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Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

Un accueil triomphal pour les Français. Militaires et milices rwandaises sont de la fête. Elles qui, hier, massacraient sauvagement

Fiche Numéro 31811

Numéro
31811
Auteur
Ceylac, Catherine
Auteur
Staes, Isabelle
Auteur
Pons, Pascal
Auteur
Barnier, Cécile
Auteur
Boussié, Laurent
Auteur
Chabot, Arlette
Date
24 juin 1994
Amj
19940624
Heure
24:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 24 heures [9:09]
Titre
Un accueil triomphal pour les Français. Militaires et milices rwandaises sont de la fête. Elles qui, hier, massacraient sauvagement
Soustitre
De son côté, le FPR semble décidé à poursuivre la bataille pour s'emparer de la capitale.
Nom fichier
Taille
32166807 octets
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Résumé
- Les forces françaises ont multiplié leurs patrouilles dans l'Ouest du Rwanda afin d'y évaluer la situation humanitaire ainsi que les besoins. Une équipe médicale militaire d'une cinquantaine de médecins et d'infirmiers devrait être rapidement opérationnelle.
- Des fosses communes ont été découvertes dont on ignore encore l'origine ethnique des victimes. Les premiers contacts avec la population rwandaise ont été positifs.
- Un simple pont à la sortie de Bukavu et c'est l'entrée dans le Rwanda. Nous sommes à Cyangugu, première étape de l'opération humanitaire des troupes françaises. Tout au long de la route la population acclame, drapeau bleu-blanc-rouge à la main. Un accueil triomphal dans cette partie du Rwanda, zone gouvernementale. Militaires et milices rwandaises sont de la fête. Elles qui, hier, massacraient sauvagement.
- Isabelle Staes s'adresse à un militaire des FAR : - "Vous êtes accusés d'avoir commis pas mal de massacres dans cette partie du pays du côté des forces gouvernementales". Le militaire lui répond en souriant : - "Non c'est le FPR ! Le FPR, c'est notre ennemi. Il raconte tout ça pour nous mettre en cause". Isabelle Staes : - "Oui mais ce sont les milices de ce côté du Rwanda qui ont commencé les massacres". Le militaire : - "Les milices ? Non, ce sont des mensonges".
- Premier objectif des Français : le camp de Nyarushishi à une dizaine de kilomètres de Cyangugu. Un premier détachement s'y est installé hier [23 juin] afin de protéger 8 à 9 000 réfugiés. Ils sont tutsi, regroupés ici par l'armée gouvernementale et vaguement protégés par la gendarmerie locale.
- Lieutenant-colonel Hervé Charpentier : "On essaie de continuer à vadrouiller pour élargir le dispositif de sécurité à partir des renseignements que veulent bien nous donner les réfugiés, les autorités et tous ceux qui veulent nous parler".
- Le colonel Thibault [Tauzin] a dû expliquer à ces Tutsi d'abord méfiants que ses troupes étaient là pour les protéger. Les militaires patrouillent régulièrement dans ce camp où l'on s'entasse dans des abris de fortune, où l'on souffre de dysenterie et où l'on se sent toujours menacé par les extrémistes hutu.
- Aujourd'hui la Croix-Rouge distribue des bambous pour que chacun se fabrique un abri. C'est elle aussi qui ravitaille et tente de soigner une population traumatisée.
- Le plus grand camp de réfugiés tutsi à l'Ouest du Rwanda est donc désormais sous protection militaire française mais la ligne de front n'est qu'à une centaine de kilomètres d'ici et il reste bien d'autres endroits à protéger. Alors chaque jour les militaires français s'enfoncent un peu plus dans le pays afin d'éviter de nouveaux massacres.
- Dans la capitale à Kigali, les rebelles du Front patriotique opposés à l'opération Turquoise ont pilonné les zones sous contrôle gouvernemental frappant ainsi l'hôpital de la Croix-Rouge et un marché. On dénombre sept morts et des dizaines de blessés.
- Comme si la souffrance ne connaissait pas de limites, à Kigali il n'y a pas de répit même pour les blessés. Ces images ont été tournées hier [23 juin] à l'hôpital de la Croix-Rouge : des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants venaient d'y être transportés. Quelques heures à peine après leur arrivée, le bâtiment était bombardé à nouveau. Un obus de mortier sur le bloc opératoire. Bilan : sept morts et des dizaines de blessés.
