kiley. I am a journalist. At the time of the Bisesero massacre, I was the Times Africa correspondent based in Johannesburg.
The reason we were able to discover what had happened in Bisesero is that on about June the 25th or 26th I think, I was at Kibuye with a colleague, Scott Peterson from the Daily Telegraph reporting on the massacres there. And while I was there, I ran into a Franciscan priest called Vjeko Curic, who was escorting the Papal nuncio, the Vatican ambassador around this part of Western Rwanda to try and show him, persuade him that indeed genocide had occurred and was occurring in Rwanda. Vjeko I knew from previous reporting in Rwanda. Vjeko told me and gave me very clear directions to Bisesero and said there are massacres going on there, continuing to go on against Tutsis.
Now this was an amazing piece of information because as far as we were aware, there were almost no Tutsis left alive inside Rwanda, everybody being killed or fled. So pockets of Tutsis of any significance was a big story and a big issue. But my vehicle was damaged, so we went to that location at dusk the following day or maybe the same day. I distinctly remember his directions to the location. We found it very easy, turned off the road and we got about a kilometre, maybe less, maybe 400, 500 metres up that road and we came across burning houses. It was getting dark. There were Interahamwe on the streets or on the road either side of us with spears and machetes and it was clear that a massacre was continuing. And then there were gunshots over our car.
I had Scott Peterson in the car who was semi delirious with malaria, so we decided to turn round and I took him that day, overnight that night and into the next day, we drove to Gisenyi and then to deliver him to Goma and get my car fixed. But on the way, so it would have been I guess about the 26th, I would have to check this in my notes, which I'm afraid I don't have with me, we encountered a team of French Special Forces heading south with an entourage of media. Among the media was CNN, who I now work for, CNN were there. I stopped that convoy, I spoke to the commanding officer of it, who I believe was a colonel, insisted on him listening to me as I gave exact description of what I'd seen and showed him the exact map location which I'd marked on my Rwandan map and said that is an area where you need to get to and get to now because Tutsis are being killed and there's a lot of them we believe
.
This incident was filmed by CNN, I don't know if it was ever shown on the television. I then went onto Goma, got my car fixed, spent one night in Goma and headed back and I came back to Gishyita, which was the nearest small village to the turnoff to Bisesero and by chance or design, I found a French Special Forces unit, a different one to the one that I had briefed under the man I later… called himself Marin Gillier. He was part of the commando marine. The French, I should say as a back story to this, all over Rwanda during Operation Turquoise were convinced that I was in the British Special Forces or MI6 or both. This made life slightly difficult at times, but at other times meant that they wanted to keep a close eye on me, so they were more tolerant of my presence. This, I understood at the time eventually went back to the Fashoda syndrome or an obsession in the French military that the support for the Rwandan Patriotic Front, the Tutsi dominated rebels with some kind of Anglophone plot. It seemed incredible to me as explained by French journalist, but what I just went on to see was exactly that.
So we arrived at Gishyita and came across - I was then travelling also with Dominic Cunningham-Reid who was a freelance reporter, photographer taking pictures for Associated Press now. We arrived at Gishyita in the late afternoon, I guess possibly on the 27th, again the dates, the sequence of events I'm very clear, on the dates are not. No journalist had been to Bisesero by this date, there had been no kind of reporting at all. So I was unaware. We came across this small unit of commando marine and they were mixed. They also had with them paratroopers and gendarmes, Special Forces gendarmes. We turned up at their camp and asked if we could camp with them for security on the sort of out… They camped in some old school buildings or something. And Marin Gillier said yes and we camped the night, made our own food and they had told us that we couldn't hang around though because they were going operational the next morning.
So we got up earlier than them. And on a hunch, I drove up the road towards Bisesero, beyond the point, no, not quite, up to, just about the point, perhaps a little short to the point where I'd been before, which is on a sharp bend in the road and waited there to see if indeed the message had got through to the French forces that they needed to go and rescue these remaining Tutsis.
They duly did arrive about an hour later and drove past me in a small convoy of jeeps with the Special Forces troops. They had some fairly heavy, normal infantry weaponry, but including anti-tank missiles, which was significant. Later on, they drove past us and one of them surreptitiously gave me a thumbs up, perhaps admiring of the fact that I'd guessed where they were going. It was a guess and it was a fluke. But nonetheless, they carried on and we then tacked onto the back of their convoy and followed them up and they went through the areas of massacre. They went far beyond where the Tutsis were surrounded and they went to the top of a hill where they hung around for a bit.
