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Mise à jour :
12 octobre 2023 Anglais

8 000 à 9 000 réfugiés du camp de Nyarushishi sont depuis hier [23 juin] sous la protection de 40 soldats français

Fiche Numéro 31807

Numéro
31807
Auteur
Bilalian, Daniel
Auteur
Staes, Isabelle
Auteur
Manier, Stéphane
Auteur
Duquesne, Benoît
Auteur
Boussié, Laurent
Auteur
Cathala, Jérôme
Auteur
Harrouard, Philippe
Date
24 juin 1994
Amj
19940624
Heure
13:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 13 heures [10:51]
Titre
8 000 à 9 000 réfugiés du camp de Nyarushishi sont depuis hier [23 juin] sous la protection de 40 soldats français
Soustitre
À Kigali, le FPR mène depuis cette nuit une très grosse offensive d'artillerie.
Nom fichier
Taille
30191234 octets
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Résumé
- Les soldats français ont lancé leur opération de sauvetage des populations menacées de massacre au Rwanda à partir de leur base arrière, à la frontière, en territoire zaïrois.
- Isabelle Staes, qui est dans la première colonne de secours française engagée en territoire rwandais : "L'accueil est triomphal ici. La population applaudit, acclame les troupes françaises. On crie 'Vive la France', on brandit des drapeaux bleu-blanc-rouge. En fait ce n'est pas très surprenant puisque nous sommes en zone gouvernementale. Alors les militaires français sont accueillis un peu comme des sauveurs. Et nous avons même rencontré des militaires rwandais de l'armée régulière qui nous ont dit ce matin : 'Ça y est, la France est là. Elle va rétablir la paix'. […] Nous sommes à Nyarushishi dans le plus grand camp de réfugiés tutsi dans l'Ouest du Rwanda. Ça se trouve à une dizaine de kilomètres de Cyangugu. Et en pleine brousse il y a ici 8 à 9 000 réfugiés tutsi qui ont donc fui les massacres. Et depuis hier [23 juin] ils sont sous la protection des militaires français, une quarantaine d'hommes environ de la 11ème division parachutiste de Toulouse. Le camp est vraiment immense et tous ces réfugiés s'entassent dans des tentes. Ils sont ravitaillés et soignés par la Croix-Rouge car beaucoup souffrent de dysenterie. Et puis surtout ils se sentent, disent-ils, un peu plus en sécurité maintenant. […] Les soldats français sont arrivés ici hier [23 juin]. Ils ont donc déjà pris contact avec les Tutsi. Et d'ailleurs le colonel Thibaut, qui est en charge de l'opération ici, nous a raconté que lorsqu'il est arrivé, les Tutsi étaient méfiants puisqu'on connaît les amitiés, le soutien de la France au Président Habyarimana. Donc en fait les Tutsi se méfiaient et se sont dit peut-être que les soldats viennent contre nous en fait. Bien sûr tout cela s'est rétabli et puis ça se passe très, très bien maintenant. Nous avons suivi le colonel ce matin et tout va bien maintenant. Mais les militaires sont à l'extérieur du camp, autour du camp. […] On ne ressent pas de danger. S'il y avait ici il y a peu de temps beaucoup de barrages tenus par les milices extrémistes hutu, il n'y en a plus. On a pu circuler librement. Et en ce qui concerne le FPR, nous sommes quand même à une centaine de kilomètres de la ligne de front. Alors on peut toujours redouter des infiltrations mais pour l'instant tout se passe bien".
- Gestes provocateurs de ces enfants zaïrois : il va y avoir de la bagarre. Gestes immédiatement stoppés par les soldats chargés de la sécurité de l'aéroport de Goma. Immédiatement démenti aussi par le calme des soldats français, l'opération Turquoise est et sera humanitaire. Et les premières missions sont faites pour en apporter tout de suite la preuve.
- Les troupes françaises ont pénétré d'une dizaine de kilomètres seulement en territoire rwandais. Parties de Bukavu au Zaïre, elles se sont rendues exactement de l'autre côté de la frontière dans la petite ville de Cyangugu. Objectif : protéger 8 000 Tutsi réfugiés dans trois ou quatre camps, emporter les blessés dans l'hôpital de campagne installé à la frontière côté zaïrois.
- Autre mission envisagée au nord cette fois, toujours depuis une base arrière zaïroise, Goma : patrouiller dans la région de Gisenyi. Mais pour l'instant aucun militaire français n'a semble-t-il franchi la frontière.
- Deux choses rendent encore ces militaires circonspects : les 2 500 hommes prévus pour cette opération ne sont pas encore tous à pied d'œuvre. Le dispositif n'est donc pas entièrement opérationnel. D'autre part il faut montrer que le but n'est pas de soutenir les troupes hutu ou tutsi qui s'affrontent sur le terrain. Donc choisir des objectifs clairement civils, humanitaires, éloignés de la capitale Kigali et des lignes de front en général.