- Les équipes médicales du CICR travaillent dans des conditions impossibles et manquent cruellement de moyens. Ce soir il n'y aura plus de pansements et les victimes affluent.
- L'hôpital est situé dans une zone contrôlée par l'armée gouvernementale, pris en étau et exposé aux attaques du Front patriotique rwandais qui ont redoublé de violences ces derniers jours.
- Les Casques bleus tentent tant bien que mal de protéger encore quelques réfugiés. Mais leur impuissance est grande. Le FPR semble décidé à poursuivre la bataille pour s'emparer de la capitale. Mais il a ce soir quelque peu assoupli sa position face à l'intervention de la France. Laurent Boussié : "J'ai rencontré un haut responsable du FPR. À la position catégorique affichée il y a quelques jours a succédé un langage plus réaliste avec des phrases comme celle-ci : 'Les Français ont accepté les limitations demandées par l'ONU. Et si les Français restent strictement dans leur mission, il n'y aura pas de problème avec eux. Mais, évidemment, nous jugerons chaque action'".
- En théorie la France est soutenue par les autres pays européens mais dans la réalité, ce soutien est encore timide. Néanmoins l'Italie a annoncé au sommet européen son intention d'envoyer des troupes.
- Alain Juppé : "J'ai pu constater aujourd'hui que tous nos partenaires approuvaient l'initiative de la France et, sous des formes diverses étaient prêts à s'y associer sur le plan logistique. Plan logistique, ça veut dire quoi ? Ça veut dire des avions de transport pour nous aider à transporter soit nos troupes soit aussi l'aide humanitaire ! Parce que derrière les soldats français arrivent, dans les régions que nous avons identifiées, l'aide humanitaire de façon massive. Cinq ou six pays européens se sont déclarés disponibles et ceci est en train de se mettre en place".
- Mais seule l'Italie serait prête à envoyer des troupes, jusqu'à 5 000 hommes, à condition que Berlusconi puisse convaincre tout son gouvernement. Une phrase dans le communiqué final du sommet de Corfou devrait refléter ce soutien européen. Ainsi la France devrait se sentir bientôt moins seule au Rwanda.
- Josée Kabagema, co-fondatrice de l'association l'"Alliance pour le Rwanda" : "Qu'est-ce qu'un Hutu, qu'est-ce qu'un Tutsi, ce n'est pas la chose la plus importante parce qu'en fait, ce qu'il est important de savoir, c'est qu'on est tous des Rwandais et que ça a toujours été le cas et que l'on parle surtout la même langue. Et que ce sont les puissances plutôt étrangères qui ont essayé de nous diviser. Et c'est comme ça qu'on en arrive à cette situation qui dégénère en génocide. […] C'est difficile d'être neutre quand on voit les siens se faire massacrer comme ça. Mais en même temps, il n'y a pas que les Tutsi qui ont été massacrés : tous les modérés ont été tués. La Première ministre Madame Agathe Uwilingiyimana a été la première, tout de suite après le Président. Et donc, tout ce sang qui a été répandu, il a été autant des Tutsi que des Hutu. C'est vrai qu'il y a une grande majorité de Tutsi qui ont été massacrés. Mais je crois que tout le monde a souffert dans cette histoire là. Et je crois que pour une réconciliation future, ça va être possible, étant donné que tout le monde a perdu des membres de la famille. […] Je ne peux pas dire que je soutiens l'opération Turquoise ou que je ne la soutiens pas. Nous l'avons pris avec beaucoup de précautions et beaucoup de réserves parce qu'on ne savait pas du tout dans quelle mesure ça allait aider ou plutôt déclencher d'autres tueries. Mais maintenant que les Français ont l'air d'être très bien accueillis sur place, c'est qu'ils ont l'air de calmer la partie qui commet des massacres. Peut-être que dans les jours à venir ça va apporter un plus grand calme et que ça sera plus évident pour nous de travailler parce que notre association voudrait s'occuper beaucoup plus de l'intervention à l'intérieur du pays pour aider les gens qui meurent d'épidémies, de soif".