Résumé
Contrairement aux deux autres massacres perpétrés au siècle dernier, assassins et victimes partagent ici la même foi. On a vite oublié, rappelle l'auteur, la forte résonance de la religion dans ces tueries ponctuées d'hymnes et de visions de la Vierge. Ceci nous amène à la question majeure concernant les responsabilités du clergé catholique, et surtout celle de l'Église au Rwanda ainsi que celle des chefs du Vatican. De nombreux lieux de prière ont été transformés en sites de massacres. Les « Ouradours africains » étaient partout. À travers le cas spécifique de l'église de Kibeho, Jean-Pierre Chrétien étudie les enjeux de la mémoire : une église peut-elle redevenir un lieu de culte comme si de rien n'était (comme le prétend la hiérarchie épiscopale) ou doit-elle être consacrée comme lieu de mémoire (comme le prétendent les survivants) ? Loin d'être un argument formel, cette controverse révèle comment, au nom de la « réconciliation universelle », (position certainement honorable), se manifeste aujourd'hui une sorte de révisionnisme sourd, occultant la responsabilité des acteurs de ce drame, tout en confondant les tueurs et les victimes dans la prière et le chagrin.