- Benoît Duquesne : "Je suis à Bukavu. C'est de là qu'est partie la colonne dont Isabelle Staes vous parlait tout à l'heure. Il faut comprendre qu'il y a plusieurs opérations qui se mènent en même temps. En dehors de celle qu'a suivi Isabelle ce matin, il y a une autre colonne qui remonte à partir de la ville de Cyangugu, qui remonte le long du lac qui fait frontière entre le Zaïre et le Rwanda, et qui a pour mission d'aller jusqu'à Kibuye et voir éventuellement s'il y a là des problèmes humanitaires. Autrement dit ils font ce qu'ils appellent du 'renseignement humanitaire'. Ils ont pour tâche d'essayer de voir s'il y a par-ci ou par-là des populations ou des îlots où des gens seraient en difficulté. Dans ce cas, ils leur apporteraient assistance. Et puis il y a une autre mission qui est partie aussi par la route, vers le Sud cette fois, vers Bugarama, avec là aussi les mêmes objectifs et les mêmes impératifs. Et enfin une dernière chose : ce sont des hélicoptères qui sont partis tout à l'heure, vers 10 heures, d'ici, pour aller directement à Kibuye, pour essayer de voir comment se passaient notamment les missions des religieuses. Parce qu'il y a là-bas plusieurs missions de religieuses et on ne sait pas trop dans quelle situation elles se trouvent".
- Laurent Boussié : "Cette nuit il y a eu une très, très grosse offensive, une très grosse préparation d'artillerie ici à Kigali, qui a cessé vers 7 heures, 7 heures et demie ce matin. Et l'offensive semble avoir repris vers 11 heures. Actuellement il y a d'intenses combats dans la ville et il y a de très intenses combats autour de l'hôpital de la Croix-Rouge où tout le personnel médical est aux abris. Un obus y est même tombé sur la salle où l'on trie les blessés. On n'a pas pour l'instant d'information sur le nombre de personnes qui ont été touchées. Mais il semble effectivement, et c'est rare qu'une opération commence le matin, qu'il y ait peut-être pas l'offensive finale mais en tout cas une très grosse offensive que seule arrête de temps en temps la fatigue des hommes et le manque de munitions. Parce que les circuits logistiques pour faire arriver les armes sont quand même assez difficiles. […] Ce matin le FPR avait organisé une manifestation où il y avait environ 2 500 personnes qui manifestaient, contre la présence française où le Président Mitterrand a été traité de traître, de tueur, etc. Donc ils continuent à manifester, ils continuent à maintenir la pression contre cette intervention française. Ils accusent la France de vouloir aider leurs ennemis".
- La France, qui a pris l'initiative, la tête de cette opération Turquoise, ne reçoit pour l'instant qu'un renfort limité et matériel, par exemple des États-Unis. Les Italiens se demandent s'ils doivent agir ou non. Le seul partenaire africain qui se soit engagé concrètement, c'est le Sénégal. Un premier détachement s'est embarqué ce matin à Dakar.
- "Nous sommes les Diambars", les héros en langue wolof. 6 heures du matin, sur la base de Ouakam près de Dakar, les hommes du 22ème bataillon de reconnaissance et d'appui se préparent à rejoindre les forces françaises au Zaïre. Équipement impeccable, hier [23 juin] la France les a habillés de pied en cap, brodequins et fusils Famas compris.
- À terme ils seront 300. Aujourd'hui seuls 40 d'entre eux s'envolent en précurseurs. Leur mission, le ministre des Forces armées est venu la rappeler : objectif strictement humanitaire. Sans états d'âme apparents, même s'ils sont politiquement isolés en Afrique, même si certains les accusent d'être dans les bagages de la France. Colonel Djibril Thiandoum, commandant du détachement sénégalais : "Nous sommes très fiers de travailler avec la France".
- Le Sénégal, comme la France, mesure bien les risques politiques et militaires d'une telle intervention aussi humanitaire soit-elle. Alors pour éviter tout risque inutile, les troupes sénégalaises seront d'abord cantonnées à des missions qui les tiendront éloignées du front.
- Au sommet européen de Corfou qui commence aujourd'hui, en Grèce, la France va chercher un soutien plus explicite de ses partenaires qui sont timorés.
- C'est dans une ancienne église dédiée à Saint-Georges que se sont retrouvés ce matin à Corfou les Douze. Avec un invité, Boris Eltsine, venu signer un accord de partenariat avec l'Europe. C'est au dîner de ce soir que les chefs d'État et de gouvernement parleront du Rwanda.
- Mais les conversations hors sommet dans la journée permettront à la France de faire le point avec ses partenaires. Silvio Berlusconi se laissera-t-il convaincre finalement d'y aller malgré sa grande prudence ?
- La Belgique, le Portugal, le Danemark pourraient participer à une soutien logistique. Les Espagnols sont moins enthousiastes. Rien de concret de la part des Allemands. En tout cas, il devrait y avoir à Corfou un texte pour appuyer l'intervention de la France.
- Mais la France veut plus. Elle réclame "un soutien plus actif de la part de ses partenaires européens", disait hier [23 juin] Monsieur Lamassoure, le ministre des Affaires européennes. En langage non diplomatique cela veut dire : "Les paroles c'est bien joli, les actes c'est tellement mieux".