At one point, Marin Gillier crept up behind me and checked me for weapons. He was still convinced I was British Special Forces, which I am not. And there were by then, some - I'm not quite sure when they joined us or found us, but a small team from Paris Match, who went on to report on this, were also there by then and we were standing at the top of this hill and they were talking to the Interahamwe and the remaining elements of the Rwandan government forces. I said to the Paris Match and they brought in a helicopter which brought in some food supplies to that location up at the top of the hill to the Interahamwe, which I was aghast at, I was absolutely amazed. So I said to the French guys and to the French journalists, these guys are in the wrong place and they're missing the fucking point. What's really going on is down there
and I pointed down towards the site of where I knew the massacres were being carried out.
So I drove back down and taking the Paris Match team with us and we went down and sure enough found children. I found a child who'd had the top of their head cut off, still alive. The top of the skull was missing like an egg. There were bodies all over the place, particularly as you're going up the hill to the left hand side of the hill, things were extremely bad. There were people with fresh wounds, there were people with old rotten wounds, there were rotten bodies, there were fresh bodies.
There was no sign of the Interahamwe at this time, no obvious sign except for where they were talking to the French at the top of the hill. As far as I recall, while I was down there, the Paris Match were pretty stunned by what they saw. They went back up the hill and got two French paratroopers I believe was the order and I think two gendarmes from the gendarmerie Special Forces and made them come down and look at what they're seeing. I knew the French Paras were in red berets and the gendarmes had different uniforms, different berets.
They came down and we made them look at what we were seeing and they said that they went back up the hill to their commander to report what they had found and that there was an ongoing massacre and that the survivors of the few Tutsis that you could meet, there was one or two that came out of the bush to kind of talk to us and tell us what was going on and they were eventually back and there was a lot of back and forth among the French as they kept going back up the hill, more came down, more went back up to report, they radioed up to the top. That's right. So the first people who came down with the paras, they radioed up the gendarmes, two more gendarmes came down.
They then went up, paras went up in person I think after not getting any results on the radio and eventually, after several hours the Marin Gillier and his team came down and clearly realised that this was, whatever his operational orders were and he had told me that they were to stop the advance of the RPF and that it was going to be dangerous at the top of that hill and that I shouldn't hang around because there was likely to be combat because the RPF, which was true, was quite close and that they had orders to stop them. And a lot of his men had been told that they were going to fight against the RPF, who were behind the massacres. They'd been badly misinformed in almost every way. Anyway, so they eventually came down, realised the extent of this issue. There was by then a growing media presence and by the end of the day, the French had started flowing in helicopters and so on with reinforcements.
Interestingly, I have a photograph that's in the genocide museum I believe in Kibuye by me, it doesn't have my name on it, but a Canadian academic discovered it and it's a photograph of the surviving Tutsis who then poured, hundreds and hundreds of them poured out of the hillside and assembled on the roadside seeking help and the Interahamwe drove two vehicles up past them past this road, they were going to meet up with some more French troops who were still on the top of the hill. But the French troops who were down among the victims of the massacre and the survivors pointed their anti-tank weapons at these Interahamwe who were smiling and giving thumbs up to the French as they drove past and it's a very kind of telling photograph because it has these desperate looking Tutsis watching their killers drive past protected by now by the French troops and pretty soon then the French troops started bringing in supplies to the Tutsis saying that they were going to also fly some of the worst injured to the hospital in Goma.
And that was how the French discovered that they were rescuing people at Bisesero. They could most certainly and should have intervened several days earlier. It was very clear to me that their briefing was absolutely not a humanitarian intervention in defense of the victims of the genocide, but was going to be an effort to prevent the Tutsi advance if it came to it.
While I'd been in Goma, in fact, I'd met members of (Choc), the armed wing of the DGSE who were also convinced of that and further convinced that among the Rwandan Patriotic Front there were British Special Forces or British mercenaries, which is something I never saw, but again reinforced their view that I was part of that conspiracy. So that is really how the story of Bisesero, the discovery of Bisesero unfolded.
