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Ce jeudi 12 décembre 2024, l’audience du procès à l’encontre de Monsieur HATEGEKIMANA a été consacré aux plaidoiries des conseils des parties civiles. Tout d’abord, les conseils des associations parties civiles ont plaidé. La cruauté du génocide et la déshumanisation infligée durant le génocide ont été remémorées. Il est rappelé à la Cour que l’enjeux du procès est de juger l’accusé Monsieur Philippe HATEGEKIMANA et non pas « KAGAME, le FPR ou le CPCR ». En outre, l’avocate de la Licra souligne que le génocide est le crime le plus abouti du racisme. Elle ajoute que ce crime est si grave qu’il porte atteinte à l’humanité tout entière, ce qui justifie aujourd’hui l’application de la compétence universelle.
Maitre AUBLE, avocate d’Ibuka France, a poursuivi, soulignant la répétition du mode opératoire qui « place les gendarmes au cœur de la machine exterminatrice » qu’est le génocide. En outre, elle affirme que les témoins « ne sont pas tous des menteurs ». Elle met en évidence le paradoxe dans l’argument de la partie adverse, qui attribue les prétendus « mensonges » des témoins détenus, condamnés définitivement, à des avantages tels que des conditions de vie luxueuses en prison ou des réductions de peine, tout en invoquant simultanément des conditions de détention désastreuses. Elle rappelle les particularités des témoignages des rescapés expliquées par Marcel KABANDA, Président d’Ibuka France lors de son audition ou encore par Madame Régine WAINTRATER. Elle souligne que la constitution d’Ibuka France en tant que partie civile n’a jamais été contestée au cours de la procédure, et que c’est seulement au 23ème jour d’audience que la défense décide d’accuser l’association de mensonges, sans pour autant expliquer en quoi l’association préparerait les témoins. Il est reproché à l’association de manipuler la mémoire alors que, tel que le rappelle Maître AUBLE, sa mission est de la préserver.
Les conseils de l’association Survie, Maître BERNARDINI et Maître SCIALOM, ont poursuivi. Il est rappelé les différentes thèses s’apparentant à du négationnisme. Il est aussi mis en avant l’utilisation massive du viol comme arme de guerre et comme outil du génocide. Ces viols, la fécondation contrainte, l’émasculation des hommes sont des éléments fondamentaux pour appréhender ce génocide. A cet égard, Maître SCIALOM indique que l’union de l’accusé avec une femme Tutsi ne permet pas de justifier qu’il n’est pas un extrémiste.
En outre, l’avocate de Monsieur Valens BAYINGANA a défendu la crédibilité du témoignage de son client, nécessaire pour déterminer la culpabilité de l’accusé dans le cadre de l’attaque de Nyamure. Les avocats du CPCR ont ensuite plaidé. Maître PHILIPPART met en avant l’utilisation de la stratégie de mise en miroir utilisée par la défense visant à faire passer les victimes pour des persécuteurs et l’accusé comme un persécuté. Elle souligne l’absence de preuve permettant de confirmer que les témoins ont été persécutés. Elle tend à démontrer que « l’exécution du génocide a été une œuvre concertée », à travers notamment l’implication des gendarmes dans les attaques et aux barrières De plus, ces conseils soulignent le pouvoir qu’avait l’accusé, en tant qu’adjudant-chef, de décider de la vie ou de la mort des individus. Ils mettent également en avant l’absence de logique ou de raison durant le génocide qui expliquerait que l’accusé ait pu, prétendument, sauver quelques Tutsi tout en ayant l’intention d’exterminer l’ensemble des autres.
Ensuite, les autres avocats des parties civiles ont plaidé. Maître KARONGOZI a souligné la réticence de l’accusé à répondre à ses questions en tant qu’avocat rwandais. De plus, il a été mis en avant l’adhésion de l’accusé à l’idéologie des génocidaires et l’implication, décisive, des gendarmes dans les attaques. La plaidoirie de Maître GISAGARA a ensuite porté sur la crédibilisation des témoins et le négationnisme. Maître EPOMA revient sur les mensonges dont sont accusées les parties civiles. Il ajoute aussi que l’existence d’une maîtresse Tutsi, ou d’un enfant « dont on ne sait rien » ne prouve pas un amour pour les Tutsi. Concernant le surnom de l’accusé, il précise que tous les témoins, et anciens collègues de l’accusé parlent d’un seul BIGUMA à Nyanza.
Maître TAPI souligne que l’accusé à lui-même affirmer « passer sur les barrières et sur les points de contrôle ». Il rappelle les contradictions que l’accusé à lui-même fait concernant sa date de départ de Nyanza, ainsi que les témoignages de ses collègues affirmant sa présence à la gendarmerie à des dates ultérieures à ce qu’il soutient.
Enfin, cette journée d’audience s’est achevée avec la plaidoirie de Maître SIMON, avocat de l’association Survie. Il salue le travail indispensable du CPCR, insiste sur l’importance de la compétence universelle, rappelle le processus de réification employé durant le génocide, et affirme que ce génocide n’a pas été improvisé. Il revient en outre sur les difficultés rencontrées par les témoins et rappelle pour cela les clés délivrées par Madame WAINTRATER. Il met en avant l’absence d’argument de l’accusé qui semble ne pas être intéressé. Il déclare notamment que « le stade ultime du génocide c’est l’indifférence ».
Pour conclure, il rappelle aux jurés leurs droits et leur devoir de soumettre les arguments à leur raison afin d’apprécier la défense de l’accusé.
Par Ella Grappin, Stagiaire Commission Justice Ibuka France