In short, I was tipped off by a Franciscan priest, Vjeko Curic. I then within 24 hours told the French, advancing French troops who were coming south from Goma, 24 hours after that or 36 hours, I was with them a different unit in Gisenyi and essentially forced them to intervene by showing the site of the massacre to Paris Match who then used their media pressure to get a response out of Marin Gillier and his officers and men. I have to say that the paratroopers and the gendarmes were the first ones that we made come down and have a look at what we were discovering, looked absolutely shattered by what they saw.
Traduction française
Bonjour, mon nom est Sam Kiley. Je suis journaliste. Au moment du massacre de Bisesero, j’étais le correspondant Afrique du Times basé à Johannesburg.
La raison pour laquelle nous avons pu découvrir ce qui s’est passé à Bisesero est que le 25 ou le 26 juin, j’étais à Kibuye avec un collègue Scott Peterson du Daily Telegraph lui aussi en reportage sur les massacres qui se passaient là-bas.
Et pendant que j’étais là-bas, j’ai croisé un prêtre franciscain nommé Vjeko Curic, qui escortait le nonce papal, l’ambassadeur du Vatican dans la partie occidentale du Rwanda et qui essayait de le convaincre qu’un génocide était effectivement en train de se dérouler ici au Rwanda.
Je connaissais Vjeko de précédents reportages au Rwanda. Vjeko m’a parlé et indiqué clairement la route vers Bisesero et il m’a dit que des massacres de Tutsi continuaient à avoir lieu là-bas.
C’était une information incroyable, car d’après ce que nous savions, il n’y avait quasiment plus de Tutsi vivants au Rwanda, tous avaient été tués ou avaient fui.
Donc découvrir des poches importantes de Tutsi vivants était un scoop et un gros sujet.
Ma voiture était abîmée, nous y sommes allés, nous sommes arrivés à l’aurore le lendemain ou le jour-même.
Je me rappelle très clairement des indications qu’il m’avait données. Nous avons trouvé facilement. Nous avons monté un kilomètre sur cette route peut-être moins, peut-être 4 ou 500 mètres. Nous sommes passés à côté de maisons en flamme. La nuit tombait. Il y avait des Interahamwe dans les rues ou sur la route de chaque côté de la voiture avec des lances et des machettes. Il était clair que les massacres continuaient. Puis il y a eu des tirs au-dessus de notre voiture.
J’avais Scott Peterson qui était à moitié délirant à cause du paludisme, donc nous avons décidé de faire demi-tour et je l’ai ramené pendant la nuit et le jour suivant à Gisenyi puis à Goma où j’ai aussi fait réparer ma voiture.
Mais sur la route, ça devait être le 26, il faut que je vérifie mes notes, que malheureusement je n’ai pas avec moi, nous avons rencontré une équipe des forces spéciales françaises qui allait vers le sud accompagnée par des journalistes. Parmi eux, il y avait CNN, pour qui je travaille maintenant, CNN était là-bas.
J’ai arrêté le convoi, j’ai parlé avec l’officier responsable qui, je pense, était colonel. J'ai insisté auprès de lui pour qu’il m’écoute quand je lui ai décrit ce que j’avais vu.
Je lui ai montré l’endroit exact que j’avais marqué sur ma carte du Rwanda. Je lui ai dit : « C’est une zone où vous devez aller et y aller maintenant car des Tutsi se font tuer et je crois qu’il y en a beaucoup ».
Cet incident a été filmé par CNN, je ne sais pas si cela a été diffusé à la télévision.
Après je suis rentré à Goma, j'ai fait réparer ma voiture, et j'ai passé la nuit à Goma.
Je suis retourné à Gishyita, qui était le hameau le plus proche de l’embranchement vers Bisesero. Par hasard ou non, j'ai trouvé une unité des forces spéciales françaises, différente de celle que j’avais informée la veille. Commandée par l’homme qui s’est révélé… a dit s’appeler Marin Gillier. Il faisait partie d’un commando de marine. Les Français, je dois le préciser, partout au Rwanda pendant l’opération Turquoise étaient convaincus que je faisais partie des forces spéciales britanniques ou le MI6 ou les deux.
Ça m’a un peu compliqué la vie parfois, mais d’autre fois, comme ils voulaient me garder à l’oeil, ils toléraient ma présence. Cela est lié, je l’ai compris plus tard, au syndrome de Fachoda, ou une obsession militaire française qui voit derrière le FPR, le mouvement rebelle dominé par les Tutsi, une sorte de complot anglophone. Expliqué par un journaliste français, ça me semblait incroyable, mais ce que je voyais sur le terrain c'était exactement cela.
Donc nous somme arrivés à Gishyita, et sommes allés - j’étais avec Dominic Cunningham-Reid qui était reporter free-lance … photographe pour Associated Press.
Nous sommes arrivés à Gishyita en fin d’après-midi, vraisemblablement le 27, sur la séquence des évènements c’est clair, sur les dates non.
Aucun journaliste n’avait été à Bisesero à ce moment-là, personne n’en avait entendu parler. Donc je n’étais pas au courant de ce qui se passait.
Nous avons rencontré cette petite unité de commandos de marine et ils étaient avec d’autres militaires. Il y avait aussi des parachutistes et des gendarmes du GIGN. Nous sommes arrivés à leur camp et avons demandé si l’on pouvait camper avec eux par sécurité dans un… Ils campaient dans d’anciens bâtiments d’école ou quelque chose du genre.
Et Marin Gillier a dit « Oui » et nous avons campé là, préparé notre nourriture et ils nous ont dit que nous ne pouvions pas aller aux alentours car ils allaient lancer une opération le lendemain.
Donc nous nous sommes levés plus tôt qu’eux. Et sur une intuition, je suis monté en voiture en direction de Bisesero, au-delà, non, pas tout à fait, juste à l’endroit, peut-être un peu avant l’endroit où j’étais allé, qui est situé dans un virage très marqué de la route et j’ai attendu pour voir si le message que j’avais passé aux forces françaises de venir et sauver ces Tutsi survivants était bien passé.
Ils sont bien arrivés une heure plus tard et sont passés devant moi dans un petit convoi de jeeps avec des hommes des forces spéciales.
Ils avaient plutôt un armement lourd, équipement d’infanterie classique, mais ils avaient des roquettes anti-char ce qui n’est pas anodin.
En passant devant nous l’un d’eux a furtivement levé le pouce, peut-être en admiration du fait que j’avais deviné où ils allaient. C’était en fait une supposition et le hasard. Néanmoins, ils sont passés et nous avons suivi l’arrière de leur convoi. Ils sont passés à travers les zones de massacre. Ils ont été bien au-delà de là où les Tutsi étaient encerclés. Jusqu'en haut de la colline, où ils ont poireauté un moment.
A un moment, Marin Gillier s’est glissé derrière moi et m’a fouillé pour vérifier que je n’avais pas d’armes. Il était encore convaincu que j’étais des forces spéciales britanniques, ce que je suis pas.
Et il y avait à ce moment, je ne suis pas sûr de quand ils sont arrivés ou nous ont trouvés, une petite équipe de Paris Match, qui venait enquêter. Ils sont arrivés et nous étions au sommet de cette colline et ils parlaient avec les Interahamwe et les militaires restants des FAR.
Je parlais à Paris Match… Et il y avait un hélicoptère qui amenait de la nourriture au sommet de cette colline pour les Interahamwe, ce qui m’a horrifié, j’étais totalement stupéfait.
Donc j’ai dit aux militaires et aux journalistes français « ces hommes sont dans le mauvais camp et ils ne comprennent foutrement rien à ce qui se passe. Ce qui est important se passe là-bas ». Et j’ai pointé vers le bas vers le site où je savais que les massacres se déroulaient.
Donc je suis redescendu en voiture en emmenant l’équipe de Paris Match avec nous. En descendant, c'est sûr, nous avons trouvé des enfants. J’ai trouvé un enfant qui avait le sommet de son crâne découpé et manquant, encore en vie. Le sommet du crâne manquait comme un oeuf. Il y avait des corps partout, en particulier en remontant la colline vers la gauche, c’était horrible. Il y avait des gens avec des blessures récentes, d’autres avec de vieilles blessure pourries, des corps en décomposition, des corps récents.
Il n’y avait aucun signe des Interahamwe à ce moment, pas de signes manifestes à part ceux qui étaient en train de parler avec les militaires français en haut de la colline.
De ce que je me rappelle, pendant que j’étais en bas, les gens de Paris Match étaient choqués par ce qu’ils voyaient. Ils sont remontés sur la colline et ont trouvé deux parachutistes, et deux gendarmes du GIGN, ils les ont fait descendre pour leur montrer ce qu’ils avaient vu.
Je sais que les paras français avaient des bérets rouges et les gendarmes avaient des uniformes différents, des bérets différents. Ils sont venus en bas et nous leur avons montré ce que nous voyions et ils ont dit qu’ils remontaient sur la colline pour rapporter à leur officier ce qu’ils avaient trouvé et qu’il y avait des massacres en cours.
Quelques survivants Tutsi que l’on rencontrait, il y en a un ou deux qui sont sortis des buissons pour nous parler et nous dire ce qui se passait. Ils sont retournés se cacher. Il y a eu beaucoup d’aller-retours parmi les troupes françaises, alors qu’ils remontaient sur la colline d’autres descendaient, d’autres remontaient vers le sommet pour faire leur rapport par radio. C’est ça.
Donc les premières personnes qui sont descendues avec les paras, ils ont appelé à la radio. Deux gendarmes de plus sont descendus. Après ils sont remontés, les paras sont remontés car ils n’avaient pas de réponse à la radio. Finalement après plusieurs heures, Marin Gillier et son équipe sont descendus et ont clairement réalisé ce qui se passait, quels qu'aient été ses ordres. Et il m’a dit qu’ils étaient là pour stopper le FPR. Et que ça allait être dangereux au sommet de la colline et que nous ne devions pas traîner par là car il allait y avoir des combats à cause du FPR qui était proche, ce qui était vrai, et qu’il avait ordre de les stopper.
On avait dit à la plupart de ses hommes qu’ils allaient se battre contre le FPR, qui était derrière les massacres. Ils ont été salement désinformés sur presque tout. Ils sont finalement descendus, ont réalisé l’étendue du problème. Les médias étaient de plus en plus présents. Dès la fin de la journée les Français avaient commencé à arriver avec du renfort par hélicoptères.
Incidemment, j’ai fait une photo qui est au musée du génocide de Kibuye je crois, mon nom n’est pas mentionné, mais un universitaire canadien l’a découverte. C’est une photo des survivants Tutsi qui se sont regroupés. Des centaines et des centaines d’entre eux sont rassemblés sur le flanc de la colline le long de de la route, cherchant de l’aide. Et les Interahamwe sont passés avec deux véhicules sur cette route, ils venaient rencontrer d’autres troupes françaises qui étaient encore au sommet de la colline.
Mais les militaires français qui étaient plus bas avec les victimes du massacre et les survivants ont pointé leurs roquettes anti-char contre les Interahamwe qui souriaient et saluaient les Français en passant.
Cette photo est particulièrement significative car on y voit ces Tutsi qui avaient l'air désespérés observant leurs tueurs qui passent, maintenant protégés par les troupes françaises. Assez vite les troupes françaises ont commencé à amener du ravitaillement aux Tutsi en disant qu’ils allaient évacuer les blessés les plus graves par les airs vers Goma. Et c’est comme ça que les Français ont découvert qu’ils sauvaient des gens à Bisesero.
Ils auraient pu et dû intervenir plusieurs jours avant.
Il était clair pour moi que leurs ordres n’étaient absolument pas une intervention humanitaire en défense des victimes du génocide, mais était pour arrêter la progression tutsie si elle avait lieu.
Pendant que j’étais à Goma, en fait, j’ai rencontré des membres du 11e Choc, le service action de la DGSE qui étaient aussi convaincus de cela et même plus, qu’au sein du FPR il y avait des forces spéciales britanniques ou des mercenaires britanniques, ce que je n’ai jamais pu voir. Mais encore une fois cela renforçait leur opinion selon laquelle je faisait partie de cette conspiration.
Voilà, c’est vraiment l’histoire de la découverte de Bisesero en détails.
En résumé, j’ai été tuyauté par un prêtre franciscain, Vjeko Curic. Dans les 24 heures j’en ai parlé aux militaires français, des troupes françaises qui allaient vers le sud depuis Goma. 24 heures ou 36 heures plus tard, j’étais avec une unité différente à Gisenyi. En gros, je les ai forcés à intervenir en montrant le site du massacre à Paris Match qui a utilisé la pression médiatique pour obtenir une réponse de Marin Gillier, ses officiers et ses hommes.
Je dois dire que les parachutistes et les gendarmes qui ont été les premiers à descendre regarder ce que nous avions découvert avaient l’air absolument bouleversés par ce qu’ils ont vu.